C'EST LE DRAPEAU DE LA HONTE QUE TU SALUES
ROMAN
PASCAL SCHENAL
CHAPITRE UN : LA NAISSANCE D'UNE NATION SUR UN CHARNIER
Pourquoi Ruairî Mac Giolla Phâdraig s'était-il enrôlé dans les commandos de la mort de la toute nouvelle République d'Irlande ?
À l'indépendance en 1921 le leader du Fine-Gael, Séamas Ô Grianna, prit le pouvoir et imposa immédiatement une dictature militaire de type fasciste avec pour but d'arracher à la Grande-Bretagne les six comtés de l'Ulster que celle-ci avait gardés suite au traité d'indépendance. Alors la guerre reprit ; une guerre impitoyable et meurtrière dont les civils furent surtout les victimes. Le dictateur bénéficia de l'aide de la diaspora irlandaise installée aux Etats-Unis ; parmi celle-ci se trouvaient de puissants financiers qui fournirent le nerf de la guerre : l'argent coula à flot dans des proportions que l'on ne put jamais imaginer auparavant. Ils se trouva qu'un grand nombres d'immigrés irlandais rescapés de la Grande Famine du XIXème siècle fit fortune dans le pétrole et l'industrie, chose inespérée au regard de l'Histoire car comment ces vaincus victimes d'un génocide constamment nié par la Couronne Britannique auraient-ils pu puiser tant d'énergie et d'esprit d'entreprise dans leur misère ? Il se trouva que la Fortune sourit à ces malheureux exilés ce qui ne se serait peut être pas produit dans un univers parallèle où un tout autre scénario aurait été écrit : la main mise sur le pouvoir économique et politique par les WHASP _ white anglo-saxon protestants _ or dans cette réalité-ci se furent les WHIC _ white irish catholics _ qui raflèrent la mise. Au début du XXème siècle le nombre de milliardaires originaires de l'Île Verte atteint un niveau record et la démographie exubérante des descendants de ceux qui avaient traversé l'océan Atlantique sur des navires cercueils pour fuir la Grande Famine fit le reste pour donner à l'Amérique du Nord la physionomie que nous lui connaissons : deux nations, les Etats-Unis et le Canada, plus celtiques qu'anglo-saxonnes. À Chicago, entre autres, encore de nos jours, il n'est pas rare d'entendre parler gaélique dans certains quartiers ; même les plus huppés. La grande bourgeoisie de villes telles que Chicago, New York, Washington, Dallas, Houston, et même Los Angeles se doit d'être gaélophone. Les postes clé de l'administration et de la politique sont tous aux mains de descendants d'immigrés irlandais.
Séamas Ô Grianna a fondé son parti, Fine-Gael, en 1915. Il rassembla un grand nombre de militants dans une organisation paramilitaire qui perpétrèrent plusieurs attentats contre les forces et les intérêts britanniques : la guerre d'indépendance de l'Irlande venait de débuter. Le lundi de Pâques 1916, le 24 avril, les quatre bataillons du Fine-Gael s'emparèrent des points stratégiques de Dublin, Séamas Ô Grianna fut nommé président du gouvernement provisoire et commandant des forces républicaines, il proclama la République Irlandaise. Les rebelles signèrent leur reddition le samedi 29 avril suivant. Séamas Ô Grianna fut condamné à mort. Le gouvernement des Etats-Unis fit une pression incommensurable sur la Grande-Bretagne, la menaçant de lourdes sanctions économiques, n'oublions pas que nous étions en pleine guerre mondiale, et de ne pas envoyer d'appui militaire sur la Somme, si la peine du grand leader de l'indépendance irlandaise n'était pas commuée en peine de prison. Ô Grianna fut finalement condamné à la prison à vie. Il bénéficia de conditions de détention particulièrement clémentes et c'est au cours de sa captivité qu'il rédigea son célèbre livre : Mo Chomhrac, mon combat, qui connut dés sa parution un immense succès tant en Irlande qu'en Amérique du Nord. Le futur dictateur y étale son intolérance, et même son racisme, envers les protestants les accusant de tout les maux. Il se réfère à l'inquisition espagnole et loue la contre-réforme du XVIIème français qui aboutira à la Révocation de l'Edit de Nante. Il n'hésite d'ailleurs pas à glorifier le massacre de la Saint-Barthélémy comme un acte salutaire pour la préservation de l'identité française. Il y expose aussi une théorie raciste fumeuse issue de prétendus savants du XIXème siècle, la plupart français ou italiens, qui postule que la race inférieure des Germains s'est convertie au protestantisme alors que la race supérieure des Celtes, représentée tant par les Irlandais que les Français et aussi par les habitants du sud de l'Allemagne, est restée catholiques ; cependant il n'explique pas pourquoi les Gallois et les Ecossais qui sont pourtant des Celtes sont protestants ; de même que tout les catholiques ne sont pas d'origine celtique. Il envisage, d'ailleurs, une solution finale à la question protestante : l'extermination des protestants, même pas leur conversion, mais leur élimination physique en tant que race...
En 1918, Ô Grianna, bénéficiant d'une complicité mystérieuse au sein de l'administration pénitentiaire, réussit à s'évader. Il rejoindra le maquis et avec les forces armées de son parti continuera la guerre contre les Anglais. C'est à ce moment qu'il dessinera l'emblème et le drapeau du Fine-Gael : le swastika combiné au yin-yang. On ignore ce qui a pu lui inspirer ce symbole ; d'aucuns disent que c'est une figure de l'héraldique japonaise qui a rempli cet office : en effet, la croix gammée superposée au yin-yang, la partie noire du swastika devenant blanche sur la partie noire du yin-yang et vice versa afin de bien les distinguer l'un de l'autre tout en ne gardant que deux couleurs, quoique peu connue aurait très bien pu parvenir à sa connaissance. Cependant en examinant de près le bân-is-dubh, le nom gaélique dudit symbole, on s'aperçoit qu'il n'y a pas superposition mais fusion ; on pourrait même dire que l'intérieur est à l'extérieur et l'extérieur à l'intérieur. Dans son livre Mo Chomhrac, Ô Grianna fait état d'une certaine expérience mystique où il rencontre Êiriu, déesse personnifiant l'Irlande qui lui octroie l'étendard où figure le bân-is-dubh avec pour mission de rétablir les Gaëls dans leur splendeur passée.
Puis il remportera la victoire et obtiendra l'indépendance de l'Irlande mais la Grande-Bretagne sous la pression des protestants de l'Ulster voudra garder les six comtés de cette province. Ô Grianna a accepté cette victoire en mi-teinte afin de reconstituer ses force et surtout pour instaurer une dictature où toutes les libertés civiques furent supprimées. Il imposa une regaélisation à marche forcée de la jeune République d'Irlande : l'enseignement du gaélique se fit dans toutes les écoles publiques et dans toute les matières ; les fonctionnaires durent s'adresser uniquement en gaélique au publique sous peine de révocation immédiate ; l'anglais fut aboli des panneaux routiers et de toute signalisation ; les adultes ne connaissant pas le gaélique furent obligés de suivre des cours intensifs pour apprendre l'idiome national ; les chaînes de radio d'états ne diffusèrent que des programmes en gaélique ; il devint indispensable pour obtenir une promotion sociale de posséder une grande maîtrise du gaélique ; pour accéder à un haut niveau de responsabilité au sein de l'état il fallait aussi faire preuve d'une parfaite connaissance de la langue nationale car il ne resta plus qu'une langue officielle : le gaélique et l'anglais fut éliminé de toute officialité. Le résultat fut à la hauteur de ces mesures drastiques : durant la dictature d'Ô Grianna c'est surtout le gaélique que l'on entendait par tout le pays et l'anglais fut relégué dans quelques coins perdus de l'est du pays : ces petites enclaves anglophones furent baptisées galltachtaî alors qu'avant l'indépendance les toutes petites enclaves gaélophones de l'ouest de l'Irlande étaient nommées les gaelteachtaî. Quelle revanche ! Comme quoi la volonté politique peut accomplir beaucoup de choses : plus tard en 1949 l'état d'Israël saura suivre l'exemple d'Êire et imposer l'hébreu, une langue qui n'était plus parlé depuis 2500 ans, comme langue officielle courante largement diffusée.
Puis commença l'expulsion des protestants avec comme pendant la réinstallation des descendants des Irlandais immigrés aux Etats-Unis : il en vint un grand nombre qui apportèrent dans leurs bagages des savoir-faires, des compétences et surtout des capitaux. Alors Êire devint prospère ; une propèrité inespérée ce qui donna des ailes à Séamas Ô Grianna. En 1933 l'armée de la République d'Irlande envahit sans crier gare l'Ulster britannique : la guerre recommença et les Britannique répliquèrent comme il purent mais les forces armées d'Êire furent supérieures en nombres et en matériels et la guerre se conclut en peu de temps : début 1934 l'Irlande fut réunifiée. Il fallut alors signer un traité de paix. La Grande-Bretagne consentait à céder les six comtés mais elle exigea que la population protestante demeurât sur place. Pour en finir avec la guerre et trop content d'avoir réunifiée l'île Ô Grianna consentit à cet accord.
C'est alors que les persécutions contre les protestants de l'Ulster démarrèrent. Les protestants furent chassé de l'administration et un tas de professions leur furent désormais interdites ; l'accès au parcs et aux jardins publiques aussi ; ainsi que l'usage du téléphone et de la radio ; comble de vexation on leur imposa le port d'un insigne qui devait être cousu sur leurs vêtements : l'Union-Jack avec ce mot brodé : protastûnach, protestant.
C'est à ce moment là que commence l'histoire de Ruairî Mac Giolla Phâdraig. En 1930 Ruairî alors âgé de seulement vingt ans s'engagea dans le groupe paramilitaire Dîoltas na hÊireann, la vengeance de l'Irlande, et au moment de l'invasion de l'Ulster il participa à la persécution et la vexation des protestants. Avec ses camarades il obligea de vielles gens à nettoyer les pavés de Belfast avec leur propre brosse à dents, il fit voler en éclat bon nombre de vitrines de petits commerçants protestants, il peignit le mot protastûnach sur les murs des maisons protestantes et bien d'autres actes ignobles... Mais le pire était à venir : l'ouverture des camps de la mort.
En 1936 les protestants de l'Ulster furent déportés massivement vers des camps de concentration situés au sud de l'île. Ruairî Mac Giolla Phâdraig se retrouva à la tête d'un de ces camps. Il avait pris du galon au sein du DNÊ : il était maintenant Maor Ginearâlta ; un grade assez élevé. Alors il dut appliquer les directives de sa hiérarchie et organiser l'extermination des protestants. Des chambres à gaz furent construites ainsi que des fours crématoires. Le camp que dirigeait Mac Giolla Phâdraig était situé à Durlas et c'était un des plus sinistres établissements de ce genre. À leur arrivée les viellards et les enfants étaient systématiquement gazés ; les valides étaient soumis à des travaux épuisants et très peu nourris ; ils subissaient toutes sortes de mauvais traitements tel que bastonnades, brimades et châtiments conduisant souvent à la mort et de toute manière les plus épuisés et les plus dénutris finissaient dans la chambre à gaz. Très peu de protestants de l'Ulster survécurent ; en très peu d'année Ô Grianna pouvaient être satisfait : Êire ne comptait pratiquement plus de protestants.
Mac Giolla Phâdraig bénéficiait d'une vie confortable ; seulement il avait tout les jours sous ses fenêtre le spectacle de créatures décharnées vêtues de pyjamas rayés en loques qui mourraient en grand nombre. Il s'était habitué à cet état de fait et n'y prêtait plus attention ; entre ses maîtresse et ses beuveries entre camarades il s'était accoutumé à l'horreur et il regardait tout ça avec indifférence ; d'autant plus que lui ne souffrait pas mais songeait surtout à jouir... Du moins le croyait-il...
Une nuit il fit un horrible cauchemar : il était devant l'étendard du Fine-Gael et une voix tonitruante pleine de rage et de reproche lui disait : " Is do bhrat na nâire go mbeannann tû ! ", c'est le drapeau de la honte que tu salues. Il se reveilla haletant, trempé de sueur. Ce rêve le marqua à ce point qu'il résolut de fuir, de déserter. C'est ce qu'il fit : il alla sur la côte et trouva à s'embarquer sur un bateau de pêche moyennant une grosse somme. De nombreux protestants avaient suivi avant lui des filières de passeurs qui avaient pu les faire passer soit en Angleterre soit en France ; l'affaire était risquée car des garde-côtes patrouillaient souvent et n'hésitaient pas à tirer mais Mac Giolla Phâdrag prit ce risque. Et son entreprise fut couronnée de succès. Un matin il se retrouva débarqué dans le port de pêche de Concarneau. Jusque là il avait été chanceux mais plus pour longtemps car des gabelous mirent la main sur lui et s'enquirent de son identité. Ruairî n'avait pas songé à se faire faire des faux papiers et la police française s'intéressa très vite à son cas. Sur le continent on savait très bien quelles sortes d'horribles crimes se perpétraient sur l'Île Verte aussi fut-il démasqué et emprisonné ; cependant dans des conditions bien moins épouvantables que celles que devaient subir ses pensionnaires du camp de Durlas. En ce temps là la notion de crime contre l'humanité n'existait pas et le crime de guerre en ce qui concernait Ruairî Mac Giolla Phâdraig ne pouvait s'appliquer puisqu'Êire était officiellement en paix avec tout le monde. La France se trouva confronté à un vide juridique : malgré les crimes patents et bien documentés de Mac Giolla Phâdraig on ne pouvait le traduire en justice. Que l'on se souvienne du génocide des Arméniens : aucuns des criminels qui participèrent à ce crime et se trouvant sur le territoire des démocraties occidentales ne furent inquiétés ; cela constituait un fâcheux précédent. La justice française ne pouvait guère faire mieux que d'expulser l'Irlandais. Ce qui fut fait. Alors Ruairî se retrouva confronté à la justice militaire de son pays car il avait déserté. Il fut jugé et condamné à être fusillé. Nous étions en 1939 et la Deuxième Guerre Mondiale venait de débuter sur le continent. Bien sûr Êire ne pouvait que rester neutre et c'est ce qui se passa jusqu'en 1940 année où la Grande-Bretagne subit avec son alliée la France une défaite cuisante ; la France fut envahie par les Allemands et l'Angleterre s'apprêtait à subir le même sort. À ce moment là, Ô Grianna déclara la guerre à la Grande-Bretagne y voyant là une opportunité de détruire la race haïe des protestants. Ô Grianna alla même jusqu'à rencontrer le chancelier Hitler à Berlin où ils signèrent ensemble un traité d'alliance en vue d'envahir et se partager le territoire de la Grande-Bretagne.
Une grande cérémonie fut organisée sur une place de Berlin avec un grand concours de peuple. Il fallait voir les deux oriflammes si semblables, mais cependant légèrement différentes, côte à côte à la tribune officielle : d'un côté la croix gammée sur un disque blanc inscrit au milieu d'un drapeau rouge et de l'autre le bân-is-dubh au centre également d'un étendard écarlate. Un oeil inattentif aurait pu les confondre. Après un échange de discours sur la nouvelle amitié entre les deux peuples l'hymne du Fine-Gael, le fameux Ôrô, Sé do Bheatha Abhaile retentit suivit par celui, non moins fameux, du parti national-socialiste le Horst Wessel Lied. Des observateurs s'étonnèrent que Séamas Ô Grianna en tant qu'ennemi juré de la race germanique se soit allié avec justement avec le champion de cette même race germanique mais des idéologues du parti Fine-Gael purent arguer que les Allemands du sud étaient des Celtes et que cette contradiction apparente pouvait être levée par ce fait. Evidemment ce genre d'argument n'était guère convaincant mais cette époque démentielle en avait vu d'autres : ainsi le traité de non agression germano-soviètique où l'ennemi juré du communisme s'était allié avec Staline dans le but d'écraser en premier lieu les démocraties de l'Europe de l'ouest ; on sait ce qu'il est advenu par la suite...
Ruairî Mac Giolla Phâdraig fut grâcié et sa peine fut commuée par de la prison à vie. Son avocat avait bien fait son travail auprès du dictateur : il faut dire que les événements de guerre qui étaient en train de se dérouler le poussaient à une exaltation qui l'incita à plus de clémence envers un déserteur qu'il considérait pourtant comme un traître. Malgré la position attentiste qu'il se devait d'observer il avait le secret espoir que son ennemi juré connaisse la défaite ce qui se confirma quelques mois plus tard.
L'offensive d'Êire commnença au mois de juillet 1940. La surpuisante aviation irlandaise bombarda Glasgow, Manchester, Sheffield, Birmingham, Bristol... faisant à chaque fois des milliers de victimes civiles et des destructions sans nombres. De son côté les forces allemandes ne furent pas en reste et c'est Londre qui subit le même sort.
Puis l'armée irlandaise débarqua au Pays de Galles à Fishguard, Aberystwyth et Pembroke. L'armée britannique déjà très affaiblie par sa campagne précédente en France ne put que reculer d'autant qu'un second front s'était ouvert dans le sud de l'Angleterre avec le débarquement des forces allemandes.
On assista au mêmes scènes d'exodes qui s'étaient produites quelques semaines auparavant dans le nord de la France. Et les fâinleoga, l'équivalents des fameux stukas allemands, mitraillèrent les malheureux réfugiés gallois et anglais qui se trouvaient sur les route dans une pagaille indescriptible empêchant, comme précédemment en France, les régiments de joindre la ligne de front. Le premier ministre de la Grande-Bretagne, Winston Churchill, ne put que demander l'armistice aux deux agresseurs.
Après la signature de l'armistice Sir Winston Churchill démissionna et ce fut un autre premier ministre, un militaire octogénaire héros de la grande guerre, qui fut nommé à sa place : Charles Crawford. Le territoire de la Grande-Bretagne fut divisé en trois parties : la partie à l'ouest, d'une ligne partant de Southampton en passant par Birmingham et finissant à Newcastle upon Tyne, fut octroyée à Êire, Londres et ses environs ainsi que le Sussex revinrent à l'Allemagne et le restant demeura sous gouvernance Britannique. Le Roi et tout les représentants de l'état durent s'installer à Nottingham. Le Maréchal Crawford fut l'exact alter ego du Maréchal Pétain pour la Grande Bretagne : il collabora activement avec les nazis surtout en ce qui concerne les rafles et les déportations massives de juifs anglais ; avec l'Irlande gaélique les rapports se firent plus distants car de l'autre côté de la ligne de démarcation c'était les protestants que l'on persécutait ; un véritable rideau de fer avant la lettre s'instaura entre la partie occupée par les Irlandais et le reste de la Grande-Bretagne ; là il ne fut guère question de collaboration mais plutôt de guerre de tranchée. Les Britanniques ne surent pas ce qu'ils devaient haïr le plus : les nazis ou les Gaëls. Par contre il est un fait à retenir : jamais les Irlandais ne persécutèrent les juifs ; tout au long de la guerres les juifs anglais passèrent clandestinement à l'ouest de la ligne de démarcation dans la zone gaélique ; à partir de fin 1942 quand les allemands finirent par envahir la zone non occupée sous administration britannique les passages à l'ouest devinrent encore plus risqués. On peut même dire que Séamas Ô Grianna fit beaucoup pour protéger les juifs beaucoup plus que ne le fit Mussolini (du moins jusqu'en 1938, année où l'on assista à un revirement dans l'Italie fasciste). Quelle conséquence est-ce que cela aura à la fin de la guerre ? Que l'on se souvienne : après la bataille de Stalingrad il fut clair que Hitler était en train de perdre la guerre et il s'ensuivit un véritable renversement d'alliance ; l'armée irlandaise envahit tout l'est de la Grande-Bretagne aidée en cela par l'armée américaine ce qui facilita grandement le débarquement de 1944. Êire devint l'allié du monde libre et elle continua la guerre de reconquête contre les nazis au côté des Américains et des Français et l'armée irlandaise se retrouva fin avril 1945 au abords de Berlin aux côtés de ses alliés. Il semble que l'on ait oublié le génocide des protestants qui avait débuté dans les années trente en Êire et qui s'était poursuivi pendant toute la guerre dans l'ouest de la Grande-Bretagne. Pourquoi cet oubli, pourquoi ce pardon, en ce qui concerne un génocide d'au moins égale importance vis à vis de la Shoah ? Êire a sauvé des millions de juifs durant cette période ; la communauté juive des Etats-Unis sut s'en souvenir et c'est pour ça que le génocide des protestants fut oublié et pardonné d'autant plus que l'Europe se devait de se reconstruire et que l'argent qui afflua tant des Etats-Unis, grâce aux financiers de la diaspora irlandaise, que de la riche République d'Irlande servit à ça : c'est immoral mais c'est comme ça. Bien entendu Êire pour se racheter entièrement de ses crimes à la face du monde dut évacuer les territoires qu'elle avait occupés et restaurer la souveraineté britannique allant même jusqu'à participer à la reconstruction de la Grande-Bretagne. En Irlande à la fin de la guerre il ne fut plus question de persécution contre les protestants et toute les brimades et vexations furent levées mais le mal était fait et il ne restait plus que très peu de protestants sur l'Île Verte. On a oublié les crimes d'Ô Grianna de même que l'on a oublié les crimes de Stalines et de Mao. Le grand Treoraî (leader) mourut dans son lit en 1960, laissant une Irlande prospère et réunifiée et ayant récupéré sa culture et sa langue nationale. La croix gammée nazie ne sucite plus que de l'horreur de nos jour mais le bân-is-dubh sur fond rouge demeure le drapeau d'une République d'Irlande qui a su restaurer la démocratie à l'instar de l'Espagne après la mort de Franco.
Mais le rôle d'Êire ne s'est pas arrêté là. Son influence diplomatique dans la constitution de l'état d'Israël fut considérable. L'Irlande qui avait une certaine expérience du malheur et qui s'était si cruellement vengé de ses anciens exploiteurs savait que si l'on ne trouvait pas un accord plein de justice entre les juifs et les palestiniens le monde repartirait pour des décennies de guerres et d'affrontements. C'est pourquoi après d'âpres négociations il fut décidé que les palestiniens resteraient chez-eux dans leur maison et conserveraient leurs terres agricoles afin de leur assurer subsistance et que les citoyens du tout nouveau état d'Israël qui était en train de se créer partageraient l'espace de la Palestine avec leurs voisins arabes au sein d'un unique état : Israël. Dans cet état, arabes et juifs auraient des droit égaux et une même citoyenneté tout en conservant leur identité ethnique ; chacun parlerait sa langue : l'arabe pour les Palestiniens, l'hébreux pour les juifs et chacun pratiquerait sa propre religion. C'est ce qui aurait pu se produire, d'ailleurs, dans l'Irlande d'avant l'indépendance si les grands propriètaires anglais n'avaient pas exploité à outrance les Irlandais les expulsant de leurs terres et les acculant à la famine : la Grande Famine de 1845 ; si plus de justice avait été appliquée non seulement la misère et la famine n'eurent pas eu lieu mais au moment de l'indépendance les protestants seraient restés en Irlande tout en conservant leur langue et leur culture de même que le gaélique se serait maintenu constituant ainsi une nation bilingue et biculturelle. Aussi, forts de cette expérience due à l'Histoire, les diplomates irlandais surent mettre à la raison les deux parties de sorte que l'on put trouver un accord plein de sagesse et de justice. Restait la question de l'identité. Un arabe palestinien voudrait-il vivre dans un état juif dont le nom même, Israël, rappelait que trop bien la judaïté ? C'est pourquoi, sachant l'importance du nom dans l'identité tant individuelle que nationale, on proposa que le nouvel état s'appelât Israël-Palestine. Ce fut un grand tollé mais l'ambassadeur plénipotentiaire de la République d'Irlande, Seân Mac Cormac, fit finement remarquer qu'avant la naissance éventuelle de cet état, la Palestine sous la domination turque puis sous le protectorat britannique n'existait même pas en tant que nation ; tout juste une province à l'identité mal définie : il avait fallu l'affrontement avec les nouveaux venus rescapés des camps de la mort nazis pour qu'émerge une identité palestinienne sinon ils seraient restés des arabes qui se seraient assimilés soit aux syriens soit aux jordaniens ; n'était-ce pas là une chance unique d'obtenir une identité nationale ? Certes ce n'était qu'une identité partagée avec les Israëliens mais étant donné que les juifs sacrifiaient eux aussi en partie leur identité on pouvait considérer que le marché était équitable et que les deux parties avait tout à gagner dans cet accord. Et c'est finalement en 1947 que fut créé l'état d'Israël-Palestine ; un état prospère où règne l'égalité entre Arabes et Juifs et qui provoque la grande jalousie des pays arabes voisins. Heureusement les motifs de guerre sont absent : par exemple Israël-Palestine a su partager de façon équitable avec la Jordanie les eaux du Jourdain et les échanges commerciaux avec l'Egypte, la Syrie et l'Iraq sont au beau fixe à un tel point qu'il est de nos jour question d'une union douanière entre ces pays.
Pourquoi Ô Grianna avait choisi de secourir les juifs ? Parce qu'il y avait un point commun entre le peuple irlandais catholique et le peuple juif : tout deux avaient connu le même mépris, les mêmes persécutions, la même négation de leur droit à l'existence. Est-ce suffisant ? Non, il y avait autre chose... Et cette autre chose est liée au destin de Ruairî Mac Giolla Phâdraig.
CHAPITRE DEUX : RUAIRÎ MAC GIOLLA PHÂDRAIG
Donc Mac Giolla Phâdraig se retrouva en prison pour le reste de sa vie. En prison il dut travailler et il fut affecté à l'atelier de menuiserie.
Un mot sur la biographie de Ruairî : né dans le comté de Maigh Eo dans une famille gaélophone nationaliste il fut nourri dés son jeune âge de culture gaélique notamment en ce qui concerne la musique. Sa mère jouait de la harpe et du violon, son père du uilleann pipe et il était également facteur de cornemuse : il fabriquait des uilleann pipes mais aussi des cornemuses écossaises, pîob mhôir, et d'autres petites cornemuses que l'on jouait dans les Îles Britanniques : small pipes écossais et northumbrian pipes. Tout petit Ruairî fut initié au jeu du uilleann pipe et son père lui apprit à fabriquer des cornemuses. C'était un excellent musicien. Malheureusement en prison il se retrouva privé de son instrument de musique et cela lui fit beaucoup défaut.
Comme il travaillait à l'atelier de menuiserie ce n'est pas le bois qui manquait : toutes sortes de bois et même le bois destiné à l'ébénisterie de luxe ; le précieux ébène qui pouvait aussi servir à la facture d'instruments de musique. Ruairî demanda à l'administration pénitenciaire s'il lui serait possible de fabriquer un uilleann pipe : cette demande fut acceptée et appuyée en ça par le gardien chef Fearghus Mac Uidhir qui était un authentique aficionado de la musique irlandaise car lui-même jouait du violon et chantait fort bien dans le style sean nôs.
Donc Ruairî construisit son propre instrument et comme il avait produit un uilleann pipe merveilleux cela se sut à l'extérieur de la prison et une demande se developpa si bien qu'un atelier de facture instrumentale se constitua et l'ex DNÊ se retrouva à la tête d'une équipe d'une vingtaine de compagnons qui se mirent à fabriquer toutes sortes d'instruments de musique. On se retrouva ainsi jusqu'en 1943 date du tournant dans la guerre. À ce moment là, après la déconfiture des Allemands devant Stalingrad, l'armée d'Êire combattit les nazis sur le territoire qu'ils occupaient au sud-est de l'Angleterre et il fallut recruter un grand nombre de soldats et les recruteurs se retrouvèrent très vite à bout de ressources humaines aussi firent-ils flèche de tout bois et envoyèrent-ils au front de quasi adolescents et des hommes mûres. Mais cela ne fut pas suffisant et on se tourna vers les prisons : les recruteurs s'intéressèrent au détenus les plus exemplaires, ceux à qui on avait depuis longtemps pardonnés et qui faisaient preuve d'une conduite irréprochable durant leur détention et par là, seraient se montrer les plus loyaux pendant les combats. Mac Giolla Phâdraig avait ce profil et son aptitude d'organisateur fut particulièrement appréciée : contre une libération et un pardon total il fut enrôlée dans les Fôrsaî Speisialta na hÊireann, les Forces Spéciales d'Irlande, les FSÊ.
Donc il se retrouva à nouveau soldat. Il fut affecté à la logistique là où ses compétences d'organisateur seraient le plus à même à être employées. La guerre se poursuivit sur le continent et Ruairî se retrouva le 21 avril 1945 non loin de Berlin avec ses camarades des FSÊ. Mais à quoi pouvaient bien servir ces FSÊ ? À rechercher et démasquer les soldats de l'armée qui pactiseraient avec l'ennemi : les traîtres ou supposés tels. Qui aurait pu pactiser avec une armée en déroute dont la chute était flagrante et imminente ? Les FSÊ auraient dû se retrouver au chômage. Mais il y avait d'autres armées que celle de l'ennemie sur le théatre des opérations : les armées américaines, françaises, et soviétiques. Mais pourtant ces forces étaient sensées être amies : dans ce cas précis où tous oeuvraient à l'anéantissement du régime national-socialiste, oui, mais qu'allait-il advenir à la fin de la guerre quand Êire devrait rendre des comptes au monde entier ?
Ruairî avait participé à la libérations des camps de la mort nazies et cette expérience l'avait renvoyé à sa propre culpabilité quand il avait dû diriger le non moins épouvantables camps de concentration de Durlas dans le comté de Tiobraid Ârann : à la vue de tout ces cadavres décharnés jetés en tas un terrible sentiment de remord l'avait saisi. Tout ce qu'il avait pu voir à Dachau, Birkenau, Mathausen, il ne le connaissait que trop bien : tout était similaire à ce que l'on pouvait encore voir en Irlande : les mêmes baraquements insalubres et délabrés, les mêmes fours crématoires et, comble de l'ignominie, la même devise absurde et cynique surmontant l'entrée des camps tant en Allemagne, Pologne et Irlande : Arbeit macht frei ; Is an obair a dhéanann saor.
Les Américains, les Français, et les Soviétiques (d'une manière plus hypocrite quand on sait ce qu'il en était de l'archipel du goulag) étaient sur le point de se retourner contre leur allié de fraîche date et dans l'état-major de l'armée irlandaise ceci suscitait pas mal d'inquiétude : allait-on se retrouver en guerre, cette fois attaqué de toute part par le glaive vengeur des Calvinistes et autres Luthériens qui étaient parfaitement au courant de ce qui s'était passé en Irlande depuis onze ans et qui réclameraient le prix du sang et des larmes ?
Ruairî fut approché par les services secrets français. Il rencontra le Colonel Rouvière originaire du sud de la France et qui était issue d'une vielle famille huguenotte ; c'est peu de dire qu'il n'avait pas en odeur de sainteté le régime du Fine-Gael. L'entrevue se fit très secrètement dans une arrière salle d'une maison de plaisir qui avait été bombardée et qui tombait en ruine. Le Colonel Rouvière attaqua sans ambages : " Vous avez fait du beau travail, Maor Ginearâlta Mac Giolla Phâdraig, lors de votre commandement du camp de Durlas : 2OO OOO morts en trois ans ; les nazis auraient pu vous embaucher... Savez-vous ce qui vous attends à la fin de la guerre ? Douze balles dans la peau si ce n'est pas la corde... " Un silence de plomb s'en était suivi. Que pouvait répondre Ruairî face à cette accusation et cette menace pas du tout voilée ? Il finit par demander : " Qu'est-ce que vous me voulez ?
_ Que vous éliminiez Ô Grianna.
_ Comme vous y allez : vous vous rendez compte de ce que vous me demandez et les risques que j'encourre ?
_ C'est ça où nous vous capturons immédiatement et nous vous faisons traduire devant un tribunal international chargé de punir les génocides. Rien de plus facile pour nous.
_ Et je passerais pour un traître ; un traître à ma patrie : Êire.
_ Ne faites pas votre sainte nitouche : qu'est-ce que c'est cette patrie où on massacre ceux que l'on juge inférieurs et indignes de vivre ; regardez ce qui se passe ici dans ce pays en ruine ; interrogez ces va-nu-pieds qui étaient si fiers du 3ème Reich, demandez leur ce qu'il pense de leur patrie, leur fameux heimat, ils hausseront les épaules et vous demanderont si vous n'avez quelque chose à bouffer. Où est la superbe de la race supérieure aryenne, maintenant, dans cette nation vaincue ? Voulez-vous que l'Irlande suive le même chemin ?
_ Ma patrie a bien failli disparaître, surtout après la Grande Famine, an Gorta Môr, ce n'est pas le cas de l'Allemagne : même après la défaite de 1918 elle s'est relevée et la langue allemande n'a pas failli mourir comme cela a été le cas pour le gaélique. Même si l'Allemagne est dépecée, comme vous vous apprêtez à le faire, la langue et la culture allemande ne disparaîtront pas et les Allemands ne seront pas dispersés aux quatre coins du monde. Êire devra certainement répondre de ses crimes mais qu'on la laisse se défendre devant le tribunal de l'Humanité ; la vengeance a été le mobile de tout ces assassinats de masse. Ce que mon peuple a subi lors de ce demi-millénaire passé mérite que l'on pose un doigt accusateur sur la Grande-Bretagne et tout les rapaces qui se sont abbatus sur mon pauvre pays. Certe nous avons commis un génocide envers les protestants, et croyez bien que je le regrette amèrement, mais n'oubliez pas que l'intolérance religieuse a été un prétexte pour nos envahisseurs pour nous faire mourir en masse et nous faire disparaître de la surface de la Terre ; cela a commencé avec Cromwell et s'est continué avec les gros propriétaires anglais qui se sont acharnés à expulser nos paysans et à les faire mourir de faim leur déniant toute humanité au motif qu'ils étaient d'abominables papistes. À titre de comparaison, Hitler s'en est pris aux Juifs mais ceux-ci ne lui avaient rien fait pas plus qu'il n'avaient fait quoique ce soit au peuple allemand. Ce génocide, celui des nazis à l'encontre du peuple juif est un crime gratuit et réclame la plus lourde peine de la part du tribunal de l'Humanité ; notre génocide à l'encontre des protestants mérite, il me semble, des circonstances atténuantes. Bien entendu, rien n'excuse ces crimes, mais je ne veux pas que ma patrie soit à nouveau stigmatisée et mon peuple à nouveau rabaissé. Qu'obtiendrez-vous avec la mort de notre Uachtarân Ô Grianna, notre président Ô Grianna ? Pensez-vous que justice sera faite ? Que tout les protestants du monde se repaîtront de cette mort qui assouvira leur haine ? J'ai pris des renseignements sur vous, Colonel Rouvière, depuis le temps que vous essayez d'entrer en contact avec moi, je sais que vous êtes huguenot et que les Huguenots ont dû subir des persécutions et qu'à cause de cela eux aussi ont bien failli disparaître mais vous mettrez-vous dans le même sac que ces fanatiques orangistes qui ont persécuté les catholiques ? Partagez-vous leur intolérance ? Les bourreaux sont devenus victimes et les victimes bourreaux ; mais est-ce que les protestants de France ont le secret dessein d'exterminer les catholiques qui partagent leur espace territorial ? Pourquoi le feraient-ils ? Vous autres Huguenots qui avez connu l'intolérance et les massacres vous assimilerez-vous avec les oppresseurs qui ont voulu la mort de l'Irlande ? Il y a tout un monde entre un protestant d'Irlande du nord et un protestant du sud de la France : ce n'est pas la même histoire, la même mentalité ; d'un côté une terre froide et ingrate et de l'autre côté un pays ensoleillé où il fait bon vivre ; plus étranger l'un à l'autre on ne fait pas mieux ; si les Huguenots s'étaient installés en masse en Irlande je ne crois pas qu'ils nous auraient persécutés. Vous me demandez de trahir ma patrie en assassinant le chef d'état d'Êire et vous usez de la menace pour le faire mais il n'y aucune légitimité à votre demande car vous n'êtes porteur d'aucune sentence émanant d'un tribunal compétant et reconnu. Bien sûr vous invoquerez le fait qu'Ô Grianna est un monstre et à des millions de morts sur la conscience mais à l'arbitraire vous opposez votre propre arbitraire et ce faisant vous vous rendez aussi coupable que le criminel présumé : vous vous rabaissez à son niveau de violence.
_ Pardon, mais il n'y a pas là présomption mais certitude preuve à l'appui : ce ne sont pas les témoins et les faits qui manquent ; votre argument ne tient pas !
_ Est-ce une raison pour faire justice vous-même ?
_ Ce n'est pas moi qui ai pris la décision mais mon gouvernement en concertation avec les Soviétiques et les Américains.
_ C'est bien ce que je dis : nous sommes dans l'arbitraire et le droit est bafoué.
_ Oh, il faut bien faire le sale boulot de temps en temps et éliminer les nuisibles : ça fait partie de la politique...
_ Je n'aimerais pas vivre dans un pays où l'état peut s'autoriser de telles privautés car ainsi aucun citoyen ne serait sûr de ne pas se faire assassiner pour un raison quelconque et arbitraire. Si c'est ainsi que se présente la démocratie de la France elle ne vaut guère mieux que la dictature de mon pays.
_ Si on avait pu exécuter Hitler dés le début de la guerre on aurait pu épargner des millions de vies.
_ Et combien croyez-vous que l'assassinat de notre Treoraî épargnera de vie ? Pour combien d'existences la présence de Séamas Ô Grianna est-elle une menace ? En ce moment Êire ne vous fait pas la guerre et ne fait d'ailleur plus la guerre à aucun pays de ce monde puisque la guerre est finie. Les persécutions contre les protestants se sont éteintes. La nécessité d'épargner des vies aurait pu justifier une telle exécution de la même manière que la liquidation de Hitler semblait souhaitable ; mais aujourdhui ce n'est plus le cas : votre projet d'assassinat n'est jamais qu'une basse vengeance pas un acte de justice.
_ C'est bien à vous de nous faire la leçon ! Vous qui vous êtes vengés des Britanniques de la manière que l'on sait.
_ Encore une fois même celui qui a commis un acte de vengeance peut invoquer son droit à avoir un procès équitable et ne pas se résigner à une exécution sommaire car il sait qu'il a des droits : la civilisation occidentale repose sur la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et ce n'est parce que ces droits ont été bafoués pendant des années dans mon pays que nous devons en être privés. Si vous dérogez un tant soit peu à ces principes vous glisserez inexorablement dans la barbarie. Et réfléchissez au fait que cet assassinat risquera d'entraîner l'Irlande dans une période de chaos dont elle ne se relèvera peut-être pas : Ô Grianna maintient d'une poigne de fer un pays qui ne demande qu'à se diviser entre factions menées par des ambitieux qui ne souhaitent qu'une chose : prendre le pouvoir. Si l'Irlande est divisée et au bord de la désagrégation alors ce sera du pain béni pour la Grande-Bretagne qui elle n'hésitera pas à se venger et faire disparaître et Êire et le peuple irlandais avec sa langue et sa culture et l'on fera un grand bond en arrière de 24 ans et les nations du monde ne s'en porteront pas mieux, bien au contraire.
_ Si je comprends bien vous refuser le deal ?
_ Oui.
_ Dans ce cas là attendez-vous à être capturé et condamné à mort.
_ Peut-être que vous réussirez à le faire mais certainement pas maintenant : mes camarades sont à l'extérieur pour me protéger ; croyez bien qu'il ne me laisseront pas capturer comme ça.
_ Moi aussi je suis venu avec mes hommes mais nous allons éviter un bain de sang pour ce soir : ce n'est que partie remise... "
Les deux militaires se séparèrent. Le Colonel avait raison et il finit par capturer Ruairî quelques temps plus tard ; juste au lendemain de l'armistice le 8 mai.
Ruairî se retrouva à nouveau en prison dans l'attente de son procès. Il avait eu le temps de rendre compte à sa hiérarchie de son entrevue avec le Français. Ô Grianna fut informé de cet acte de loyauté qui rachetait sa désertion en 1939 considérée comme un trahison. Le Treoraî résolut de le faire évader. Les services secrets d'Êire mirent au point un plan fumeux : pour exfiltrer leur ressortissant il se mirent en accointance avec les services secrets soviétiques mais ils se firent avoir car même si Ruairî n'était plus dans la prison des Français et des Américains il ne put sortir des geôles de Staline. Quel avantage avait les soviétiques à détenir un pauvre petit soldat irlandais ? Oui, mais pourquoi le Colonel Rouvière lui avait demandé d'assassiner le chef d'état de la République d'Irlande ? Cela avait mis la puce à l'oreille aux espions soviétiques qui étaient au courant de tout à l'arrière du front dans le camp occidental : car pourquoi demander ce genre de mission à un justement tout petit soldat irlandais ? C'est pour savoir cela que les sbires de Stalines capturèrent Ruairî. Alors ils l'interrogèrent et, chose surprenante il le firent en gaélique alors qu'entre Ruairî et Rouvière ce fut en anglais que se fit l'entretien. Le haut gradé des espions soviétiques se servit d'un interpréte parfaitement gaélophone pour s'adresser à l'Irlandais. Pourquoi ? L'anglais était tout de même plus répandu que le gaélique même si celui-ci avait bénéficié d'une renaissance inespérée. Pour connaître la réponse à cette question il faudrait se pencher sur l'histoire de Vladimir Iliouchine. Il avait fait ses études dans un séminaire de Moscou et se destinait à devenir pope ; mais la révolution en avait décidé autrement et après un parcours mouvementé était finalement devenu un agent des services secrets. Une explication toute simple peut être fournie : même si l'anglais était répandu partout il était loin d'être compris et parlé en Union Soviétiques or il se trouve que parmis les agents à la botte d'Iliouchine il y avait un Irlandais qui était passé dans le camp des communistes ; Tadhg Ô Rabhartaigh avait été adhérent au parti communiste irlandais avant la guerre et, considérant l'URSS comme un paradis, il avait décidé de migrer vers ces terres soit-disant bénies. Là aussi, après bien des tribulations, il était devenu espion car sa qualité d'occidental le rendait précieux pour infiltrer les services secrets des pays capitalistes. Puisque l'explication est aussi simple il peut sembler quelque peu superflu de s'intéresser au passé d'Iliouchine notamment en ce qui concerne sa vocation religieuse avortée et plus particulièrement pour sa fascination des icônes, puisqu'il se destinait à devenir peintre d'icône, ce qui lui donnait un point commun avec Tadhg Ô Rabhartaigh car notre transfuge venu de l'Île Verte s'intéressait lui aux anciennes enluminures des manuscrits médiévaux irlandais. Un jour Illiouchine surprit son subordonné, qui aurait dû taper un rapport, en train de dessiner une page d'enluminure ; loin de le réprimander il fut fasciné par l'habileté de l'enlumineur le comparant aux plus fameux peintres d'icônes de la Sainte Russie. Les deux hommes devinrent amis et conversèrent longuement sur l'art sacré de leur pays respectifs et combien l'un et l'autre auraient aimé, dans la quiétude d'un monastère, s'adonner à la réalisation d'oeuvres d'art qui réclamait une abnégation totale car entièrement voué à la prière. Quand il fut question d'interroger Ruairî, Iliouchine fut tout aise de faire appel à Tadhg ; il considéra que ce concours était proprement providentiel car ses collègues eurent été bien en peine de trouver ne serait-ce qu'un interpréte anglophone. Il savait que cet interprétariat serait fiable car émanant d'un ami sûr alors que s'il avait fait appel à un truchement américain c'eut été forcément un prisonnier et que ce dernier n'aurait pas manqué de l'induire en erreur et de l'intoxiquer et que cela auraient pu avoir des conséquences catastrophiques au point de l'expédier dans un goulag de Sibérie : ça s'était déjà vu... Que l'on songe que si les rapports entre Iliouchine et Tadhg Ô Rabhartaigh avait été strictement hiérarchiques l'interrogatoire eut été sujet à caution car Tadhg, espion plus ou moins contraint et de toute façon déçu du communisme, aurait pu se livrer au sabotage et il aurait alors fallu préalablement écarter son concours ; Iliouchine était parfaitement conscient de la chance qu'il avait en ayant l'homme providentiel sous la main.
Donc l'interrogatoire débuta. Et Iliouchine posa cette question essentielle : pourquoi Rouvière lui avait demandé de tuer Ô Grianna, à lui, petit soldat irlandais ? Ruairî répondit : " J'ai déserté de l'armée irlandaise en 1939 : Rouvière a cru que j'étais à nouveau prêt à trahir.
_ Déserter n'est pas vraiment trahir il y en faut plus...
_ Pour notre grand Treoraî il s'est agi d'une véritable trahison et j'ai été condamné à mort pour ça.
_ Oui, mais nous savons qu'il vous a parfaitement pardonné. Cela ne répond pas à la question.
_ Pourtant j'y ai parfaitement répondu : on me considère toujours comme un traître en puissance à qui l'on peut tout demander.
_ Pourquoi vous particulièrement ? Pourquoi pas un de vos camarades, un de vos supérieurs hiérarchiques mieux à même d'approcher Ô Grianna ?
_ Je suis incapable de répondre à cette question. " Iliouchine soupira et s'entretint en russe avec l'interpréte ; celui-ci finit par lui demander : " Ruairî, ceci n'a rien à voir avec l'interrogatoire : vous aurez sans doute compris que je suis votre compatriote et qu'à ce titre ma sympathie vous est toute acquise. D'où êtes vous originaire en Irlande ? " Il s'ensuivit une petite discussion amicale sur un ton informel, il est à noter qu'étant donné que le vouvoiement n'existe pas en gaélique la transcription de cette conversation ne peut-être que conventionnelle car comment noter qu'au bout d'un petit moment un subtil changement de ton put être interprété comme un tutoiement alors que le tutoiement existe déjà de toute façon dans la langue de l'Île Verte. En cela le gaélique est comparable à l'anglais où il n'existe que le vouvoiement : une incapacité apparente à rendre la familiarité et la connivence. C'eut été différent en Gaélique d'Ecosse où, comme en français, le tutoiement existe à côté du vouvoiement : en écossais on dit aussi bien tù, tu, que sibh, vous, pour une seule personne. Donc la conversation entre les deux compatriotes se poursuivit, Tadhg reprit : " As-tu le mal du pays comme je l'ai moi-même ?
_ Je n'ai plus personne au pays : pas de fiancée, pas de femme et ma famille et mes amis m'ont tourné le dos ; comment pourrais-je avoir la nostalgie de l'Irlande ?
_ Pourquoi on t'as tourné le dos ?
_ Parce que j'ai commandé le camp de concentration de Durlas et que je suis devenu un génocidaire : il y a bien de quoi inspirer ton horreur à toi aussi, j'imagine ?
_ Au service nous connaissons ton histoire. Moi je ne te prends pas pour un monstre.
_ Pourtant tu devrais car mon histoire a bien de quoi susciter le dégoût. " Il s'ensuivit un silence pesant. Iliouchine demanda à Tadhg la raison de ce malaise et l'interpréte relata la conversation. Son supérieur hiérarchique fit cette remarque : " En voilà une chochotte ! En URSS on voit bien pire : il n'y a pas de quoi avoir des états d'âme. " S'ensuivit un gros rire gras. Ruairaî s'enquit de la cause de cette hilarité ; Tadhg répondit : " En URSS on est habitué à la violence et aux horreurs de toutes sortes : il n'y a pas un soldat même d'un grade inférieur qui n'ait le sang d'innocents sur les mains ; les viols, les pillages et les meurtres de toutes sortes sont monnaie courante ; à ce titre les Soviètiques n'ont rien à envier aux nazis.
_ Ton chef se doute-t-il de ce que tu es en train de me dire et s'il l'apprenait ne te ferait-il pas des ennuis ?
_ Mon chef est un ami : il sait très bien ce que je suis en train de te relater ; il est totalement cynique ; avec lui pas de langue de bois ; je ne crains rien. Ton cas inspire de l'horreur dans le camp des Français et des Américains mais dans le camp soviétique seulement de l'indifférence.
_ Je me fais horreur à moi même et ma conscience me tourmente..." Ruairî raconta le rêve qu'il avait fait quelques années auparavant et qui l'avait poussé à fuir Êire. Tadhg à la suite d'un moment de réflexion fit cette déclaration : " Mais ce drapeau, ce symbole, d'où vient-il ? Avant qu'Ô Grianna l'ait prétendument créé ex nihilo il n'existait pas. S'il avait préexisté on l'aurait vu partout or ce n'est pas le cas. Alors...
_ Il représente la honte et l'horreur ; peu importe d'où il vient.
_ Il serait pourtant intéressant de savoir d'où il vient car cela expliquerait, peut-être, la situation présente.
_ Il y a un autre symbole qui sucite autant d'horreur : l'emblème nazi. Tout deux sont à égalité dans l'ignominie. Mais si on faisait un bilan, une comparaison, entre le régime nazi et le régime dictatorial d'Êire on constaterait que Hitler l'emporte haut la main : c'est à celui qui a tué plus de monde et occasionné le plus de destruction. Mais je ne crois pas que cela absoudrait Ô Grianna où atténuerait sa culpabilité.
_ S'il faut ouvrir un concours de la saloperie il faudrait y faire participer Staline lui-même.
_ Chut ! Et si ton chef arrive à saisir malgré tout tes paroles ?
_ Pas de danger il est complètement d'accord avec moi et tout les Russes le sont : si le régime tient debout c'est grâce à la terreur que notre organisation est d'ailleurs tenue de répandre.
_ Donc tous coupables...
_ Oui, tous coupables. " Tadhg relata à son chef cette conversation notamment en ce qui concernait le rêve de Ruairî. Iliouchine fit remarquer : " Ce cinglé de Hitler à mis à feu et à sang toute l'Europe et aurait bien pu faire la même chose pour le monde entier alors qu'il était loin d'avoir le génie d'un Alexandre, d'un César et même d'un Napoléon : il a eu beaucoup de chance et bon nombre se demande si cette chance n'est pas venu du pouvoir magique de son emblème ; cette croix gammée. Le bân-is-dubh lui est bien supérieur car il combine le swastika avec le yin-yang. S'il l'avait voulu Ô Grianna aurait peut-être conquis la Terre entière... Et si ça se trouve il en a le secret dessein..." L'interrogatoire se termina là et Ruairî réintégra sa cellule.
Pendant qu'il continuait à moisir dans sa geôle, son geôlier fit part de son intuition à sa hiérarchie et tout ceci remonta jusqu'à Staline. L'idée de la force magique du talisman bân-is-dubh n'était pas nouvelle mais là il s'y ajoutait un élément supplémentaire : le dessein secret d'Ô Grianna de conquêrir éventuellement le monde entier qu'il serait possible de dévoiler grâce à ce soldat irlandais pourtant quelconque mais qui, d'après Iliouchine, serait à même d'approcher le Treoraî. Staline n'était pas au courant du songe de Ruairî Mac Giolla Phâdraig mais il savait que son agent secret avait une intuition bien fondée en ce qui concernait le rôle que pourrait éventuellement jouer l'ex-membre des DNÊ auprès d'Ô Grianna. Iliouchine s'était dèjà illustré à plusieurs reprises dans la résolution d'affaires épineuses grâce à sa fameuse intuition et ce notamment quand il avait fallu prendre une décision difficile touchant à la stratégie à adopter durant le siège de Stalingrad : sans ce brillant agent qui avait su apporter son éclairage il est probable que la bataille eut été perdu et la guerre avec. Cela aurait mérité récompense mais Staline qui se méfiait de tout et de tous avait préféré laisser Iliouchine à un grade inférieur peu en rapport avec ses compétences qui touchaient au génie car il ne craignait que trop qu'un jour celui-ci le détrônât et d'ailleurs le despote projetait de l'éliminer. Donc il fallait que Mac Giolla Phâdraig travaillât pour l'URSS.
Aussi Ruairî fut extrait de sa cellule et il lui fut proposé le marché suivant : devenir un espion à la solde de l'Union Soviétique. Les Français et les Américains avaient déjà proposé à Ruairî d'assassiner Ô Grianna et il avait refusé ; allait-il refuser d'espionner le Treoraî ? Logiquement on aurait dû s'attendre à un autre refus, fusse au prix de la vie du pressenti, mais les communistes surent employer des arguments convaincants : l'établissement d'un processus démocratique en Irlande, aboutissant à la fin de la dictature sans aucune violence et sans élimination physique du dictateur. Cette proposition aurait pu paraître fallacieuse venant d'un régime despotique comme l'était celui de l'URSS mais l'aurait-elle été moins émanant des démocratie occidentales ? Les Occidentaux avaient maintes fois donné les preuves de leur hypocrisie et de leur duplicité. C'est pourquoi Ruairî exigea une garantie : le renseignement voulu ne serait fourni que si l'URSS obtenait de la part de tout les membres de la toute nouvelle ONU la reconnaissance d'Êire.
Donc Ruairî devint l'espion de l'URSS afin de savoir si Ô Grianna avait l'ambition de conquêrir la Terre entière.
Alors il a été libéré et put revoir les vertes collines d'Erin. Ayant eu vent de sa loyauté suite aux menaces des Occidentaux de le faire périr s'il ne tuait pas le vénéré Treoraî, les autorités militaires l'accueillir favorablement et non seulement il fut pardonné de sa désertion mais il prit du grade : il devint coirnéal, colonel, et fut affecté au Seirbhîseanna Rûnda na hÊireann, les services secrets d'Êire. On était au début de l'année 1946 et il lui fallu quelque mois pour approcher les allées du pouvoir ; il y parvint et même un jour il put avoir un entretien secret avec le Treoraî. Le Coirnéal Mac Giolla Phâdraig fut reçu dans une pièce à part du palais présidentiel par le chef de l'état ; il se retrouva en tête à tête avec celui-ci. Après les marques de déférence habituelle, Ô Grianna attaqua : " Alors mon petit Ruairî, il paraît que Staline aimerait bien savoir si j'ambitionne de conquêrir le monde entier avec mes petits bras musclés ? Mmm... ? " Stupeur et intense malaise de la part de l'interpellé qui finit par bredouiller alors que la sueur perlait déjà à son front : " Oh... A Threoraî, je ne vois pas de quoi vous voulez parler...
_ Tu es démasqué Ruairî Mac Giolla Phâdraig ! Je sais tout ! " S'ensuivit un rire fracassant et sarcastique qui ne présageait rien de bon quand au destin de notre espion. Le dictateur reprit : " Mac Giolla, trève de plaisanterie, je sais que lors de ton bref séjour dans les geôles de Staline tu as été retourné, comment je le sais ? Mais par notre dévoué agent Ô Rabhartaigh, ça te la coupe n'est pas ? Cette saloperie de Staline croit manipuler tout le monde y compris nous autres mais qu'est-ce qu'il se gourre ! C'est nous qui le manipulons et il ne le sais même pas ! " Le rire reprit puis le Treoraî continua : " Bah ! je ne t'en veux pas et ce n'est pas la première fois que tu me trahis même si tu as refusé de me zigouiller, un bon point pour toi, et tu me seras plus utile vivant que mort. Au contraire je vais me servir de toi : tu vas aller voir ton maître, cet enculé de Staline, et lui dire que j'ai effectivement le projet de conquêrir le monde et que je vais commencer par son pays de merde, sa sainte Russie, réussir là où Napoléon et Hitler se sont cassés les dents ; tu lui laisseras entendre que j'ai une arme secrète en lien avec le bân-is-dubh : ça lui flanquera les choquottes car on peut toujours faire face à une menace connue mais pas à un danger inconnu. Nous savons qu'il est aussi superstitieux que le plus abruti de ses moujiks... " L'entrevue allait s'arrêter là quand le dictateur, sur le point d'oublier un point important, se ravisa et donna cette consigne de dernière minute : " Ah, n'oublie pas une chose avant de cafter ; exige comme prévu la reconnaissance de la République d'Irlande par l'ONU et que cette reconnaissance soit effective. "
Sans quitter l'Irlande, sachant ce qu'il lui en coûterait s'il revenait comme ça, le bec enfariné, en URSS, notre espion fit savoir qu'il détenait le renseignement et qu'il fallait que ses partenaires remplissent leur part du contrat. Et quelques mois plus tard la reconnaissance d'Êire par l'ONU fut effective. L'Irlande avait cessé d'être un état pestiféré au grand scandale de ceux qui n'étaient pas prêt d'oublier les crimes d'Ô Grianna. Ce dernier avait enfin obtenu ce qu'il cherchait depuis tant d'année : ainsi Êire pourrait se maintenir et ne serait plus menacée comme durant toute ces décennies. Ruairî put livrer le renseignement mais toujours sans quitter l'Irlande. Que se passerait-il alors ? Staline allait-il prendre cette menace au sérieux ? Devait-il d'ailleurs la prendre au sérieux ? Tout ceci n'était-il pas du bluff de la part de cet Irlandais roublard ? Non, il devait la prendre au sérieux au même titre que les Occidentaux prenait Staline aux sérieux quand il prétendait posséder l'arme nucléaire et la capacité de réduire et l'Europe et les Etats-Unis en cendre : les essais nucléaires effectués en Sibérie attestaient que ce n'était pas là vaine menace. Oui, mais rien, aucun essai en ce qui concerne la fameuse arme secrète en lien avec le bân-is-dubh. Cela faisait un peu penser à la mystérieuse arme magique du célèbre personnage de la mythologie irlandaise Cûchulainn : la gae bolga, la lance dans le sac. Aucun essai patent ? Pas si sûr. Il y avait eu un essai : la conquête et l'annexion de la moitié de la Grande-Bretagne ne constituaient-elles pas un essai flagrant ? Qui aurait cru qu'un aussi petit pays destiné à disparaître aurait pu se relever et flanquer la rapée à la deuxième si ce n'est la première puissance mondiale ? Certe, il avait dû pour cela s'allier avec l'Allemagne mais cette dernière n'aurait jamais gagné la bataille d'Angleterre sans l'alliance avec Êire. Bien sûr les historiens conventionnels et bien pensants pourront toujours arguer du fait que la riche diaspora irlandaise était derrière tout ça pour doter abondamment l'Irlande tant en arme qu'en effectif. D'autres historiens plus anticonformistes souligneront que les deux dictateurs, Hitler et Ô Grianna, ont bénéficié d'une véritable providence du mal et c'est ce que fera Jean Prieur dans sa biographie consacré à Hitler. Le matériel et le personnel ne fit pas tout dans l'étonnante ascension d'Êire : les spécialistes en polémologie s'accorderont qu'on était loin du compte pour défaire ainsi la puissante armée britannique lors de la guerre de l'Ulster et la conquête de l'ouest de la Grande-Bretagne. Le rapport en effectif était à peine d'un pour trois : un soldat irlandais pour trois soldats britanniques et il en était de même pour les avions, les tanks, les navires et les armes de toute sorte ; la même proportion. Bien sûr on dira que l'Irlande avait pour allié la puissante Allemagne mais la Grande-Bretagne était l'allié de la France dont l'armée était réputée comme étant la plus puissante d'Europe. On invoquera, comme toujours, pour expliquer la défaite de cette puissante armée française l'incompétence de ses généraux mais on pourrait tout aussi bien, si on prenait la peine de considérer en détail les événements qui se sont produit en 1940 lors de la bataille de France, invoquer la malchance. Êire a bénéficié de la défaite des alliés dans le nord de la France ; entrant en guerre pour profiter ainsi d'une opportunité de conquête ; elle a saisi sa chance mais la chance n'est qu'un masque dont s'affuble la providence qui est une véritable magie. Staline, lui, s'en est aperçu et à compris la force du bân-is-dubh ; il a aussi compris que ce symbole était supérieur à la croix gammée nazie car celle-ci avait été incapable de protéger Hitler. Le potentat de l'Union Soviétique comprit que la menace était réelle et il craignit qu'Êire n'attaquât. Allait-elle le faire ? Que faire pour contrer la menace ? S'il avait su qu'Ô Grianna se moquait éperdument de conquêrir le monde, même s'il le pouvait, Staline aurait pu mieux dormir. Pourquoi Ô Grianna avait-il développé pareille stratégie ? C'est que lui-même savait que l'Irlande était en danger et que c'était l'URSS qui la menaçait : ainsi avait-il développé une sorte d'équilibre de la terreur basée sur les armes magiques. Mais quel était donc cette arme magique détenue par les Soviétiques et pourquoi voulaient-ils s'en prendre à l'Irlande ? Cette arme c'était l'idéologie marxiste-léniniste qui menaçait en fait le monde entier : plutôt que d'utiliser des engins de destruction elle se servait de la persuasion en faisant miroiter un monde meilleur à tout les exploités et les désespérés de la Terre ; ce que le monde capitaliste était bien incapable de faire. Staline comprit le message d'Ô Grianna : il ne devait pas exercer de propagande en Irlande aussi ne fit-il rien pour protéger et soutenir le parti communiste irlandais qui était déjà de toutes façons entré dans la clandestinité et ce depuis l'accession au pouvoir du Treoraî ; mais cela était déjà le cas de tout les régimes fascistes du monde pour qui les communistes étaient des ennemis mortels. Dans ce cas le communisme ne constituait pas une menace réelle puisque totalement muselé par le régime. C'est méconnaître le rôle de l'URSS dans le fait d'armer et d'entretenir des groupes insurrectionnels de gauche et d'extrème-gauche qui furent actifs à l'intérieur même des pires régimes dictatoriaux et où les privations de libertés publiques étaient à son comble semblant interdire toutes actions de la part de ces groupes. Mais l'exemple de la Résistance en France montre que des actions armées étaient néanmoins possibles et que cela avait coûté extrèmement cher à l'occupant allemand. Staline imposa comme directive aux communistes d'Irlande de ne rien faire et de respecter une position attentiste faisant partie d'une stratégie globale à l'échelle mondiale.
En 1953 la mort de Staline changea la situation du tout au tout. Les crimes de Stalines furent révélés au grand jour par les nouveaux maîtres du Kremlin : tout les communistes du monde entier furent mortellement déçus : l'arme secrète de l'URSS, cette idéologie, ce mème, avait du plomb dans l'aile ; certe elle ne fut pas entièrement anihilée mais elle fut beaucoups moins efficace que du temps de Lénine et de Staline. Alors l'arme secrète d'Ô Grianna put agir pleinement. La chance prodiguée par le bân-is-dubh alla encore plus loin : ce ne fut rien moins que la conquête du monde ! Mais bien entendu pas question ici d'invasions armées, de bombardements, de massacres comme cela avait été le cas durant la première moitié du XXème siècle. L'arme était un mème : " un mème est un élément culturel reconnaissable reproduit et transmis par l'imitation du comportement d'un individu par d'autres individus. L'Oxford English Dictionnary. " et c'est grâce à ce mème qu'Êire conquit le monde entier. L'idéologie marxiste est un exemple de mème : il en est d'autres ; par exemple le darwinisme, le fascisme, le nazisme, le libéralisme ect... En quoi consistait le mème induit par le bân-is-dubh ? Pourquoi Ô Grianna avait choisi de secourir les juifs ? Parce qu'il y avait un point commun entre le peuple irlandais catholique et le peuple juif : tout deux avaient connu le même mépris, les mêmes persécutions, la même négation de leur droit à l'existence. Est-ce suffisant ? Non, il y avait autre chose... Et cette autre chose est liée au destin de Ruairî Mac Giolla Phâdraig.
Qui lirait l'Ancien Testament et notamment l'Exode verrait des analogies entre l'histoire récente de l'Irlande et celles du peuple Hébreux libéré hors d'Egypte. Moïse, après avoir libéré son peuple et l'avoir conduit hors d'Egypte, a rencontré une entité surnaturelle se nommant elle-même Je Suis qui lui a octroyé les Tables de la Loi : un recueil de dix préceptes moraux sur lequel s'est bâti toute le Judaïsme. Ne pourrait-on y voir quelque ressemblance avec l'histoire de Séamas Ô Grianna ? Une entité surnaturelle, en l'occurence la déesse Êiriu, lui octroie le bân-is-dubh, lors d'une vision mystique où elle lui enjoint de libérer l'Irlande ; la seule différence avec l'histoire de Moïse c'est que le futur Treoraî ne libère son peuple qu'après cette rencontre surnaturelle. Cette analogie, cette gémellité de destin entre les deux peuples, a conduit Ô Grianna à penser que le peuple juif et celui des Gaëls ne formaient qu'une seule entité. Cela pourra passer pour quelque chose de fumeux et de délirant mais on pourrait dire qu'il en fut de même avec les théories de Hitler sur sa prétention à définir les Allemands et tout les peuples germains, d'une manière générale, comme étant de purs Aryens _ terme hautement abusif désignant les Indo-Européens alors qu'aryen est avant tout le nom de peuples de langue indo-européenne installés dans le nord de l'Inde, en Iran, en Afganistan et autres, de plus on confond toujours race et faits linguistiques... _ alors que les plus authentiques Aryens qui peuplaient et peuplent encore l'Europe étaient et sont encore les Roms, les Tsiganes et les Manouches car originaires justement de l'Inde du nord et on sait qu'ils ont été exterminés dans les camps de la mort nazis... De cette sorte, pour ainsi dire, d'une manière implicite, les Allemands nazis se sont assimilés aux Indiens du nord : si Hitler et ses émules avaient eu un tant soit peu de lucidité et avaient mis côte à côte un Bavarois et un Hindoustanais, ils auraient dénoté des différences marquantes et flagrantes tant physiques, culturelles que morales... Par contre il n'y avait guère de différences entre un catholique irlandais et un juif irlandais mais il est vrai que les juifs irlandais n'étaient guère gaélophones pendant la colonisation britannique ; situation qui changea du tout au tout lors de la receltisation de l'île. Seule la religion faisait la différence et on aurait pu faire la même remarque en ce qui concerne catholiques et protestants irlandais. Mais bien sûr les choses étaient bien plus compliquées car il ne s'agissait pas seulement d'une histoire de religion mais aussi d'Histoire ; cette Histoire qui avait fait des colons protestants la classe dominante de l'Irlande, ce que la communauté juive n'avait jamais été ou du moins pas dans son entièreté ; en cela la situation n'était guère différente des autres pays occidentaux. Donc Ô Grianna poussait sans doute le bouchon un peu loin en voulant assimiler les Juifs aux Gaëls... Une histoire de religion ? Les catholiques de tout pays avaient toujours détesté les Juifs comme ayant été les meurtriers du Christ ; les catholiques d'Irlande auraient-ils été si différents des autres catholiques ? Certe, il avait existé jusqu'au début du Moyen-Âge une église celtique qui avait voulu rompre les liens qui l'unissaient à Rome ; mais dans cette communauté si particulière il y avait-il eu sinon une réelle amitié envers les Juifs du moins des affinités toutes spirituelles ? Des docteurs et savants juifs, venus du continent, auraient-ils intégré ou se seraient-ils réfugiés dans des monastères de l'Île Verte ? Certains historiens pensent que ce fut le cas : quand on se penche sur l'histoire de l'hortographe du gaélique on s'aperçoit que les consonnes se changeant en spirantes, tel le son c se changeant en ch qui note une consonne gutturale analogue au ch allemand ou le b se changeant en bh qui exprime un son w ou v, comportaient un point au dessus de la lettre or ce système de notation se retrouve dans l'alphabet hébreux ; par exemple la lettre dalet se prononce comme un d normal mais si elle comporte un point à l'intérieur elle se prononce comme un dh spirant. Ne pourrait-on penser que l'hébreux était connu et parlé au sein des monastères irlandais et que c'est comme ça que s'est constitué la graphie du gaélique ? Le gaélique jusqu'entre les deux guerres était écrit dans cet alphabet médiéval issu des monastères en cela il est semblable à la langue allemande qui était notée en écriture gothique. La spiritualité celtique aurait-elle été influencée par le Judaïsme ? Peut-être.
Donc on peut subbodorer que la cause du grand intérêt que portait Ô Grianna au peuple juif résidait en une affinité spirituelle entre le catholicisme irlandais et le Judaïsme.
Il nous faut revenir vers cette incroyable histoire de symbole apparu au futur dictateur dans une vision. Bien sûr Ô Grianna invoqua de prestigieux précédents telle que l'histoire de Jeanne d'Arc et ses fameuses voix lui commandant d'aller libérer la France ; il se gargarisa à l'envi sur cette analogie exaltante mais il se gardera bien de souligner qui si saint Michel avait ordonné à Jeanne de bouter les Anglois hors de France il ne lui avait pas demandé de les exterminer jusqu'au dernier ! Ah, s'il n'y avait eu les camps de la mort la figure de libérateur du Treoraî aurait pu être plus convaincante et plus édifiante au regard de l'histoire contemporaine de l'Irlande mais ce fut loin d'être le cas...
On peut imaginer ce qui se serait passé si Ô Grianna n'avait pas persécuté les protestants se contentant de seulement réunifier l'Irlande : on aurait certe vilipendé le dictateur mais il n'aurait pas été voué aux gémonies par le monde entier ; il serait sagement rentré dans le rang des démocraties et l'Irlande aurait continué à être un petit pays sans importance ; il ne se serait pas en outre allié avec l'Allemagne nazie et la Grande-Bretagne n'aurait pas connu l'invasion de son territoire par la coalition hiberno-germaine et les Britanniques auraient eu moins de pertes humaines et de destructions. Et finalement la sage République d'Irlande aurait continué à n'être qu'un satellite de la Couronne britannique et il n'est même pas sûr qu'elle aurait réussi sa renaissance linguistique et culturelle ; on aurait fini par la confondre avec un autre pays anglo-saxon même si la riche diaspora irlandaise eut pu appuyer cette tentative par ses capitaux et ses effectifs se réinstallant sur la terre ancestrale. Il y a quelque chose de terrible à dire tant elle sert à justifier l'injustifiable mais de grandes conquêtes militaires peuvent servir à redresser la fierté nationale. Mais il y a une chose qui ne peut-être justifiée et encore moins excusée : c'est le génocide. Le Treoraî n'aurait pas dû commettre ce génocide envers les protestants d'Irlande ainsi il aurait pu se construire une figure de libérateur et de grand conquêrant à l'instar de Napoléon dont on oublie trop souvent qu'à cause de lui des centaines de milliers de soldats sont mort sur les champs de bataille. Comme il est curieux que l'on ne compare jamais Napoléon à Hitler... Napoléon bénéficie d'un prestige intacte ; cela touche même à la vénération ; pourtant lui aussi est un perdant, comme Hitler. Bien sûr on ne voit pas l'empereur des Français comme un fou vociférant en proie à une haîne rageuse envers tout ce qui n'est pas lui et on reconnaît son génie militaire et stratégique alors que Hitler a obtenu ses victoires que malgré lui bénéficiant ainsi d'une chance imméritée. Napoléon respirait l'intelligence et un semblant d'humanisme : c'est ce qui le rend sympathique aux yeux de l'Histoire opposé à un Hilter que l'on aurait pu prendre pour un pensionnaire d'hôpital psychiatrique. Cependant le Führer fascinait et hypnotisait tout ceux qu'il approchait grâce à un incroyable charisme ; ce pourrait être une explication pour sa formidable ascension.
Si Ô Grianna avait envahi l'ouest de la Grande-Bretagne sans se salir les mains avec ces ignobles massacres d'innocents et il aurait pu se racheter de son alliance avec les nazis en se retournant contre ceux-ci après la bataille de Stalingrad, véritable tournant de la guerre, et ainsi se serait-il retrouvé dans le camp des vainqueurs, dont on sait qu'ils ont toujours raison, tout en oubliant sa responsabilité, malgré tout, dans la morts de centaines de milliers de personne : une paille quand on sait que les bombardements alliés ont causé des millions de morts civiles sans que personne ne songe jamais à le leur reprocher.
On aurait pu ainsi bâtir la légende d'un Séamas Ô Grianna visité par la déesse Êiriu avec une iconographie qui aurait pu faire pâlir de jalousie Jeanne d'Arc elle-même dans son immortel séjour. Mais évidemment cela ne s'est pas passé comme ça et le Treoraî continuera encore de porter pendant longtemps le génocide des protestants comme un tunique de Nessus. Donc adieu la belle épopée de la reconquête de l'Irlande et le livre : Leabhar na Athghâbhala na hÊireann, le Livre des Reconquêtes de l'Irlande, ne sera jamais écrit.
Voilà donc les Celtes et les juifs comme cul et chemise. D'après Ô Grianna.
Dans son livre : Mo Chomhrac, il consacre tout un chapitre à ce qui constitue, selon lui, l'identité juive. Celle-ci n'est pas basée sur un fait ethnique lié, par exemple, à la langue et encore moins à une prétendue race, s'inscrivant ainsi en faux contre ses futurs alliés nazis. Il donne comme exemple le fait que les juifs, au cours de leur histoire mouvementée, on souvent changé de langue ; de l'hébreux au cours du royaume d'Israël ils sont passés à l'araméen, langue très voisine de l'hébreux, lors de leur retour de déportation à Babylone, puis de l'araméen aux diverses langues des pays hôtes, au moment de leur diaspora, allant même jusqu'à se forger des langues originales pour eux-même : ainsi verra-t-on naître le judéo-espagnol lors de leur séjour dans l'Andalousie musulmane du Moyen-Âge ; mais aussi le yiddish quand ils se sont retrouvés en Europe de l'est. Prenant l'exemple de cette dernière langue _ définie comme étant du judéo-allemand, un créole basé sur du viel allemand mélés à beaucoup d'éléments empruntés à l'hébreux _ le futur dictateur en vient à la conclusion que ce qui fait l'identité des juifs ce n'est pas vraiment leur langue mais c'est leur religion.
Le chapitre suivant de Mo Chomhrac est consacré à l'identité celtique qui est basée sur la langue et la culture comme en ce qui concerne les Bretons, les Gallois, les Highlanders écossais, les Irlandais gaélophones ; ces deux dernières ethnies constituant le peuple des Gaëls. Commes les langues celtiques modernes sont menacées d'extinction l'identité celtiques de ces divers peuples est également menacée de disparition : il prend comme exemple l'extinction au XVIIIème siècle du cornique, langue celtique du Cornwall, qui a signifié la disparition de l'identité ethnique des Cornouaillais qui se sont assimilés aux autres anglais. Il prend cet exemple mais aussi un exemple plus ancien concernant un bien plus grand peuple : la disparition du gaulois. Il prétend que les Français n'ont pas entièrement perdu leur identité celtique en utilisant des arguments fumeux et pour le moins romantiques : pour lui la vielle âme gauloise couve sous la cendre de la romanisation apparente dont a été victime la Gaule à la fin de l'Antiquité. Il en vient à faire une comparaison entre les Ashkénazes parlant le yiddish, mélange de viel-allemand et d'hébreux, et les Français parlant une langue romane qui est un mélange de latin germanisé avec un certain nombre d'éléments celtiques. Comme il prétend au chapitre précédent que l'identité juive est basée sur la religion il en vient à la conclusion que l'identité des descendants des Gaulois provient sinon d'une religion clairement définie du moins d'une spiritualité naturiste encore présente en France sous la forme d'un romantisme répandu à travers toute les couches de la société. Hypothèse imprudente car le romantisme est avant tout un mouvement littéraire apparu à la fin du XVIIIème siècle et qui ne concernait guère que l'élite lettrée de l'Europe occidentale et donc pas seulement la France mais aussi, par exemple, l'Angleterre et l'Allemagne et on chercherait en vain une ascendance celtique flagrante dans ces deux pays. Donc ces arguments sont bien peu convaincants. Mais là aussi il s'obstine dans son idée en voulant faire du culte de la Nature une religion universelle dont les racines plongeraient profondément dans les terres celtiques... Il est à noter que l'art prend une certaine importance à ses yeux comme étant le support de cette spiritualité axée sur le culte des entités féeriques des bois, des champs, des landes, des collines, montagnes, lacs, rivières, fleuves, mers et océans. Pour lui, il ne peut s'agir que de l'art celtique. Quoiqu'il en soit, pour l'opinion commune, si les paysans de la France profonde croient encore aux fées, farfadets, gobelins et autres vouivres ce n'est là que pure superstition.
Mais, au fond, quelle était l'ambition de Séamas Ô Grianna ? La conquête de la Terre par une nouvelle religion issue des terres celtiques à l'instar de l'Islam. Cette conquête se ferait-elle par les armes ou emprunterait-elle des dehors plus pacifiques ? On pourrait pencher pour la première hypothèse étant donné le début belliqueux du règne du Treoraî. Mais évidemment cela ne se fit pas comme ça puisqu'Êire dut se tenir dans une sage attitude pateline suite à ses crimes contre l'Humanité. En tout les cas rien dans le sens d'une expansion, apparemment, ne se produisit durant les années qui précédèrent la mort d'Ô Grianna qui intervint en 1960. Ô Grianna avec sa religion naturiste ambitionnait-il de reprendre l'Arche d'Alliance que Je Suis avait octroyé aux hébreux et que le peuple juif affaibli par toutes les tribulations de son histoire semblait avoir délaissée ?
Mais l'histoire n'est pas fini et là intervient le destin de Ruairî Mac Giolla Phadraîg. Après le succès de sa mission auprès de Staline il avait continué une carrière sans envergure au sein des SRÊ : un travail de bureau banal. Il pouvait s'estimer heureux que le dictateur l'ait oublié car il aurait pu se retrouver en prison ou pire... liquidé ! Il se souvenait souvent de ce rêve qui l'avait forcé à déserter et se demandait à qui pouvait bien appartenir cette voix tonitruante qui l'avait conduit là où il se retrouvait présentement. Bien sûr, au sein de l'armée, il aurait pu gravir les échelons de la hiérarchie et devenir général et bénéficier de tout les honneurs et prérogatives dus à ce grade élevé mais il avait encore sous les yeux les horreurs du camp de Durlas et sa conscience le tourmentait tout autant malgré toutes ses années passées. Il n'était pas question pour lui de regretter le choix qu'il avait fait de fuir même si les conséquences de sa désertion avait aboutit à ce qu'on l'ait mis finalement au placard, encore bien content d'avoir la vie sauve et de ne pas être en prison ! Cette voix pourtant... cette voix... Serait-ce celle de Je Suis ? Cette drôle d'idée venait de surgir à son esprit. Mais qui était donc ce Je Suis : Ruairî essaya de se souvenir des cours de catéchisme de son enfance quand le jeune vicaire de la paroisse leur racontait l'épisode du buisson ardent où une entité s'adressant à Moïse se nommait elle même Je Suis ; c'est à dire l'Eternel. Ruairî se prit à rire à cette pensée, d'un rire sardonique et désespéré : comment !? Dieu se serait-il adressé à lui !? Un grand criminel qui avait des centaines de milliers de morts sur la conscience ; quelle cruelle ironie ! Si l'Eternel voulait le désigner il faisait là un bien mauvais choix ! Allons, tout ça n'était que pure faribole. L'Eternel voulait-il faire un prophète de Ruairî Mac Giolla Phadraig ? Ceci était impensable pour ce dernier mais aussi bien sûr, pour tout les croyants que cette idée ne peut que scandaliser. Pour eux le bien ne peut que provenir que du bien mais ils ont tendance à oublier les crimes de l'Eglise Catholique et de l'Inquisition et de tout ces scandales de nature sexuelle au sein du clergé ; l'hypocrisie semble inhérente aux religions. Au cours de l'histoire de grands pècheurs s'étaient sanctifiés. Malheureusement les exemples de ces rédemptions spectaculaires et édifiantes semblent absentes de l'histoire des religions commes si celles-ci avaient passé sous silence de telles conversions : on veut bien qu'une ancienne prostituée devienne une disciple du Christ, de même que l'histoire d'un collecteur d'impôts prévaricateur se transformant en évangéliste ne choque personne mais on ne veut surtout pas entendre parler d'un empereur grand massacreur de chrétiens qui se serait repenti et serait devenu un moine ayant choisi la plus extrème pauvreté pour répandre l'amour par l'exemple. Imaginerait-on Hitler devenant Saint François d'Assise ? Evidemment impensable !
Que sait-on de Saül, le futur Saint Paul, grand persécuteur de chrétiens avant sa conversion ; combien en a-t-il tué ou fait tuer ? Dix, cent, mille, dix milles, cent milles ? L'histoire est incapable de répondre à cette question. Dix est-il plus pardonnable que cent milles ? Qui peut répondre à cette question ? Peut-être n'en a-t-il tué qu'un seul : en l'absence de plus de données historiques fiables comment savoir ? À son propos on parle de persécution de chrétiens : quel sens a ce terme ; les a-t-il battus, emprisonnés, ou... tués ?
Quel bagage d'infamies inavouables transportent certains saints ? Pourquoi n'en parle-t-on jamais ? Ceux qui ont écrit l'histoire de l'Eglise ont-ils occulté la plus grande partie de la vie de ces saints pour ne pas froisser les âmes pieuses ? Dissimuler la vérité, mentir par omission est-il plus vertueux que de n'avoir jamais tué, jamais volé, jamais commis d'adultère ect... ? La morale chrétienne, et même la morale tout court, s'accommode-t-elle d'une infraction même minime à cette même morale ? Cette accommodation porte un nom : la casuistique dans laquelle excellaient les Jésuites. Cette compromission n'est-elle pas le ver dans le fruit de la vertu ? Que reste-t-il de la vertu après tant de compromis successifs ; quand un arrangement entraîne un autre arrangement qui donne voie à encore plus d'indulgence envers le vice ? Un exemple de cette compromission réside dans la violation constante par toute les églises chrétiennes du commandement essentiel " Tu ne tuera point. ". Quel sont les seul chrétiens qui observent à la lettre ce commandement ? Les Témoins de Jéhovah : ils ont toujours dénoncé la guerre et la violence et se doivent d'être objecteurs de conscience. Au début la violence a été justifié par un droit qui semblait naturel : la légitime défense et petit à petit ce droit a aboutit à la bénédiction des canons employés dans des guerres soit-disantes saintes ; on a vu ce que ça a donné : l'extermination de populations entières, les persécutions des incroyants supposés et toutes sortes de scandales qui ont abouti au fait que les églises se sont vidées et l'athéisme progressé... La morale hypocrite de la civilisation judéo-chrétienne fait valoir la très nette opposition entre le Bien et le Mal : certe le Mal n'est pas niable mais il présente bien des artifices et le mensonge est son arme principale ; le Bien se base avant tout sur la vérité fût-elle dérangeante.
Ceux qui veulent s'ériger en juges se doivent d'être immaculés et entièrement sincères: une sincèrité qui ne peut souffrir le moindre compromis, une honnêteté intellectuelle et spirituelle sans faille. Qui peut prétendre à ce niveau de vertu ? Les cul bénis, les grenouilles de bénitiers, les saintes nitouches ? Pour ne parler que du domaine de la religion. Des bien-pensants militants laïques, des partisans du politiquement correcte, des donneurs de leçons médiatisés rappeurs et chanteurs à la mode, des antifa et autres soit-disant antiracistes ? Pour étendre ce domaine au monde profane et athée. Tout ces Saint-Jean-Bouche-d'Or sont-ils dignes d'une pareille prétention ? Bien évidemment non.
Le mieux est de ne pas juger car cette faculté n'appartient à personne : il y a beaucoup de choses qui échappent à notre compréhension. Ceux qui ont lu les : Dialogues avec l'Ange, rapportés par Gitta Mallasz, auront une idée de ce qui vient d'être écrit...
Par où passe le chemin de la rédemption et du repentir ? Depuis plusieurs heures l'âme de Ruairî se débattait en proie à des tourments infernaux dont on ne peut même pas avoir idée ; il passait de la honte de la culpabilité à la rage due à la conviction qu'une instance supérieure se moquait de lui et essayait de le duper en lui faisant croire ce qui ne pouvait et ne devait être cru puis il arriva à une phase particulièrement déchirante et atroce de cette descente aux enfers où il s'identifia à chacune des victimes du camp de la mort de Durlas et là des torrents de larmes de pitié jaillirent de ses yeux semblant jamais se tarir ; la compassion vrillait son corps et il en vint à se rouler par terre en sanglot avec un rictus de souffrance lui déformant le visage. Il voyait de pauvres êtres réduits à la plus extrème misère physiologique et l'amour qu'il leur portait lui faisait si mal qu'il aurait préféré ne plus exister même en tant qu'âme... Il finit par comprendre qu'endurer cet enfer qui ne pouvait être qu'éternel ne pourrait apaiser et consoler les innocents qui souffraient de l'injustice de part le Monde et qu'il lui fallait se mettre en route pour une nouvelle vie où il dispenserait de l'amour : cet amour si brûlant qu'il se devait de canaliser afin de porter la paix et la félicité sur la Terre entière.
Aussi accepta-t-il la mission proposée par celui qui se faisait appeler Je Suis.
Que se passerait-il alors ? Ruairî allait-il mettre ses pas dans ceux de saint François d'Assise ? En fait il résolut de rencontrer à nouveau le chef de l'état. Ah, à l'instar de Jeanne d'Arc qui avait voulu rencontrer Charles VII ? L'ironie n'est pas de mise dans cette histoire car les conséquences de cette confrontation auraient de grandes répercussions sur le monde entier ; chose que l'on n'aurait même pas pu imaginer y compris dans les rêves les plus fous. Ruairî fit sa demande d'audience par voie hiérarchique et l'entrevue lui fut accordé très facilement ; le Treoraî devait penser que cet ex-agent double avait sans doute d'autres révélations à lui faire...
Donc Ô Grianna reçut Ruairî au débotté dans les jardins du palais présidentiel. Le président l'aborda rudement : " Qu'est-ce que tu me veux Mac Giolla ? Tu croix pas que j'ai autre chose à faire que de recevoir un sous-fifre de ton espèce ?
_ A Threoraî, l'Eternel m'envoie en mission auprès de toi et m'a donné ordre de te demander de réparer les torts que tu as commis à l'encontre des protestants d'Irlande. " Le dictateur faillit s'étouffer de stupeur et aussi de rage ; sa figure venait de s'empourprer et il était à deux doigts de l'apoplexie ; au bout d'un moment il parvint à se calmer et il apostropha l'impudent sans aménité aucune : " Mais ma parole, tu as perdu la tête Mac Giolla ! Tu oublies que tu reviens de loin ; je me suis montré très gentil à ton égard et tout ce que tu as trouvé à faire pour me remecier c'est venir m'insulter chez-moi ! Pour qui est-ce que tu te prends !?
_ A Thiarna, si tu n'accèdes pas à ma requête l'Eternel te punira en infligeant une grande calamité à l'Irlande. " Le Treoraî fut soufflé de tant de culot et fut quelque peu étonné que Ruairî lui donnât du Tiarna ce qui veut dire seigneur en gaélique ; pareille marque de déférence était particulièrement inhabituelle et aurait convenu seulement à un roi d'Irlande. Il sentit que le destin venait de frapper à sa porte : un destin royal. Il comprit qu'il venait de recevoir une injonction à laquelle il devait obéir s'il ne voulait pas que la royauté de l'Irlande lui échappât. Mais tout ceci avait un prix : la réhabilitation des protestants. Alors le dictateur demanda : " Ton Eternel veut-il me faire roi ?
_ Tu seras roi, A Thiarna, à condition que les protestants se sentent à nouveau chez eux sur la terre d'Irlande. " Ô Grianna hocha la tête d'une manière pensive et l'entretien s'acheva là.
Dans les semaines qui suivirent Ô Grianna demanda son pardon aux protestants d'Irlande et annonça que de fortes indemnités leur seraient versées et il demandait à ceux qui avait dû s'enfuir d'Irlande de revenir dans leur patrie. Bien sûr le Treoraî comprit que la confiance aurait du mal à s'établir et donna des garanties aux exhilés pour que ceux-ci ne soient plus jamais menacés dans leur existence. De quelle manière ? Comment réinstaurer la confiance ? Un exemple historique récent ne pouvait que susciter la méfiance : les multiples mensonges de Hitler afin d'amadouer les Juifs. Ô Grianna se tourna vers Ruairî lui demandant ce qu'il pouvait bien faire pour instaurer la confiance. Voilà ce que répondit l'intéressé : " Abolir la dictature et instaurer la démocratie, A Thiarna : tu dois démissionner de ta fonction de chef de l'état.
_ Comment donc ! Tu m'as promis la royauté.
_ La royauté à la mode celtique ; tu dois renoncer à gouverner mais tu seras quand même roi de part la volonté de l'Eternel et tu seras le garant de la paix et de la prospérité de l'Irlande comme le fut le Ârd-Rî Conaire Môr, le haut roi de notre histoire mythique. Etablis une constitution pour une monarchie constitutionnelle à l'instar de notre voisin la Grande-Bretagne.
_ Notre ennemi juré !
_ Justement, là aussi tu dois renforcer la paix et la coopération avec la Couronne britannique ; la prospérité et le développement économique passent par là. " Et cela s'est accompli ; pour le plus grand bien du peuple d'Irlande qui se réconcilia de façon définitive avec les protestants.
Et Séamas Ô Grianna devint roi d'Irlande comme l'avait été avant lui, il y a bien longtemps, Conaire Môr, Conaire le Grand. Séamus Ô Grianna mourut en 1960 mais il avait eu le temps de faire désigner son successeur par le Dâl Êireann, le parlement irlandais. Une majorité de député se prononça pour la candidature proposée par le roi : Ruairî Mac Giolla Phâdraig qui lui succéda effectivement à sa mort.
Ruairî 1er vécut encore les 4O ans d'un règne prospère pendant lequel l'Irlande se développa tant sur le plan économique qu'à l'international gagnant d'année en année de plus en plus d'influence et ce pour le plus grand bien de l'Humanité car grâce à elle bien des guerres furent évitées et notamment en 1963 où faillit se déclencher une troisième guerre mondiale. Ruairî 1er à cette époque pressentit un bien plus grand danger qui menaçait l'Humanité : la destruction de l'environnement et l'épuisement des ressources ainsi que l'explosion démographique. Il avait un demi-siècle d'avance sur tout le monde mais, chose étonnante, il fut assez convaincant pour réunir des conférences internatinales afin de prévenir et résoudre tout ces problèmes. De nos jours énormément de scientifiques s'accordent à dire que sans son action et son influence le Monde connaîtrait, de nos jour, l'apocalypse et l'effondrement et que si nous vivons dans un monde prospère où non seulement tout le monde mange à sa faim, mais jouit, en outre, du bien-être issu de la satisfaction du nécessaire et de l'éducation c'est grâce à lui. À sa mort, son fils Ruairî II lui succéda et il règne toujours en digne continuateur de son père que l'on n'appelle plus de nos jours que du nom de Ruairî Môr, Ruairî le Grand.
Le bân-is-dubh, l'emblème qui aurait bien pu être tout aussi maudit que la croix gammée nazie, fait toujours partie du drapeau de la République d'Irlande et l'étendard rouge frappé de ce symbole, qui est un véritable talisman pour l'Humanité entière, flotte partout dans le Monde et est salué avec respect lors de cérémonies protocolaires.
L'horrible épisode de la dictature ne fut pas oublié, loin de là, mais fut abondamment pardonné par le Monde entier tant l'action de l'Irlande avait été bénéfique sur le destin de la Terre ; chose que tout le monde s'accorde à reconnaître.
Les esprits chagrins penseront que l'on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments et s'insurgeront que des génocidaires n'aient été non seulement pas inquiétés mais honorés. Que répondre à ça ? On aurait pu imaginer un tout autre développement de l'histoire où ces grands criminels auraient été châtiés et anihilés pour la plus grande satisfaction de la justice mais c'est l'inverse qui s'est passé : c'est immoral mais c'est comme ça. On pourra toujours discourir pendant des centaines de pages en cherchant à justifier les faits rien n'y fera : les assassins resteront des assassins et ceux qui en feront l'apologie dignes de la prison pour ne pas dire du zigouillage pur et simple de la part des antifa. Bande d'hypocrites !
Récemment un écrivain a écrit un roman uchronique où il imagine un monde où l'Irlande serait devenue indépendante mais cependant amputée des six comtés de l'Ulster ; un pays chétif et souffreteux dans l'orbite des pays anglo-saxons et en passe de le devenir lui-même, un monde où la Grande-Bretagne n'auraient pas été envahie par les Allemands, un monde qui, après la défaite des nazis, serait dominé par un affrontement larvé entre le capitalisme et le communisme pour aboutir à la chute de ce dernier ; ce qui laisserait la bride sur le cou à un libéralisme sauvage qui lui même pousserait la Terre à la destruction avec son cortège de guerres, de massacres, d'épuisement des ressources naturelles et d'extinction des espèces animales et végétales. Un monde, enfin, surpeuplé qui s'écroulerait et où tout les humains mourraient.
Une pure fiction, mais combien réaliste ! Une alternative crédible à notre monde de bonheur et de prospérité pour tous et où la nature embellit toujours plus. Et tout ça nous le devons à Ruairî Môr qui s'est ainsi largement racheté de ses crimes passés : que les esprits chagrins songent que notre monde est largement préférable à celui imaginé dans ce roman uchronique résumé plus haut même si la justice leur semble avoir été bafouée.
CHAPITRE TROIS : CONAIRE MÔR
C'est à la fin des années soixante que la source d'une énergie inépuisable basée sur les ondes scalaires de Nikola Tesla fut mis au point. Et depuis on a totalement abandonné le charbon et le pétrole pour se chauffer, se mouvoir, et fabriquer toutes sortes d'objets ; ces matières premières ne servent plus qu'à produire quelques matières plastiques qui sont d'ailleurs de moins en moins employées depuis que l'on a constaté leur nocivité et leur pernicieuse durée de vie qui les faisait rester indéfiniment dans la nature. La nouvelle énergie a permis de fabriquer les équivalents de ces produits synthétiques à partir du végétal ; ces substituts au plastique sont tout autant performants tout en ne polluant plus et en étant biodégradable.
Cette énergie inépuisable et bon marché n'a pas été néanmoins gaspillée mais a servi à dépolluer notre environnement et à résoudre un problème que les scientifiques avaient déjà détecté dés 1975 : le réchauffement climatique dû à l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère. L'abolition des énergies provenants de combustibles fossiles avait au moins tarie la source du problème mais la température du globe allait augmenter et rester à un niveau alarmant si on ne faisait rien. C'est alors que l'on eut l'idée de planter des forêts dans tout les déserts de la Terre en les irrigants avec l'eau désalinisée pompée des océans et des mers ; mais les ingénieurs qui mirent en oeuvre ce programme de reforestation ne jouèrent pas aux apprentis sorciers : ils eurent soin d'arroser chaque arbre au goutte à goutte, ce qui nécessita des milliers de kilomètres de tubulures en plastique, afin d'éviter des remontées salines qui auraient définitivement stérilisé les terres.
Des philosophes de notre époque ont fini par s'étonner de l'incroyable niveau de sagesse à laquelle est parvenue l'Humanité : cette sagesse sans laquelle la réconciliation de l'homme et de la Nature n'eut pas été possible car jusqu'en 1960, date de l'accession à la royauté de Ruairî Môr, un tout autre scénario était en train de s'écrire : les puissants de l'économie suivant leur penchant égoïste avaient le projet de s'accaparer de toutes les richesses de la Terre peu importât que cela plongeât des milliards d'êtres humains dans la noire misère et que cela ravageât entièrement la planète. Mais qui a bien pu les mettre à la raison ? C'est une énigme insondable. Cette félicité universelle coïncide, certain parleront de synchronicité, peu ou prou avec l'émergence du bân-is-dubh.
Par contre on ne sait toujours pas comment est apparue ce symbole si puissant. Que l'on se souvienne : dans son livre Mo Chomhrac Ô Grianna fait état d'une certaine expérience mystique où il rencontre Êiriu, déesse personnifiant l'Irlande qui lui octroie l'étendard où figure le bân-is-dubh avec pour mission de rétablir les Gaëls dans leur splendeur passée. Est-ce que cela s'est vraiment passé comme ça ? Ô Grianna n'était pas un artiste, un graphiste : pourquoi ce symbole lui aurait-il été inspiré à lui et pas un un autre ? En fait le futur dictateur connaissait la version curvilinéaire de ce symbole : de même que le swastika est la version anguleuse du quadriskel _ la spirale à quatre branches dont la croix basque, le lauburu, est une version _ le bân-is dubh a sa version curvilinéaire et c'est à partir de cette version qu'Ô Grianna a déduit, déduit pas créé, l'emblème du Fine Gaël que nous connaissons. Cette version curvilinéaire n'était nullement cachée et même assez connue d'un certain nombre de spécialistes et, notamment, d'archéologues mais le grand public s'en moquait comme d'une guigne. S'il y avait eu secret c'était le secret de Polichinelle car en se rendant au Musée National de Baile Âtha Cliath on aurait pu voir en bonne place une magnifique pièce archéologique. Mais pour en savoir plus sur cet objet fabuleux penchons nous sur un certain rapport de fouille datant de 1901 :
Cette phalère en or massif a été trouvée dans la tombe n° 23 du cimetière de l'Âge du Bronze de Ballinasloe dans le comté de Galway en Irlande. Elle fait 8 cm de diamètre et le motif a été travaillé au repoussé sur une feuille d'or d'une épaisseur de 1 millimètre. Je ne suis pas en mesure de vous fournir le poids exact de cet objet. C'était le seul mobilier de cette tombe qui recelait le squelette bien conservé d'un hommes de 40 ans dont la mort, semble-t-il, est indéterminée : aucune lésion physique n'a été détectée sur les os. La phalère était posée sur le thorax de l'individu : la bélière suggère qu'elle était portée en sautoir et le terme pendentif serait sans doute mieux approprié. Aucune des autres tombes ne comportait ce genre de mobilier d'une extrème richesse. Des poteries, pointes de flèche en silex, un bracelet en bronze, non décoré, le seul de tout le cimetière, voilà tout ce qui a été recueilli. On suppose que l'individu enterré dans la tombe n° 23 devait être un personnage très important de cette communauté, un chef, voire un prince. La datation au carbone 14 donne une date de 1850 av. J-C. Cette découverte est certe remarquable par la richesse de l'objet mais aussi par son atypisme. C'est la première fois que nous rencontrons ce motif pour la période considérée et même pour toutes autres périodes de la préhistoire et de l'histoire et ce au niveau mondial. Nous avons fait les recherches nécessaires pour savoir si ce motif, qui est en fait un véritable symbole, existe déjà et nous n'avons rien trouvé ; ce qui renforce la probabilité qu'il apparaît pour la première fois à l'époque moderne.
Nous avons consulté un certain nombre de symbologues dont se trouvait parmis eux un des plus réputés au monde : le professeur Noblecourt de l'Université du Texas. Tous confirme l'atypisme du symbole. Ceci constitue un énigme quasiment impossible à résoudre car le fait que cette trouvaille soit totalement isolée vient en contradiction avec le fait que ce motif aurait dû largement se diffuser. Pour la période proto-historique, dans l'art de La Tène, nous rencontrons ce qui pourrait s'apparenter, au plus près, au motif considéré ; à savoir cette combinaison de deux triskels pour former un quadriskel. Le diagramme suivant démontre que la création de ce symbole n'a tenu qu'à un cheveu : si l'artiste n'avait pas eu l'idée de faire évoluer ce qui n'aurait pu être qu'un accident rien n'aurait aboutit. Deux options s'offraient à lui : une qui ne menait à rien ; l'autre à ce symbole. Les deux ont été essayés : il ne pouvait pas en être autrement. Le chainon manquant se situe au moment où le fond coloré en indigo a subi une rupture de ton du côté de la partie gauche du quadriskel et de sa partie droite. On suppose que ce fait n'est que purement fortuit.
Une figure de légende, un personnage mythologique dont le souvenir et l'histoire déformée et magnifiée a traversé les âges pour venir jusqu'à nous : il s'agit du Ârd-Rî Conaire Môr. Oui, mais comment peut-on être sûr qu'il s'agisse bien de lui en l'absence de stèle où son nom serait gravé ? Si tant est que l'on connût l'écriture à une époque aussi reculée ; c'est à dire, tout de même, l'Âge du Bronze. La légende situe sa tombe à l'endroit même où se trouve le site archéologique. La tombe était en effet recouverte d'un vaste cairn qui était sensé être la sépulture du souverain légendaire ; les gens du coin appelaient ce tas de pierre : Tuama Conaire Môr, la tombe de Conaire Môr. Donc on est bien en droit de penser qu'il s'agit là du légendaire Ârd-Rî.
Il pourrait être intéressant de rapporter ici la légende de Conaire dans son intégralité mais tel n'est pas le propos : le plus important est de dire que le règne du Haut-Roi d'Irlande fut heureux et prospère mais que son histoire finit mal parce qu'il transgresse un à un chacun de ses geasa. Que signifie ce mot ? Reportons nous au dictionnaire gaélique/anglais Dineen : " Geas, -eise, d. geis, pl. -a and -racha, f., a solemn injonction, esp. of a magical kind, the infringement of which led to misfortune or even death, a tabu, spell or prohibition. ", une injonction solennelle, spécialement d'une catégorie magique, dont la transgression conduit à la malchance ou même à la mort, un tabou, sort ou interdit.
Ainsi donc Conaire Môr finit par trouver la mort parce qu'il viole ses tabous. Quel rapport avec notre Histoire Contemporaine ? Il semblerait que le talisman en or qu'il portait autour du cou ne l'ait pas garanti contre le sort et la malchance dont il était pourtant à l'origine. Ruairî Môr, le Conaire Môr du XXème siècle, avait-il des geasa dont la transgression l'aurait conduit à des désastres et même à la mort ? Mais qui donne les geasa ?
Dans la mythologie Irlandaise ce sont les druides. À son intronisation Conaire reçoit un certain nombre d'interdits de la part d'un certain druide comme condition à son statut de roi.
Il y a-t-il eu également un druide qui aurait fourni un certain nombre de tabous à Ruairî, lors de son accession à la royauté ? Si tant est qu'il existât un druide digne de ce nom en Irlande à cette époque et même de part le monde, car ces illuminés qui se prétendent être druides le sont-ils vraiment ? On peut considérer qu'il n'y avait aucun druide de ce genre au moment où Ruairî est devenu Roi d'Irlande. A-t-il été dispensé de recevoir ses geasa, insignes de sa condition royale ? Mais d'abord quel auraient été ces fameux tabous ? La mésaventure récente d'un certain chercheur en science de l'au-delà pourrait fournir une réponse : cet homme, sans doute par ailleurs fort estimable, bénéficiait d'une grande et constante chance qu'il attribuait à la pensée positive, grand bien lui fasse, mais il alla trop loin et il fut surpris à frauder le fisc et sa chance tourna mais c'était par sa faute : ne pourrait-on dire qu'il avait enfreint un de ses geasa ? Ce geas aurait pu être celui-là : quand on s'occupe de chose spirituelle il faut faire voeu de pauvreté car ainsi on se met à l'abri de ces dénigreurs qui seront toujours très prompts à vous accuser de profiter de la détresse des endeuillés.
Ruairî avait sans doute des geasa semblables : la pauvreté sinon matérielle, qu'il est difficile de maintenir quand on est roi et que l'on vous impose un rang à tenir, mais du moins en esprit et dans le coeur en cultivant l'humilité et la charité, le respect de la justice et de l'équité surtout en ce qui concerne les plus humbles et les plus nécessiteux, le courage de dénoncer les iniquités et d'agir pour le bien commun même au prix de la réprobation et de la menace contre son intégrité physique. Et ces geasa Ruairî les a toujours respectés ce qui le conduisit au succès de son entreprise qui consista à sauver le monde. Mais ceci ne nous dit toujours pas qui lui a imposé ces fameux geasa.
Qui étaient les druides ? Dru, très, uides, savant : druuides, très savant ; voilà ce que signifie le mot druide. Les druide modernes ce pourrait-être ça : des savants, des scientifiques, des hommes de savoir. Il y avait-il un homme de savoir dans l'entourage de Ruairî qui lui aurait imposé ses geasa ? Oui, justement, un climatologue prospectif et visionnaire qui lui révéla les dangers d'effondrement qu'encourrait la civilisation si on ne faisait rien dans les années qui suivent. Ruairî le prit au sérieux et se mit à l'action avec le résultat que l'on sait. Il a obéi à sa conscience.
Voilà ce que François Lesneven aurait pu écrire pour expliquer le tout nouveau symbole qu'il avait créé neuf ans auparavant mais il choisit de rédiger un tout autre texte bien plus polémique qui ne pouvait que provoquer le rejet et ce texte le voilà :
LE SYMBOLE PERDU RETROUVE
EXPLICATION DU NOUVEAU SYMBOLE
PREAMBULE
Existe-t-il un symbole maudit ?
Oui, depuis que le parti national-socialiste allemand a choisi comme emblème le swastika noir superposé à un disque blanc le tout sur fond rouge. Désormais la vue de ce drapeau ainsi formé ne peut susciter que l'horreur et le dégoût.
Et, en dehors de cet exemple historique récent, existe-t-il un autre symbole maudit aussi flagrant ?
Non. Il n'en existe pas ; sauf, peut-être, le pantacle inversé qui serait considéré comme un signe satanique mais cela est très peu connu et ne concerne que les milieux occultistes.
Ainsi donc la croix gammée constitue-t-elle le symbole du Mal et de la destruction et ce pour la première fois dans l'histoire de l'humanité. On pourrait alors considérer qu'elle est le symbole de notre monde, de notre réalité terrestre dominée par le Mal (cependant il ne faudrait pas croire que je puisse avoir une vision manichéenne, à l'instar des Cathares, de ce monde) car même à notre époque les idées nazies continuent à agir non seulement dans les groupes d'extrème-droites mais aussi dans l'organisation-même de notre société ; par exemple à travers cette notion si répandue de darwinisme social, du chacun pour soi, de l'égoïsme magnifié qui justifie le fait que quelques-uns puissent se goberger sur le dos des innombrables victimes de l'économie libérale. De nos jours la notion de races inférieures a été remplacée par celles des catégories sociales inférieures, des perdants, dont il conviendrait de se débarrasser. Ultime hypocrisie de notre monde moderne !
Considérons maintenant ce diagramme :
Ainsi le drapeau nazi situé en haut à droite représente-t-il notre monde fait de matérialité pure car le mal nie la réalité de l'ESPRIT et le MATERIALISME triomphe.
Cependant ce symbole maudit existe en négatif, pour ainsi dire, dans le monde de l'ESPRIT pur ; l'inversion des couleurs indique qu'il a repris sa signification positive et symbolise à nouveau le Bien comme cela a toujours été le cas jusqu'à l'avènement du nazisme. En haut à gauche.
Il est à noter que ce sont là deux monismes ; le monisme matérialiste d'une part et le monisme spiritualiste d'autre part. Deux conceptions philosophiques diamétralement opposées de la réalité. Qui a raison ? Le matérialisme semble le mieux placé car le monde du pur esprit manque de consistance et semble difficile à appréhender.
Ces deux drapeaux ont été divisés en deux chacun de leur côté puis ces deux moitiés ont été assemblées pour former un nouveau drapeau (situé au centre de la deuxième ligne). Une très nette frontière sépare ces deux parties pourtant réunies dans une seule entité. Ce nouveau drapeau ne symbolise-t-il pas la conception dualiste de la réalité ? D'un côté la MATIERE et de l'autre l'ESPRIT coupés l'un de l'autre par une séparation apparemment infranchissable. Le dualisme semble avoir eu les faveurs de Descarte et on pourrait dire que nous sommes alors en plein cartésianisme. Il semblerait que ce modèle ait le plus de faveur dans la pensée occidentale moderne mais en réalité et dans les faits c'est le MATERIALISME qui triomphe.
Mais un autre drapeau, situé juste au dessous du précédent, fait son apparition. La seule différence que l'on constate par rapport à la figure sensée symboliser le dualisme est que la séparation médiane à été décalée tant en haut qu'en bas du drapeau pour s'inscrire dans le prolongement à la fois du côté gauche en haut et à la fois du côté droit en bas de la croix centrale du swastika de sorte que la moitié blanche de la croix gammée forme une surface continue avec la moitié blanche du disque cernant la moitié noire de la croix gammée qui elle même se connecte avec l'autre moitié noire du disque. C'est alors qu'apparaît ce nouveau symbole. Celui-ci ne sépare plus les deux moitiés du drapeau mais, au contraire, les réunit. Ne pourrait-on pas dire en le considérant que l'intérieur est à l'extérieur et que l'extérieur est à l'intérieur ? Ce swastika si particulier, de deux couleurs donc, apparemment, en deux parties, ne nous donne-t-il pas, malgré ça, un sentiment d'unité ? À quoi cela tient-il ?
Mais il n'en est pas de même dans ce diagramme ci-dessus. La figure de droite montre qu'on ne peut les séparer car elles restent attachées ensembles sans solution de continuité en haut et en bas. Ces deux moitiés inséparables constituent donc une unité.
Dans ce cas ne serait-on pas en droit de considérer mon symbole comme ayant la signification de l'UNITE ? De cette sorte il n'y a plus séparation et l'entité que représente ce drapeau devient une unité. L'ESPRIT, à gauche, se relie par ce nouveau symbole à la MATIERE située à droite. On assiste ainsi à l'éclosion d'un nouveau monisme où ESPRIT et MATIERE ne forme plus qu'une seule réalité. Le pur esprit prend de la consistance et la matière se spiritualise.
Les deux dernières figures de la dernière ligne ne sont que des variantes de la représentation précédente.
Il est à noter une chose : pour que ce nouveau symbole puisse apparaître avec sa signification profonde il fallait l'existence d'un symbole maudit car sans cela la dualité entre le Bien et le Mal n'aurait pas pu être exprimée au niveau symbolique (symbolisme graphique s'entend) ; aussi la perversion du swastika transformé en emblème nazi devait-elle être nécessaire. Que ceux qui veulent me faire un mauvais procès en m'accusant d'avoir récupéré ce symbole honni veuillent bien considérer ceci : ma découverte s'inscrit dans le destin de l'humanité ; pour que la lumière puisse surgir il fallait un passage par les ténèbres, pour qu'il y ait résurrection il a fallu mourir. Evidemment je ne déclare pas que l'épisode du nazisme était un mal nécessaire, loin de là, je ne suis pas responsable de la méchanceté du monde ni de ce passé récent ni de ce présent hypocrite qui dégouline de bons sentiments mais qui nous achemine tout droit vers la mort de l'humanité. Les gens ordinaires d'aujourd'hui ne valent pas mieux que les nazis. La fatalité du Mal a été à l'origine de la Première Guerre Mondiale à laquelle a succédé la monté du nazisme qui lui a causé la Seconde Guerre Mondiale. Il est facile de tout mettre sur le dos de Hitler alors que la cause de toute cette ignominie est plutôt à rechercher dans la vilenie, les lâchetés et la mesquinerie de tout un chacun qui ont fabriqué cet égrégore monstrueux qui a été le nazisme ; les riverains du camp d'Auschwitz ont toujours prétendu qu'ils n'avaient rien vu ni rien entendu...
Et cet égrégore n'est pas mort même s'il ne revêt plus l'uniforme des SS ; il est dans le mensonge et la désinformation qui voudrait nous faire croire que les maîtres de ce monde ne sont pas aussi coupables que Hitler alors qu'ils le sont bien plus car ils seront responsables des grandes mortalités qui provoqueront l'extinction de l'humanité et du vivant, en premier lieu des pauvres gens, s'ils s'obstinent dans leur effroyable cupidité et leur insatiable appétit de pouvoir et de domination et nous même ne pouvons-nous nous sentir innocents car c'est notre faiblesse et notre léthargie qui les rendent puissants. Dans Le Dialogue Avec L'Ange, recueilli par Gitta Mallasz, l'Ange laisse entendre que pour que se dissipe l'énergie du Mal il fallait qu'un grand nombre d'innocents soit sacrifié, que l'abcès soit crevé ; cela faisant partie de l'évolution de l'humanité en quête de toujours plus de lumière.
De plus je tiens pour vrai que le choix, par le parti national-socialiste allemand, du swastika comme emblème s'inscrit dans le destin historique de l'humanité car s'il n'en avait pas été ainsi l'histoire eut été bien différente. Imaginez par exemple que l'emblème nazie eut été ça :
le peace and love, croyez-vous que le parti de Hitler eut connu le succès que l'on sait ? Sans doute pas. Evidemment il est bien difficile de refaire l'histoire mais on peut imaginer que si Hitler avait pris le pouvoir il ne l'aurait pas fait d'une façon aussi franche ; son succès eut été plus mitigé, il aurait dû composer avec d'autres forces politiques d'extrème-droite ou de droite, il n'aurait pas eu les mains libres et sans doute n'eut-il été qu'un dictateur sans envergure à l'image de Franco par exemple. Peut-être aurions-nous pu éviter la mise à feu et à sang de toute l'Europe même si les camps de la mort auraient quand même été ouverts ; Hitler serait mort nonagénaire et le massacre de milllions d'innocents eut été oublié de la même manière que l'on a oublié les crimes de Staline et de Mao. Que d'ancien staliniens et d'anciens maoïstes puissent marcher, le front haut, dans la rue de nos jours sans que personne ne leur fasse honte voilà une chose qui a bien de quoi soulever le coeur ! Et ce sont les mêmes qui, bientôt, me cracheront à la figure. Ce monstre a bénéficié de l'incroyable force hypnotique du swastika. Personne ne croit qu'un symbole puisse avoir une action sur la réalité mais cependant cela peut arriver. Tel est le cas de Marthe Robin. La grande mystique drômoise Marthe Robin vécut 53 ans sans boire ni manger n'ingérant seulement que des hosties consacrées. Le prêtre qui présentait l'hostie devant ses lèvres la voyait littéralement lui échapper des doigts et être aspirée, de plus Marthe savait longtemps à l'avance si le prêtre était en chemin avec l'hostie et ce sans qu'aucun indice ni annonce de cette venue ne lui soit donné. Or l'hostie est bel et bien un symbole ; d'autant plus que par la transsubstantiation une opération magique se produit : sa substance se transforme en celle du corps du Christ. Superstition diront certains, certes, mais la foi accomplit bien des miracles et l'ingestion de l'hostie peut guérir, il suffit d'y croire. L'Esprit peut faire bien des choses que l'on ne peut même pas imaginer à condition que la croyance soit suffisamment forte. Pourquoi n'en n'eut-il pas été de même avec l'emblème des nazis ? Jean Prieur, dans sa biographie de Hitler, parle lui de véritable providence du Mal qui a amené ce petit bonhomme rabougris et au fond plutôt médiocre a connaître ces succès, tant politiques que militaires, que l'on sait. Comment ce fait-il que des millions d'Allemands et de non-Allemands aient abdiqué leur intelligence au profit d'un tel délire raciste et mégalomane ? Voilà un grand mystère que l'on pourrait expliquer, en partie, par le pouvoir d'un symbole puisque celui-ci pourrait avoir eu suffisamment d'influence sur le psychisme des foules pour que celles-ci puissent porter au pinacle un dictateur dément.
On peut imaginer autre chose : et si l'emblème nazie avait été le yin-yang, le taiji, est-ce que celui-ci aurait pu être transformé en symbole maudit ?
Le yin-yang est un symbole puissant porteur déjà d'une haute signification philosophique rigoureusement définie. Nous pouvons faire le tour de la plupart des grands symboles graphiques que ce soit la croix, l'étoile de David, le triskel, le quadriskel et son avatar le swastika, le pantacle ect... et on s'apercevra qu'aucun n'a de signification précise ; au fond on n'y apporte jamais que le sens que l'on veut ou que l'on imagine, après tout ce qui compte c'est la fonction emblématique du symbole ; signe de ralliement la signification importe peu. Mais il n'en est pas de même pour le taiji ; je suis bien incapable de définir le taoïsme même si, cependant, j'ai lu beaucoup de chose à son sujet or je peux le comprendre, même intimement, en contemplant le yin-yang car il est, en quelque sorte, la démonstration graphique du taoïsme ; de cette manière tout le monde peut le saisir et ce n'est pas par hasard si ce symbole a conquis une popularité mondiale. On le retrouve partout comme logo chez les plombiers, les marchands de pizza et même chez certaines organisations criminelles, au Mexique par exemple, ect... Alors que serait-il advenu si Hitler l'avait choisi comme emblème ? Peut-être que cela n'eut pas sensiblement changé le cours des choses et l'on peut imaginer que le régime nazi eut été quand même mis à bas anéantissant l'ambition de ce monstre sanguinaire qui rêvait de conquérir le monde. À la libération, est-ce que le monde occidental se serait détourné avec horreur du yin-yang faisant de celui-ci un symbole maudit ? Pas si sûr. Peut-on renoncer à une philosophie millénaire même si celle-ci ne paraît concerner que l'extrème orient ? Même s'il n'y a pas une foule nombreuse à s'intéresser au taoïsme en occident il y a fort à parier que les adeptes de cette philosophie n'auraient pas renoncé à un symbole aussi puissant et ce malgrè les oukases des intellectuels soit-disant antitotalitaires. On peut imaginer que les taoïstes eussent été assimilés aux nazis. À cause d'un symbole. L'intelligence finit toujours par triompher et on peut supposer que les penseurs taoïstes eussent trouvé des arguments philosophiques convaincants pour réhabiliter le symbole maudit que serait devenu le taiji. Mais est-ce vraiment si sûr ? Le yin-yang est tout en rondeurs et en douceurs face au swastika anguleux et tournoyant qui semble être un outil, une machine à déchiqueter et à broyer ; le populaire aurait fini par oublier l'usage ignoble que l'on aurait fait du taiji et celui-ci serait rentré en grâce. Comment un symbole maudit réhabilité ! Après tout ces massacres, toutes ces destructions ! Un symbole est innocent et les publicitaires qui sont si habiles à manipuler les consciences savent bien que l'apparence d'un signe compte plus que sa signification réelle ou supposée et même que son histoire ; ce qui compte pour eux c'est flatter le regard. Le yin-yang aurait fini par être réhabilité même si cela aurait pris du temps car on ne peut pas mettre indéfiniment de côté une figure si séduisante, ceci combiné avec l'attrait intellectuel et philosophique du taiji.
La tête de mort devrait susciter l'horreur, or depuis quelques années on la voit fleurir partout y compris sur les pyjamas des nourrissons ! N'est-ce pas là le comble de l'absurde ? La tête de mort devrait se trouver dans le même sac que celui de la croix gammée, or il n'en est rien. Pourquoi ? Certe la tête de mort est un pictogramme fonctionnel et utilitaire puisqu'on la voit apparaître sur les étiquettes de produits dangereux et sur les transformateurs mais comment se fait-il que l'on l'ait vue investir un pan entier de la mode ? La mode, justement ; un jour le swastika deviendra à la mode et on aura beau protester à cause du devoir de mémoire cela n'y changera rien car le snobisme et le goût de la provocation sont plus fort que tout. Bientôt on verra se bâtir des sortes de dysneyland dont le thème sera Auschwitz et le nazisme ; ne vous récriez pas : ça c'est déjà vu...
Nous nageons là en pleine irrationalité à propos d'un symbole. Le swastika provoque l'horreur et il semble impossible de présenter une explication scientifique de ce phénomène car l'histoire seule n'est pas suffisante pour le faire. Moi-même quand je contemple le drapeau nazi je ne peux m'empêcher d'avoir un frisson de répulsion mais si je vois la croix gammée peinte sur une poterie datant du néolithique alors je ne ressens rien d'autre qu'une impression esthétique ; il semblerait que le contexte ait une importance que l'on a trop longtemps négligée. Mais le swastika est hors contexte car même tout seul il se réfère au nazisme ; cette séquence de l'histoire contemporaine a tout aspiré et ce symbole est devenu un idéogramme qui veut dire : massacre, destruction, barbarie et régression aux instincts les plus primaires et cet idéogramme a servi à écrire une des pages les plus épouvantables de l'histoire de l'humanité et on ne peut en changer le sens idéographique sans nier la signification de l'épisode en entier. Nous sommes ici, bel et bien, en présence de la marque du destin du genre humain. On n'y peut rien y faire.
Concernant le symbole que j'ai créé, j'ai démontré combien il était porteur de sens à l'instar du yin-yang. Un sens très défini et fondamental puisqu'il ne s'agit rien de moins que d'une conception philosophique de la réalité. Donc je prétends qu'il est le second symbole de l'humanité à représenter une philosophie clairement établie ; ce qui le rend tout aussi important que le taiji et qu'il n'existe pas d'autre symbole à détenir ce titre. Dans cette configuration, son importance est suffisamment démontrée et s'il en est ainsi sa présence aurait dû préexister à ma découverte et ainsi le verrait-on partout ; or ce n'est pas le cas. Certains pourrait être surpris de ce fait étant donné que cela tient à si peu de chose : la communication du corps d'une moitié de swastika avec le fond sur lequel repose l'autre moitié laquelle communique, à son tour, avec l'autre fond enserrant la première moitié. C'est l'évidence même et cela aurait dû être découvert des millénaires auparavant ; c'est pour le moins étonnant. Que l'on se souvienne de l'oeuf de Christophe Colomb : c'est simple mais il fallait y penser.
Pourquoi les Romains n'ont-ils pas inventé la bicyclette, eux qui étaient si habiles à créer des machines autrement complexes ?
De plus je prétends que ma découverte est une authentique création car aucun des symboles précités, y compris le taiji, n'a vraiment été créé puisque tout leurs modèles se trouvaient dans la nature bien avant que les hommes n'aient songé à les dessiner ; ainsi se sont-ils inspirés des étoiles, des astres, des spirales des coquilles d'escargot, des vrilles de la vigne, des noeuds dans ces mêmes vrilles, des tourbillons aquatiques, des figures géomètriques telle que le triangle, le cercle, le carré, des croisements de chemins, le croissant de lune, ect... Or ce n'est pas le cas de mon symbole puisque rien dans la nature n'y réfère.
François LESNEVEN samedi 26 octobre 2019
CODICILLE
J'ai aussi la prétention de dire que mon symbole ne fait, en réalité, qu'exprimer ce que le yin-yang sous-entendait : les deux disques, l'un noir sur fond blanc l'autre blanc sur fond noir, signifient que les deux parties sont ancrées l'une à l'autre comme je le démontre dans le diagramme suivant :
on voit bien sur la figure de droite le disque blanc relié à la partie blanche et qu'il en est de même pour le disque noir. Mais pour faire ma démonstration il a fallu que je fasse intervenir la troisième dimension alors que mon symbole n'a nullement besoin de ce subterfuge.
Il ne faut pas oublier que ces deux disques signifient : " à l'intérieur du yin subsiste toujours le yang et inversement " (Le Petit Larousse). Dans ce cas là il y a bien unité malgré la dualité.
CONCLUSION :
Le symbole que j'ai créé n'est jamais que le perfectionnement du taiji ; il en exprime la signification d'une manière complète.
ANNEXE N° 1
Pourquoi la croix gammée sur le drapeau nazi est-elle inclinée de 45° ? Il n'en était pas de même à l'origine quand Hitler a dessiné l'emblème de son parti ; le swastika était bien horizontal. Quelle a été la cause de cette modification ? On a peut-être informé Hitler que la croix gammée existait en héraldique japonaise sous cette forme :
une combinaison du swastika avec le yin-yang.
On peut imaginer qu'il aura été séduit par l'élégance et la force de cette figure mais qu'il était trop tard pour remplacer la croix gammée classique par celle-ci. Il aura alors choisi d'incliner le swastika de son emblème de 45° afin de laisser sous-entendre que derrière lui se cachait la pièce d'héraldique japonaise. Il s'agit certes là d'une pure spéculation impossible à prouver mais c'est quand même un élément troublant.
ANNEXE N° 2
Que ceux qui s'acharneraient à me traiter de nazi parce que mon symbole ressemble trop à l'emblème du parti nationale-socialiste songent à une chose si tant est qu'ils aient suffisamment d'intelligence pour le faire : leur viendrait-il à l'esprit d'assimiler l'humble artiste qui a gravé des swastikas sur un certain bracelet en ivoire de mammouth à un membre de ce même parti alors que cette si belle oeuvre d'art date d'au moins du 1er ou même du 2ème millénaire avant JC ? Et que dire des poteries néolithiques peintes de croix gammées ? De ce bas relief figurant ce même symbole que l'on peut voir sur un mur d'une certaine synagogue ? Sont-ce des nazis les juifs qui fréquentent ce lieu de culte ? Le swastika a été figuré partout dans le monde et bien avant le nazisme : des temples hindous aux objets de culte tibétains, sur les cartes routières en Inde et au Népal où il signale des sanctuaires bouddhiques ; ces brillants intellectuels si promptes à juger et critiquer les autres iront-ils jusqu'à traiter de salauds tout les Indiens, les Tibétains, les Mongols, les Japonais ect... qui n'auront pas banni toutes représentations de ce symbole maudit ?
Ces membres outrecuidants de l'intelligentsia occidentale ont-ils suffisamment de culture ou tout simplement assez de bon sens (il est vrai que le bon sens n'est pas assez rock'n roll de nos jours) pour comprendre que le contexte peut inverser la signification d'un signe ? Une personne normale, c'est à dire suffisamment sensée, comprendra que dans les exemples cités plus haut le swastika n'a rien à voir avec le nazisme et que l'on peut porter au bras une copie de ce bracelet originellement en ivoire de mammouth où se déploie cette si gracieuse concaténation de swastikas sans pour autant se faire prendre à parti en pleine rue en se faisant traiter de nazi, que l'on peut avoir accroché à un mur de son salon un tangka tibétain où figure la croix gammée sans que l'on soit regardé avec horreur par ses invités avant que ceux-ci ne tournent les talons ! Notons, toutefois, que si l'on ne risque pas ce genre d'incidents avec des personnes suffisamment cultivées et intelligentes, qu'en est-il avec tout ces redresseurs de torts prétendumment antifascistes et antiracistes, si imbus de leur humanisme de pacotille ? Une certaine internaute, une remarquable intellectuelle sans doute de gauche, a insinué que le logo de Darty par l'emploi de ses caractères noirs apposés sur un disque blanc lui même reposant sur un carré rouge n'était pas sans rappeler le drapeau nazi par l'utilisation du même code esthétique ; de là à dire qu'il en a été largement inspiré... Ce à quoi le fondateur de Darty a répondu que son père avait péri à Auschwitz ; dans ce cas il semblerait que cette accusation soit sans fondement... Enfants, voici des boeufs qui passent, cachez vos rouges tabliers (George Brassens).
Si le contexte est présent alors l'odieuse signification imposée par l'histoire et la folie d'un dictateur est neutralisée. Malheureusement le terrorisme intellectuel et surtout l'auto-censure empèchent beaucoup d'artistes de notre époque d'utiliser le swastika dans leurs réalisations même si ceux-ci pourraient se montrer suffisamment créatifs pour l'insérer dans des contextes ne faisant plus référence à un passé lointain ou une culture éloignée (il faut que ce soit ancien et exotique pour être dédouané). Dans ce cas là c'est à désespérer car on ne peut rien faire.
Où le contexte peut inverser le sens d'un symbole
J'imagine un tangka tibétain où figure l'allégorie, ou la déesse, de la compassion infinie ; vision fort propre à vous prodiguer la sérénité et l'amour pour tout ce qui existe. Sur le front de cette divinité est représenté le swastika ; et c'est de ce symbole même que semble exhaler cette compassion universelle. L'habileté de l'artiste a permis ce prodige. Cette oeuvre existe-t-elle ? Peut-être. Mais il n'est pas interdit de rêver que ce soit le cas et que même si ce n'est pas le cas qu'il y ait des oeuvres produisant le même effet... Voilà une idée que pourrait reprendre un créateur occidental de notre époque mais pour cela il faudrait qu'il mette ses pas dans les pas des moines artistes tibétains qui façonnent encore de nos jours ces époustouflants mandalas de sables colorés qui sont sensés sauver le Monde. Et pourquoi pas ? Pour cela il faudrait que cet artiste renonce à son égo et se conforme à ces modèles venus du haut plateau tibétain. Qu'importe. On voit bien ce à quoi a conduit la recherche de l'originalité à tout crin : à la nullité de l'art contemporain. Après tout c'est le résultat qui compte : le dévelopement spirituel. Après tout les peintres d'icônes_ et pas seulement eux ; cela concerne tout les artistes en art sacré du monde entier _ se conforment au coup de pinceau près à la tradition et à ce que leur ont enseigné leurs maîtres. Et ce en toute humilité car c'est leur manière à eux de prier. On est bien loin des assauts de fanfaronnades des prétendus artistes qui pataugent dans les eaux nauséabondes du marais de l'art (le terme art est usurpé) contemporain. D'un côté avec l'art sacré nous avons l'expression du Sens, de l'autre avec l'art contemporain il y a une totale négation du Sens totalement revendiquée en adéquation pleine et entière avec le matérialisme.
J'ai aussi une autre vision : un tangka où figure le nouveau symbole sujet de toute cette explication ci-présente. Cette fois-ci il n'est pas nécessaire de représenter une déité particulière mais seulement tout ce qui pourrait se référer au bouddhisme tibétain de manière seulement à ce que l'on puisse se dire qu'il s'agit bien là d'une oeuvre d'art tibétaine. Ainsi le contexte sera présent d'une manière indubitable si bien qu'il sera impossible que l'on puisse assimiler le nouveau symbole à un emblème nazi. On peut imaginer que ce tangka a été retrouvé à la fin XIXème siècle dans un monastère perdu du Ladakh. Dans ce cas nul doute que ledit symbole sera connu du monde entier et que le swastika aura été choisi par Hitler plutôt que ledit symbole. Dans ces conditions ledit symbole sera tout aussi bénin que les autres symboles tel que le yin-yang, l'étoile de David ect... Mais ce n'est pas la réalité et mon symbole reste un symbole maudit car assimilé à la croix gammée. Je ne puis pourtant pas exécuter un faux ; ce serait tout simplement malhonnête et je serais de toute façon rapidement démasqué.
Il me reste une solution : créer mon propre contexte sans que cela fasse référence à un passé lointain et une culture éloignée. De cette sorte peut-être aurais-je une chance d'être absous par l'intelligentsia de gauche et par l'opinion publique qui suit servilement cette coterie. Mais pourquoi aussi le Monde devrait-il être dominé par cette nouvelle bien-pensance ? Les intellectuels de gauche ; combien de divisions ? N'y a-t-il qu'eux à penser sur cette terre ? La vie intellectuelle du Monde entier doit-elle être entièrement soumise à un modèle philosophique poussièreux datant du XIXème siècle ; à savoir le marxisme ? Le marxisme qui a engendré le stalinisme et le maoïsme et qui est un matérialisme ; or tout les matérialismes quel qu'ils soient poussent l'humanité vers la mort. Le matérialisme est un mode de penser occidental or il n'y a pas que les Occidentaux sur cette terre ; il y a aussi les Orientaux, les Extrème-Orientaux et aussi les sociétés traditionnelles de l'Afrique, des Amériques et de l'Océanie qui ont quand même bien leur mot à dire en matière de cosmogonie et de conception de l'Être. Cela représente en population pas loin des trois-quarts de l'humanité et je ne vois pas pourquoi on leur refuserait systématiquement voix au chapitre. J'ai tort en France _ un confetti à l'échelle de la planète _ aurais-je tout aussi tort en Inde, en Chine, au Tibet, au Japon ou encore en Mongolie ? Sans doute pas. Que n'es tu dans un de ces pays ! me diront les bonnes âmes. La bonne pensance de gauche occidentale se prétend universaliste : en dehors de leur doctrine point de salut ! Toutes les autres philosophies extra-européennes sont traitées sinon avec mépris du moins avec condescendance : on veut bien reconnaître au bouddhisme quelques mérites à condition qu'il prête allégeance au néant comme forme ultime de la réalisation de l'être _ ce qui est évidemment faux ; peu d'intellectuels sont capables de dénoncer cette imposture _. Or dans le bouddhisme tibétain, justement, se préparent de nouveaux concepts qui pourraient bien révolutionner le Monde du moins si j'en crois le livre de Jean-Pierre Barou et Sylvie Crossman : Tibet, une autre modernité. L'intelligentsia occidentale continue à croupir dans un mode de penser désuet et stérile alors que les lamas tibétains sont à la pointe de la recherche en ce qui concerne les pouvoirs de l'Esprit. Pour le credo officiel de la pensée occidentale : Esprit, Conscience connaît pas, tout au plus une névrose, un excrément produit par le cerveau...
Le symbole que j'ai créé n'est pas un emblème du nazisme ; affirmer le contraire n'est que pure mauvaise foi. Ceux qui voudraient me vilipender seraient bien incapable d'invoquer la raison pour le faire : ils ne céderaient qu'à leurs émotions et à leurs préjugés. J'ai démontré que dans d'autres cultures extra-européennes le swastika était loin d'être diabolisé comme il l'est en occident et j'ai aussi démontré l'importance des contextes dans lequel pouvait se trouver le swastika pour ôter toute relation de sens avec l'Allemagne nazie, en ce qui concerne mon symbole j'ai clairement établi qu'il ne pourrait être confondu avec la croix gammée nazie pour la bonne raison qu'il n'est nullement une figure composite, une alliance du taiji avec le swastika, mais bien un signe autonome qui ne doit en rien ni au swastika ni au yin-yang parce qu'il s'agit d'un symbole qui n'enferme aucun espace et que ceci ne s'est jamais vu auparavant dans toute l'histoire de l'humanité ; sa ressemblance au swastika n'est pas fortuite mais nécessaire puisqu'elle permet d'établir qu'il y a une figure enfermant de l'espace, le swastika, opposée à une figure n'enfermant aucun espace : mon symbole. Mais pour saisir un concept aussi subtil encore faut-il qu'il y ait de l'intelligence ou plutôt une certaine forme d'intelligence peu conforme aux codes de la pensée occidentale de ce XXIème siècle. Que l'on se souvienne du génial mathématicien Cantor mort dans la misère parce qu'incompris de tous ; il aura fallu cinquante ans pour que l'on saisisse enfin ses incroyables théories et que l'on y trouve même des applications. Cependant il existe bien quelques esprits éclairés qui sauront aller au-delà de leur haut de coeur à la vue de mon symbole et comprendre son importance ; s'ils sont suffisamment curieux et ouverts d'esprit ils finiront par s'apercevoir que mon symbole n'a jamais existé auparavant et l'étonnement remplacera les préjugés.
ANNEXE N° 3
Voici une autre représentation du nouveau symbole où l'on constate que ce dernier ne renferme aucun espace ; ce dégradé de couleur suggère en effet qu'il n'existe pas de limite entre un extérieur et un intérieur contrairement à la figure ci-après :
là nous constatons qu'il y a bien un extérieur et un intérieur définis par l'opposition de deux couleurs. Une information est fournie par une portion d'espace colorée en bleu contrairement à la figure précédente où l'information est prodiguée par une ligne brisée définie par de successives ruptures de ton : on reconnait cependant dans ce cas, de façon indubitable, le swastika.
À ce stade il convient de définir le mot information : informer c'est mettre en forme, c'est faire apparaître dans la réalité toute nouvelle perception que l'on pourrait appeler objet _ du latin ob jectum ce qui est placé devant contrairement à sub jectum ce qui est placé dessous ; c'est à dire qui est perçu intérieurement par la conscience, ce qui est subjectif _ or d'après la science officielle l'information ne peut être que matérielle ; elle ne peut exister sans le support de la matière/énergie : l'information circule sous forme d'onde électromagnétique par exemple ou sous forme d'entités justement matérielles. De toute manière l'information ne saurait être qu'extérieure à la conscience.
À ce propos Stephen Hawking, quand il a constaté l'évaporation des trous noirs, a craint que toute la matière absorbée par ceux-ci soit définitivement perdue ce qui aurait voulu dire que toute information présente dans l'univers finisse par disparaître ce qui aurait signifié que le passé lui-même aurait perdu toute consistance, toute réalité. D'autres astro-physiciens ont suggéré qu'en fait de l'information pourrait s'échapper au moment de l'absorption d'un corps physique par un trou noir ce qui rendrait moins deséspèrante l'hypothèse de Stephen Hawking...
Mais l'hypothèse selon laquelle l'information ne saurait être que matière/énergie est-elle vraiment fondée ? Pas si l'on considère que certaines perceptions pourraient être extra-sensorielle, ce que la science a prouvé. Donc l'information pourrait circuler en dehors de la matière. Bien entendu pour étayer cette hypothèse je pourrais par ailleurs invoquer la non-localité quantique mais comme je suis très ignorant je préfère ne pas m'aventurer sur ce terrain là ; je préfère ne me baser que sur des données empiriques. Et mon expérience personnelle. Et cette hypothèse de la non matérialité de l'information est signifiée par mon nouveau symbole : cette nouvelle forme de swastika n'enferme pas d'espace donc pas de matière mais cependant la signification, la forme, du swastika reste puissamment suggérée. Il n'y a plus que l'IDEE du swastika.
On pourrait observer aussi que l'information n'a d'autre raison d'être que d'être perçue par la Conscience, par l'Esprit, et si l'information est matière on peut alors dire que la matière/énergie n'est rien sans l'Esprit/Conscience : donc matière/énergie et Esprit/Conscience ne font qu'un. C'est avec étonnement que je constate que cet ultime argument matérialiste, celui de la matière en tant qu'information, se retourne en fait contre lui.
Voilà c'est terminé se dit François Lesneven. Il relut encore une fois son texte et il se leva, s'habilla puis il sortit dans la rue. Descendu au bas de chez-lui il commença à traverser la rue mais il ne prit pas garde à la voiture qui arrivait à sa gauche. Il fut fauché et c'est ainsi qu'il perdit la vie.
Voilà un bien piètre roman qui commence par la mort de son personnage principal ; que va faire le narrateur pour se tirer de ce mauvais pas ?
Mais d'abord qui était ce fameux François Lesneven découvreur de ce nouveau symbole et dont il venait de rédiger l'explication ? François vivait seul et n'avait pas d'amis et n'avait plus de famille également, à sa mort, après son enterrement, son propriétaire récupéra son logement et comme personne n'était en mesure de réclamer les maigres biens du défunt tout alla à la benne et c'est ainsi que le monde entier ne connu jamais l'extraordinaire découverte de François Lesneven.
Voilà tout est fini et il n'y a plus qu'à mettre le mot fin au bas de ce très court roman qui ne fait guère plus de 14 pages, à peine une nouvelle.
Si l'action c'était passé 50 ans auparavant, soit en 1969, il en eut été ainsi : François eut écrit son texte au stylo à bille sur un cahier d'écolier ou, s'il eut été mieux équipé, sur une vielle machine à écrire toute rouillée mais au final tout se serait passé ainsi et on en parlerait plus. Mais on était à la fin de l'année 2019 et en ce temps là on se devait d'écrire sur ordinateur portable. L'ordinateur de François était un vieux modèle à bout de course qui ne suscitait pas beaucoup de convoitise et même dans une benne personne ne songea à le récupérer d'autant plus qu'il aurait fallu casser le code d'accès, le genre de matériel qui va direct au recyclage...
Mais c'était sans compter sur la perfidie d'un hackeur qui avait infiltré ledit ordinateur avec un logiciel espion. Le pauvre François s'il l'avait su s'en serait moqué comme d'une guigne lui qui n'était qu'une boule de désespoir confronté qu'il était à la malignité du monde dans lequel il vivait, à son indifférence surtout. Ainsi le hackeur récupéra le texte de François Lesneven, il le lut mais n'y comprit rien car pour habile qu'il était à casser les barrières de protection informatique ce n'était en fait qu'un imbécile et se retrouva avec cette géniale découverte comme une poule qui a trouvé un couteau et ne sut qu'en faire.
Cependant ce minable personnage que nous appellerons Kevin avait une petite amie étudiante en mathématique supérieure qui se demandait ce qu'elle faisait avec pareil blaireau. Elle ne supportait plus sa vie auprès de ce médiocre avec lequel il n'était pas possible d'avoir la moindre conversation intéressante, ce type dont les seules occupations étaient de passer des heures devant ses écrans et de se bourrer la gueule avec d'autres larves de son espèce. Les amis et la famille de la jeune Mélanie s'étonnaient et se désespéraient qu'une jeune fille aussi brillante qu'elle perdît son temps avec ce dégénéré. Mélanie finit par comprendre un jour le langage de la raison d'autant plus que les feux de la passion s'étaient éteints depuis un petit moment. Non, rassure toi lecteur tu n'est pas en train de lire un roman de la collection Harlequin. Aussi décida-t-elle de rompre. Elle se rendit un soir au studio du jeune Kevin. Après avoir échangé quelques propos sans importance Mélanie prit une grande inspiration quand son attention fut attirée par cette étrange image qui figurait sur l'écran de l'ordinateur de celui dont elle était sur le point d'annoncer la disgrâce :
" Qu'est-ce que c'est ? " Demanda-elle, passablement intriguée. " Oh, c'est ce que j'ai piqué sur l'ordinateur d'un clampin... " Mélanie réprima une moue de dégoût ; elle avait beau être habituée à la malhonnêteté de celui qui se prétendait encore pour un très court temps son petit ami elle ne pouvait s'empêcher de penser que décidément elle était tombé bien bas en fréquentant ce freluquet. Elle se pencha sur l'écran et fit défiler le texte et les image et demanda toute rêveuse : " Tu pourrais me refiler ce fichier ?
_ Bien sûr, pour ce que je peux en faire... " En un tour de main le hackeur fit le nécessaire pour que la jeune mathématicienne se retrouve en possesion de ce texte si précieux. Puis quand ce fut fini il fallut bien accomplir ce qu'elle avait résolu. Cela se passa très mal : sous les coups...
Comme des millions de femmes avant elle Mélanie succomba à la violence de celui qui se prétendait son amoureux. Les voisins appelèrent la police qui constata le meurtre et Kevin fut arrêté et par la suite ce qu'il lui arriva nous importe peu car le plus important était la perte de Mélanie qui à l'instar d'Evariste Galois était promise à de brillantes découvertes en mathématique et c'est ce qu'elle avait en commun avec François Lesneven : le génie. En peu de temps le monde perdit deux génies : François, victime de l'indifférence et Mélanie victime, elle, de la médiocrité.
Patatras ! On est bien avancé ! Voilà une jeune fille qui aurait pu faire quelque chose avec la géniale découverte de Lesneven et qui passe de vie à trépas avant d'avoir fait quoique ce soit !
Mais la police fit son travail et mena l'enquête : elle saisit les ordinateurs et le smartphone du meurtrier et s'enquit de ce qui se trouvait à l'intérieur. Là, Darius, un jeune lieutenant de police, découvrit le texte de François Lesneven. Darius Chamechaude se trouva fort intrigué à son tour par ce fichier pour le moins inhabituel. Il fit part à son supérieur, le commandant Lesueur, du fait qu'il pourrait il y avoir là une affaire extraordinaire mettant en jeu des puissances occultes.
" Ma parole, Chamechaude, t'as trop regardé X-FILES ! " S'esclaffa l'officier de police, " Bien, on en restera là : violence conjugale banale ; nous avons le coupable et il n'y a aucun mystère à cette affaire. " Bien entendu c'est Lesueur qui avait raison mais son subordonné ne voulut pas l'entendre ainsi et il résolut d'enquêter dans l'ombre à l'insu de sa hiérarchie. Ainsi le jeune flic se lança dans une longue enquête qui l'amena à fréquenter et même infiltrer des milieux occultes et ésotériques. Il fallut bien qu'il révèle à tout les gens qu'il rencontra durant son enquête la découverte de Lesneven. Etonnamment bien peu furent intéressés. Pourquoi ? La routine, les idées préconçues, le catéchisme ésotérique habituel auquel il ne saurait-être question de dévier, la dissonnance cognitive, peut-être, quoique cela soit déjà moins convaincant... Allez savoir...
Lesueur soupçonnait déjà quelque chose sur les agissements cachés de son jeune subordonné mais quand la vérité lui fut révélé il entra dans une colère noire ; il alla jusqu'à menacer Darius de révocation. Le jeune flic se trouva muté dans une lointaine province.
Darius se mordit les doigts : dans quelle galère s'était-il embarqué avec ce maudit symbole ! Il ne comprenait pas ce qu'il lui avait pris de s'intéresser à cette affaire mais c'était plus fort que lui ; il pressentait malgrés tout qu'il y avait là quelque chose d'extraordinaire mettant en jeu le destin de l'humanité.
Alors dans son coin perdu de la Lozère Darius Chamechaude a continué sa quête fiévreuse quand le destin finit par lui sourire. Il fit une rencontre décisive. Durant plus d'une année il avait négligé une piste essentielle qui pourtant allait de soi : la victime. Il avait été obnubilé par Kevin sans se rendre compte que ce godelureau présentait bien peu d'intérêt et que si le symbole s'était retrouvé entre ses sales pattes c'était d'une manière fortuite et que cela n'avait rien à voir avec la prétendue personnalité du hackeur. Heureusement pour l'enquête que continuait à poursuivre, en sous-main, le jeune flic un proche de Mélanie qui avait hérité de l'ordinateur de l'étudiante finit par découvrir le fichier de François Lesneven. Il s'agissait de son jeune frère Pascal. Durant une longue période de deuil personne dans la famille de la jeune fille n'avait eu l'idée de mettre le nez dans ses affaires et ses notes mais l'adolescent, alors âgé de 18 ans, avait fini par consulter l'ordinateur. Pascal quoique étant un peu moins doué que Mélanie se destinait à devenir physicien aussi fut-il grandement surpris quand il découvrit le fameux texte. À l'instar de sa soeur il comprit immédiatement l'importance de cette découverte. Cependant il s'aperçut très vite que l'auteur du texte était un certain François Lesneven et il se demanda quel rapport avait eu ce dernier avec Mélanie. Mais il tomba rapidement dans une impasse car Lesneven était totalement absent d'internet et si Pascal avait un peu mieux connu la personnalité du génie il aurait su à quel point ce dernier était allergique aux réseaux sociaux et tout ce qui touche internet en général et que s'il avait fini par être piraté c'est parce qu'un ordinateur ne peut de nos jour fonctionner sans être connecté à la toile. En désespoir de cause le jeune homme se rapprocha de la police et de ceux qui avait mené l'enquête et il fut dirigé vers le commandant Lesueur et put obtenir une entrevue avec lui. Pascal lui fit part de ce qu'il avait repêché dans l'ordinateur de sa soeur. Lesueur le regarda d'un drôle d'air et finit par déclarer. " Monsieur Schenal, je ne peux rien pour vous ; pour la justice votre soeur a été victime de violences conjugales ; nous traitons des centaines de cas de ce genre par an ; pour nous l'affaire est résolue et il n'y a pas lieu de la poursuivre et le fait que vous nous présentiez ce fichier que vous avez trouvé dans l'ordinateur de Mlle Schenal n'a rien d'étonnant puisqu'il se trouvait également sur celui du meurtrier. La présence de ce document est purement fortuite étant donné que Kevin Martin était un hackeur et pillait toutes sortes de données qui auraient pu éventuellement lui servir. Vous perdez votre temps en voulant établir un lien entre l'auteur de ce texte, ce certain Mr Lesneven, et votre soeur. Cependant... " Pascal sentit que l'officier de police était sur le point de lui révéler à contre-coeur une information capitale mais qu'en faisant ceci il outrepasserait sa fonction. Le jeune homme demanda d'un ton suppliant : " Vous savez quelque chose Commandant ? " Lesueur le regarda, hésitant... Puis il lâcha tout à trac en soupirant : " Nous avons eu un collaborateur qui s'est intéressé à cette afffaire de symbole mais il ne fait plus partie de notre commissariat.
_ Comment puis-je entrer en contact avec lui ?
_ Ce n'est pas très régulier, mais tant pis... Il s'agit de Darius Chamechaude, il a été muté à Mende.
_ Merci Commandant. " Pascal quitta le commissariat et se mit en devoir d'entrer en contact avec le lieutenant Chamechaude. Il finit par le joindre au téléphone : " Lieutenant Chamechaude ?
_ Oui, c'est lui même, que puis-je pour vous ?
_ Je suis Pascal Schenal le frère de Mélanie Schenal. " Darius se trouva grandement étonné aprés tant de mois qu'un proche de la malheureuse victime se manifestât. Pascal poursuivit : " Je vous appelle à propos d'un fichier que j'ai trouvé sur l'ordinateur de ma soeur, émanant d'un certain Lesneven, le commandant Lesueur m'a dit que vous vous étiez intéressé à ce fait particulier. " La surprise du lieutenant redoubla et il garda le silence pendant quelques instants puis finit par demander : " Avez-vous quelque chose de nouveau à communiquer ?
_ Non, je vous appelais justement pour savoir si vous en saviez plus que moi. " Le policier soupira et se mis à relater les résultats de son enquête occulte ; il finit par conclure qu'il ne savait rien de plus...
" Mais qui était ce François Lesneven ?
_ Une sorte de marginal coupé du monde qui vivait de petits boulots. " Le silence retomba ; Pascal comprit qu'il n'était pas plus avancé et Darius que cet appel avait été un faux espoir et qu'en tout cas il ne ferait pas avancer son enquête. " Au revoir Lieutenant. " finit par dire Pascal puis il raccrocha.
Par une curieuse coïncidence juste après cet appel Darius reçu un coup de téléphone de son ancien supérieur : " Alors Chamechaude, t'as reçu un appel de ce Pascal Schenal ? J'espère que tu ne continues pas tes conneries ; tu vas finir par te faire virer de la police.
_ Fais pas chier Lesueur, tu n'es plus mon supérieur : de quel droit tu viens m'emmerder ? Oui, Pascal Schenal vient de m'appeler, il m'a rien dit de nouveau ; il n'est plus question d'enquête puisque ça ne mène à rien et d'abord pourquoi tu m'appelles, qu'est-ce que ça peut te foutre ce cold case ?
_ Holà ! Darius ! Tout doux mon bon ami... " Lesueur qui était un grand amateur de la série télé Nicolas Le Floc'h aimait bien se prendre pour Mr de Sartine. Puis il reprit plus sérieusement : " Je m'inquiétais pour toi ; ce Schenal est entré en contact avec moi hier et je lui ai donné ton nom. Je voulais savoir ce qu'il en était ; si tu n'allais pas recommencer à déraper. Je suis obligé de te surveiller comme le lait sur le feu ; je fais ça pour ton bien.
_ Je te remercie pour ta sollicitude. Pascal Schenal vient à peine de raccrocher que je t'ai dèjà sur le dos ; je ne crois pas aux coïncidences. Est-ce que tu ne me ferais pas surveiller par hasard ? Tes inquiétudes de mère juive iraient-elles jusqu'à me faire espionner ?
_ Oh ! Tout de suite les grands mots. Mais pour qui tu te prends, Darius Chamechaude ! On travaille pour la PJ pas pour les services secrets de la république. Sur ce je te laisse ; j'ai quand même des choses plus importantes à m'occuper. " Puis il raccrocha. Darius resta de longues minutes songeur. Il connaissait que trop bien son ancien supérieur et ne se fiait nullement à ses faux airs d'amitié ; après tout c'est à lui qu'il devait sa mutation dans ce trou perdu et le fait d'avoir traversé en dehors des clous ne la justifiait en rien car bon nombre de ses collègues avaient fait pire et avaient continué leur avancement comme si de rien n'était. Décidément il avait dû mal digérer cette injustice...
Tout à son amère rêverie il remarqua sur le bureau voisin, d'une de ses collègues, la couverture d'un livre de poche, un best seller qui datait déjà... Il se rapprocha et lut le titre sur la couverture : Le Symbole Perdu de Dan Brown. Sylviane, sa collègue, arriva de la machine à café et tout en sirotant son café elle lui demanda : " Tu sembles intéressé, je te le prête si tu veux.
_Oh, moi tu sais les romans de gare...
_ Voilà bien un de ces putains d'intellectuels parisiens à l'accent pointu que se croit issu de la cuisse de Jupiter et croit tout savoir !
_ Te vexe pas... " Darius se mordit les lèvres ; Sylviane était loin d'être une idiote inculte et superficielle : son expression issu de la cuisse de Jupiter le prouvait, il savait qu'elle possédait une maîtrise de philosophie. Il reprit, plus conciliant essayant d'effacer son impair : " De quoi ça parle ? je viens de lire la quatrième de couverture ça a l'air intéressant...
_ Pfff ! Te fatigues pas, va ! Au fond c'est toi qui a raison. Ce n'est qu'un mauvais roman policier. Déjà que Da Vinci Code ne valait rien celui ne vaut guère mieux.
_ Alors pourquoi l'avoir lu ?
_ Je m'intéresse aux symboles.
_ Ah oui ? Et bien tu serais bien étonné de savoir que je détiens dans une clè USB le symbole suprème de l'humanité mais que ça n'intéresse personne. " Sylviane se mit à rire : " Quel bouffon tu fais ! " Elle pensait qu'il la faisait marcher mais elle se rendit compte très vite que l'air sérieux de Darius ne pouvait pas faire penser à une plaisanterie.
Darius ouvrit un tiroir de son bureau ; il en sortit une clé USB qu'il tendit à la jeune femme : " Tiens, regarde par toi même. " Sylviane inséra la clé dans l'unité centrale de l'ordinateur de son propre bureau, au bout d'un moment elle mit la main sur le fichier de François Lesneven qu'elle ouvrit. Elle commença à lire et ce qu'elle découvrit suscita en elle un curieux mélange d'étonnement incrédule, de jubilation assortie d'une pointe d'effarement inexplicables. Puis au bout d'un temps très long elle leva les yeux de son écran pour considérer son collègue qui pendant ce temps là était resté debout, seulement négligemment appuyé contre un classeur les mains croisées dans le dos d'un air de s'en foutre. " Ah, ben dis donc ! D'où est-ce que ça sort, ça, de la planète Zoltan ?
_ C'était dans l'ordinateur d'un hackeur... " Darius entreprit de lui conter l'affaire par le menu y compris l'intervention étonnante de son ex-supérieur parisien ce jour-même. " Tout ceci est une usine à gaz. " Finit par lâcher Sylviane. " Pourquoi donc ? " S'étonna Darius. " Est-ce que le texte en lui-même est une usine à gaz ?
_ Non, ce n'est pas de ça qu'il s'agit ; tout semble embrouillé à plaisir et en premier lieu le but de ton enquête, après tout il y a eu flagrant délit de meurtre et le coupable était tout désigné ; à quoi bon poursuivre les investigations, c'est Lesueur qui à raison. Qu'est-ce que tu cherches à la fin ? L'auteur de ce symbole ? Tu le connais puisqu'il a signé ce texte. Des renseignement sur la personnalité de Lesneven ? Tu les as eus puisque tu as enquêté sur lui. Pascal Schenal a fait la même démarche que toi et est sans doute, à l'heure qu'il est, en proie à la même frustration et aussi la même confusion. Quelle incroyable torsion de l'esprit que de toujours vouloir chercher la petite bête, à toujours vouloir donner une explication à tout.
_ Tu oublies que Mélanie Schenal a été la première à s'intéresser à ce symbole et qu'elle était une mathématicienne pleine d'avenir, ça donne à réfléchir...
_ Et alors ? Cette rencontre entre un grand symbole de l'humanité, certe, et un génie mathématique n'est que fortuite : elle n'a pas remué ciel et terre pour le découvrir, ce me semble. Pense que si ce salaud de Kevin Martin avait massacré une simple aide-soignante ou une vendeuse tout en serait resté là. C'est certe une découverte géniale et ça mérite de l'attention mais en premier lieu celle des symbologues et des philosophes mais que très secondairement celle d'un flic. " Darius se prit à réfléchir, puis il reprit : " Si ça a si peu d'importance pourquoi on m'a sacqué de cette manière ? J'avais des tas de collègues qui étaient à moitié ripoux et à eux on a rien dit. Et pourquoi ce connard de Lesueur est venu me harceler aujourd'hui-même juste après le coup de fil de Schenal ? " Sylviane accusa le coup et se mit à son tour à réfléchir. " Tu ne vas tout de même pas verser dans le complotisme. " Finit par sortir la jeune policière. " Il y a déjà sur internet un nombre incroyable de sites qui font courir les rumeurs les plus folles en ce qui concerne justement les symboles notamment depuis la parution du bouquin de Dan Brown : le Symbole Perdu...
_ Est-ce que tu me mettrais dans le même sac que ces tarés et ces imbéciles qui croient, entre autres, que la Terre est plate ? J'ai eu à interroger l'assassin de la jeune Mélanie : Kevin Martin, ce stupide hackeur, je peux te dire que c'était bien le genre à croire à ce genre de billevesées.
_ Pourquoi avoir employé le terme assassin ; il n'y a pourtant pas eu préméditation d'après ce que tu m'en dis ?
_ Ce n'est qu'un simple mot ; assassin au lieu de meurtrier quelle importance...
_ Ah, ça change tout : du point vu juridique 30 ans de prison jusqu'à la perpétuité dans un cas, de 5 à 10 ans dans l'autre.
_ Tes arguties juridiques sont déplacées ; la non préméditation a été avérée.
_ En es-tu si sûr ?
_ Nous avons bien enquêté, mes collègues et moi, il n'y a pas eu de préméditation. Le facteur déclencheur des violences est survenu quand Mélanie a annoncé la rupture de leur relation à Kevin.
_ Dans ce cas... " Sylviane se trouva à court d'arguments mais Darius resta un petit moment songeur puis il dit mi figue mi raisin : " Il y a quand même quelque chose qui me chiffonne dans cette affaire déjà un peu ancienne : Martin a déclaré que Mélanie avant de le jeter comme un malpropre avait longuement consulté le fichier qui nous intéresse ; celui de Lesneven.
_ Mais pourquoi aussi l'écran de l'ordinateur de Kevin affichait-il ce fichier puisqu'il ne présentait aucun intérêt pour lui ? Normalement il y aurait dû il y avoir un jeu vidéo ou n'importe quel programme débile à la place. Voilà quelqu'un que l'on nous présente comme un fieffé imbécile et, cependant, on surprend à s'intéresser à quelque chose qui ecsède de beaucoup ses facultés intellectuelles. Le piratage de l'ordinateur de Lesneven est-il si fortuit que ça ?
_ Il y a un instant tu m'accusais quasiment de complotisme et là tu fait plus fort que moi : c'est l'hôpital qui se fout de la charité ! Cela ne tient pas debout.
_ Avez-vous fait une enquête de personnalité sur Kevin ? A-t-il été présenté à un psy ?
_ Bien entendu, tout cela a été fait. La conclusion a été que l'on était certainement pas en présence de Stephen Hawking.
_ Il y a des pervers, des psychopathes d'une grande intelligence qui cachent bien leur jeu. Nous avons été confrontés à ce genre de cas, ici à la brigade.
_ Sans blague ! Des Hannibal Lecter dans ce trou perdu !
_ Et voilà l'arrogance du parisien qui ressurgit. Nous aussi au village on a de beaux assassinats, George Brassens, tu connais ?
_ Je ne suis pas inculte à ce point ; et tu as raison le crime et le mal opèrent partout.
_ Je pourrais te raconter cette histoire par le menu mais le temps presse ; il ne faut pas se laisser distraire car cette affaire, celle de Kevin, pourrait-être plus importante encore que tu ne le crois. Il nous manque un élément pour faire la différence entre un fait divers sordide et peut-être ce que l'on pourrait appeler un complot, faute de mieux. Est-ce que tu n'aurais pas relevé un détail, le plus infime indice qui soit qui pourrait nous conduire vers ça. " Darius se mit à nouveau à réfléchir. Il reprit la parole : " Il y a une chose qui serait intéressante de connaître : c'est à quelle date Kevin a-t-il piraté l'ordinateur de Lesneven ? Si c'était avant que Kevin rencontre Mélanie cela voudrait dire que Martin à instrumentalisé celle qu'il présentait comme sa petite amie.
_ Oui, mais dans quel but ?
_ Pour pouvoir profiter des compétences de la grande mathématicienne qu'était Mlle Schenal car si Martin a bien caché son jeu en se faisant passer pour un imbécile il y avait peut-être des points où ses facultés cognitives avaient leurs limites.
_ J'ai lu l'explication du symbole de Lesneven je ne crois pas qu'il y ait besoin du QI d'Einstein pour le comprendre, c'est à la porté de tout un chacun pourvu que l'on y mette un peu de bonne volonté.
_ Dans ce cas ; patatras ! On revient à la case départ avec ce hackeur minable à l'intelligence à peine moyenne mais cependant suffisante pour saisir l'explication de Lesneven.
_ Il y a des choses que l'on peut comprendre avec l'intellect d'autres avec le coeur : tel est le cas de ce nouveau symbole. Par coeur j'entends intuition, vision, vision notamment de l'avenir.
_ Crois-tu que Martin ait été dans ce cas ?
_ Je ne sais pas ; je ne l'ai pas interrogé et je ne peux pas me faire une opinion par oui-dire ou en lisant simplement des PV d'auditions. Une confrontation serait nécessaire. Pour l'instant on pourrait peut-être examiner la date du piratage ; est-ce possible ?
_ Le fichier ne comporte que la date de sa création ; pour avoir la date de son piratage il faudrait examiner l'ordinateur de Kevin Martin mais celui-ci est sous scellés à Paris. Il faudrait réouvrir l'enquête mais en l'absence d'un élément véritable et nouveau...
_ Mais aussi pourquoi Mélanie et Kevin se sont-il rencontrés ; comment un couple si mal assorti a-t-il put être possible ?
_ Ce ne sont pas les exemples qui manquent...
_ C'est vrai ; on tourne en rond... " La conversation était sur le point de se tarir quand le téléphone personnel de Darius sonna. C'était à nouveau Lesueur : " Je suis révoqué ! À cause de toi. " Quel coup de théatre ! Darius n'en croyait pas ses oreilles. Lesueur poursuivit : " C'est toi qui avait raison ! Il fallait enquêter sur ce Lesneven ; ce symbole ce n'était qu'une couverture ; on a fini par récupérer l'ordinateur de Lesneven et ô surprise ! On s'est aperçu qu'il avait fomenté l'attentat terroriste de 2015 et aussi celui du début de l'année qui a fait mille morts ; si tu avais continué d'investiguer on aurait pu éviter tout ce carnage ! On me vire car en te sacquant on me soupçonne très fortement d'avoir été le complice de Lesneven.
_ Pourquoi tu m'as sacqué, demanda Darius héberlué ?
_ Car j'avais peur que tu finisses par prendre ma place.
_ Comment ça, c'est absurde : je ne fais de l'ombre à personne !
_ Quelqu'un te protège et te favorise et tu ne le sais même pas !
_ Qui ça?
_ Je ne peux pas te le dire, j'ai perdu mon boulot je ne veux pas en plus perdre la vie !
_ Pourquoi tu me racontes tout ça ; généralement quand on se fait virer on ne va pas le raconter à celui que l'on considère comme son adversaire ; c'est du masochisme !
_ Mais parce qu'on m'oblige à le faire !
_ Mais pourquoi donc ?
_ Parce qu'il est temps que tu saches la vérité et que je suis le seul à la connaître ; il n'y a que par moi que tu pouvais la connaître. " Et là Lesueur raccrocha brusquement. Darius relata la conversation à Sylviane. Celle-ci fit cette réflexion : " Mais si Kevin avait piraté l'ordinateur de Lesneven il avait forcément eu toutes les informations ayant traits aux attentats. Comment ce fait-il que vous n'ayez rien détecté ? Qui s'est occupé des ordinateurs et des appareils de Kevin ?
_ Ben, Lesueur lui-même : c'est lui qui a ouvert l'ordinateur et qui m'a refilé le fichier !
_ Mais alors, Lesueur savait ! Si les autorités étaient au courant c'est pas une révocation qu'il mériterait mais une mise en examen pour non divulgation d'attentat, de menace d'attentat et même de complicité ! " Un silence stupéfait retomba ; les deux policiers restèrent un moment sans réagir puis Darius recommença à parler : " Il y a quelque chose qui déconne dans cette affaire : il faut que j'en ai le coeur net ; je vais rappeler Lesueur. " Aussitôt dit aussitôt fait : " Allo, Lesueur ? Oui, c'est moi Chamechaude.
_ Qu'est-ce que tu me veux Chamechaude pourquoi tu m'appelles ?
_ Eh bien, c'est par rapport à la nouvelle que tu m'as annoncé ce matin : ta révocation. " Un silence, puis Lesueur éructa : " Tu te fous de ma gueule, Chamechaude ! T'es bourré ou quoi !? Je vais te coller un rapport au fesses moi ! On parlait déjà de te virer il y a un an et tu ferais bien de te méfier avec tes conneries !
_ Quoi ! Mais c'est pourtant bien toi que j'ai eu au téléphone il y a cinq minutes...
_ Mais, ducon, je suis en audition là et tu crois que je me serais permis la fantaisie de t'appeler pour te faire une blague aussi stupide ! T'as perdu la tête ma parole ! " Et il raccrocha rageusement. Darius raconta, ébahi, à sa collègue ce qui venait de se passer. Sylviane se mit à rire : " C'était un canular ! On t'a fait une blague.
_ Pourtant c'était bien la voix de Lesueur que j'avais au bout du fil ; si canular il y a je suis tombé sur un sacré imitateur digne des plus grandes scènes de music-hall : parmis mes anciens collègues personne n'avait ce don et franchement on avait d'autres amusements et puis ce farceur aurait été sacrément au courant de l'affaire qui nous occupe.
_ Mais pas du tout cette histoire de terrorisme : ça n'a rien à voir avec les hypothèses que nous avions émises ; c'est quelque chose de tout à fait fantaisiste...
_ Oui, mais avoue que le coup de fil de Lesueur est arrivé fort à propos. On dirait que nous sommes écoutés et que quelqu'un intervient, d'une façon brindezingue certe, dans notre conversation de manière à mettre son grain de sel dans l'affaire.
_ Mais bon sang qui a pu te faire cette blague ? " Soudain Darius fut pris d'une soudaine inspiration : " Mais oui ! C'est bien Lesueur lui-même l'auteur du canular ; je le crois suffisamment retors pour avoir fait le coup de manière à nous embrouiller. Ah, il m'a dit en rigolant qu'il ne travaillait pas pour les services secrets mais je me demande s'il blaguait vraiment... " Tout à coup Sylviane mit son index sur ses lèvres pour indiquer à son collègue de se taire et elle promena son regard par toute la pièce. Darius se saisit d'un bloc et griffonna à la hâte : " Ma pauvre, s'il y a des micros tu penses bien qu'il y a aussi des caméras. " Sylviane écrivit au dessous: " Sortons. "
Ils se retrouvèrent sur le parking du commissariat. " Eloignons-nous encore. " dit-elle. Et ils marchèrent jusqu'au jardin publique voisin. Là, ils s'assirent sur un banc et c'est Darius qui le premier rompit le silence : " Tu ne crois pas que tu pousses la paranoïa un peu loin ? Un petit commissariat de province n'est tout de même pas un nid d'espion !
_ Pourquoi Lesueur ne te considérerait-il pas comme une personne à risque ou susceptible de révéler de nouvelles informations ?
_ Peut-être... Mais il y a quelque chose qui me chiffonne dans toute cette histoire : ce matin après la conversation que j'ai eu avec Pascal Schenal Lesueur m'a appelé presque dans la minute qui suit pour aller à la pêche aux infos or s'il y avait eu écoute téléphonique il aurait été au courant ; d'autant plus qu'il aurait su que mon enquête s'enlisait ce qui l'aurait rassuré et dans ce cas son intervention aurait été inutile.
_ Moi, je n'y vois qu'une manifestation d'anxiété : Lesueur a les jetons, on ne sait pas encore pourquoi mais il a les choquottes, le con ! Quand tu dis que ça l'a rassuré de s'apercevoir que tu n'en savais pas plus lui je crois qu'il s'agit de tout le contraire ! Mais il me revient quelque chose en tête : les ordinateurs et les appareils de Kevin Martin est-ce que tu les as eu réellement en main : tu me dis que c'est Lesueur qui s'en est occupé ?
_ Oui, il m'a transmis le fichier de Lesneven par courriel et en fait tout ce matos je ne l'ai jamais vu pour dire le vrai.
_ Ahah ! Voilà qui change tout ! D'autant plus que d'après ce que tu me dis ce bonhomme semble très peu fiable... D'où provenait vraiment ce texte ? Et puis est-ce que tu es vraiment allé sur la scène du crime ?
_ Non, pas vraiment, je faisais surtout un travail de bureau...
_ Tu fais un drôle de flic, toi ! Tu n'allais donc jamais sur le terrain ?
_ Ben non : Lesueur avait pris l'habitude de diviser les tâches ; pendant que certains étaient sur le terrain d'autres restaient au commissariat pour traiter les données.
_ Donc, si je comprends bien, ce Lesueur aurait tout aussi bien pu organiser une fiction autour de ce Lesneven, il vous a peut-être complètement intoxiqué tes collègues et toi. Est-ce que François Lesneven a jamais existé ? Dans les affaires d'espionnage des bonhomme qui n'ont jamais exités et dont les existences ont été montées de toutes pièces ça s'est déjà vu...
_ Ah si, François Lesneven a bien existé : on a retrouvé son ancienne adresse, été sur sa tombe ; oui, tout concorde et pour une fois je suis allé sur le terrain et j'ai fait toute les constations d'usage.
_ Mais qui c'était au fond ce Lesneven ?
_ Un pauvre mec vivant d'expédients, de petits boulots, habitant une misérable piaule, pas de famille, pas d'amis.
_ Est-ce que tu as rencontré des gens qui l'ont réellement vu : des voisins, des employeurs ; s'il y avait petits boulots il y avait forcément employeurs ?
_ Ben, non, pas vraiement...
_ T'as mal fait ton boulot ! Lesueur a bien fait de te sacquer ça c'est jamais vu pareille incompétence. " Le visage du jeune flic s'empourpra de colère : " Et moi je te dis qu'on a trouvé personne ; j'étais pas tout seul, cette enquête on ne l'a pas passé au bistro à vider des chopines ; aussi incroyable que ça puisse paraître il n'y avait persooonne !
_ Te fâches : pas je te taquinais. Mais, bon sang, comment ça se fait ? On ne disparait pas comme ça sans laisser une trace dans la mémoire des vivants ; chez le marchand de journaux, la boulangère, le balayeur du quartier...
_ Pourtant, contrairement à tes soupçons de négligences de la part de mon ancienne équipe, tout ce travail a été fait car face à ce désert relationnel il fallait bien coûte que coûte trouver des témoins d'existence.
_ Mais s'il a été renversé par une bagnole il y a bien fallu que des gens le ramasse, les pompiers, les urgentistes, le personnel de la morgue, celui des pompes funèbres et puis il y a bien fallu que sa mort soit déclarée à l'état civil ; toutes choses qui permettent qu'une existence ne soit pas qu'une simple fiction.
_ Tout ça a été vérifié : on dénote bien des traces écrites sur des registres, des comptes rendus, mais les témoignages humains se sont révélés vagues et insignifiants : quand le personnel qui gravite autour des accidents et de la mort traite chaque jour des dizaines de cas il lui est difficile de se souvenir de cas particuliers.
_ Oh, ça j'y crois pas : j'ai assez d'expérience professionnelle pour savoir qu'il n'en est rien. On arrive toujours à tirer des renseignements même auprès de personnels surmenés : ce n'est pas un argument valable.
_ Et pourtant c'est bien ce qui s'est passé : l'image de ce type est tombée pile poil sur la tache aveugle de l'oeil de toute une société. " La conversation retomba.
Quand un petit bonhomme courtaud, sanguin, vêtu d'un costume trois pièces défraîchi, s'avança vers eux à petits pas pressés et furibards. " Dites donc vous autres, ça vous gène pas trop de vous prélasser au soleil alors que vous devriez vous trouver à vos postes ! " Les apostropha-t-il passablement courroucé ; c'était le commissaire Meurtaud venu rassembler son troupeau. " Patron, vous devriez faire le ménage dans vos locaux ; ils sont infestés de mouches. " Répliqua Sylviane qui n'avait pas sa langue dans sa poche. Le commissaire eut un petit sourire géné mais il se reprit bien vite et poursuivit son engueulade : " Qu'est-ce que c'est encore que ces salades !?
_ On n'a pas trouvé d'autres zones de confidentialité que le square. Nous n'avons pas envie que ce que nous disons sur une certaine enquête se retrouve entre les mains d'un certain service à Paris...
_ Je ne comprends pas un traître mot de ce que vous dites et puis d'abord quelle enquête ? C'est quoi cette enquête ? " Darius déballa toute l'affaire à son supérieur. Celui-ci prit la parole d'un air sévère : " Ne perdez pas votre temps sur une affaire classée ; il y a quand même plus urgent à faire : tout ces cambriolages à élucider ; j'ai le maire sur le dos ; on approche des municipales et il aimerait bien avoir des résultats ; allez au boulot. " Les deux jeunes policiers réintégrèrent le commissariat et reprirent leur tâche de routine. Bien entendu ils ne purent plus s'entretenir sur l'affaire Lesneven.
Puis comme Darius avait des congés à prendre il en profita pour rendre visite à sa famille restée dans la région parisienne.
Il arriva qu'à un moment donné il se trouva dans la rue que François Lesneven avait habitée, il passa fortuitement devant l'immeuble qui avait hébergé le génie et la vue des lieux lui fit le coup du souviens-toi. La porte d'entrée de cet immeuble crasseux était ouverte, sans doute cassée. Ce sera bientôt un squat, se dit-il, c'est encore plus déglingué que la dernière fois où je suis venu. Il grimpa jusqu'au dernier étage par l'escalier sombre et gluant de détritus. Il arriva sur le palier et se retrouva devant la porte de l'ancien logement de Lesneven. La porte voisine s'entrouvit sur une vielle femme que Darius n'avait jamais rencontré lors de sa précédente investigation. Il demanda d'un ton doux pour ne pas effrayer la personne âgée : " Cet appartement est-il habité ?
_ Oh, non Monsieur, ça fait beaucoup plus d'un an qu'il est vide : même les... ne veulent pas habiter ce trou à rats. " La méfiance avait suspendu le mot qu'elle avait été sur le point de prononcer. Ah tiens ! même les vieux se mettent au politiquement correct, se dit Darius, il questionna à nouveau : " Vous avez connu l'ancien locataire Mr Lesneven ?
_ Qui ça ?
_ Lesneven, l, e, s, n, e, v, e, n.
_ Ah non, ça ne me dit rien du tout.
_ Vraiment, il s'est pourtant fait écraser en bas de chez-vous vous devriez vous en souvenir. Je suis le lieutenant Chamechaude de la police judiciaire, j'ai déjà enquêté sur cette affaire.
_ Allez vous en, Monsieur, ou j'appelle la police.
_ Mais je suis la police. " Darius avait sorti sa carte d'officier de police mais déjà la vielle femme avait refermé la porte. Le jeune flic se dit que carte ou pas si ses anciens collègues le trouvaient ici ça ne risquerait pas de se passer tout seul... Darius avait sans doute trop lu les aventures du commissaire San-Antonio et il avait subi la mauvaise influence de ce genre de lecture. Oh tant pis, se dit-il, au point où j'en suis et même si la vielle appelle la police tentons le coup pour le coup maintenant que je suis là. Il avait toujours sur lui un vague bout de fil de fer et il se mit à appliquer les méthodes du célébre héros tant chanté par Frédéric Dard. Il ouvrit la porte en un tour de main s'étonnant de la facilité avec lequel il l'avait fait étant donné que s'était la première fois qu'il accomplissait ce boulot dévolu normalement aux cambrioleurs. Il entra dans la pièce unique du logement ayant soin de refermer la porte derrière lui. Des murs lèpreux d'une couleur indéfinissable, la piaule était vide de tout meuble, une épaisse couche de poussière tapissait le plancher que l'on devinait vermoulu. Il s'avança dans le misérable logis éclairé seulement par une tabatière aux vitres crasseuses. Darius se demanda quelle drôle d'idée il avait eu en prenant tant de risque alors que visiblement il ne pourrait rien trouver ici. Mais la chance lui sourit : il remarqua que le papier peint était légèrement décollé à un endroit en haut d'un mur, il s'approcha et arracha le papier peint, il découvrit une toute petite niche et à l'intérieur de ce renfoncement un bout de papier plié en quatre. Il prit le papier et se dit qu'il était temps de s'en aller. Il sortit le plus silencieusement possible, referma la porte et dévala à toute vitesse les escaliers. Bien lui en prit car une fois sur le trottoir il vit au loin une voiture de police et il s'éloigna à la hâte mais finit par se planquer dans une porte cochère ce qui lui permit de voir la voiture s'arrêter et en sortir outre d'anciens collègues le commandant Lesueur en personne. Bigre, qu'est-ce qu'il vient faire là, celui-là ? La vielle a sans doute donné l'alerte mais Lesueur lui-même qui vient pour ce qui pourrait passer pour une simple tentative de prise de squat, quel honneur ! Bizarre, bizarre... Le groupe entra dans l'immeuble et Darius s'éclipsa. Une fois rentré chez ses parents qui l'hébergeaient pour ses courtes vacances Darius s'isola et déplia le papier et lut ce qu'il y avait écrit dessus. C'était une écriture manuscrite saccadée difficile à déchifrer et voici la teneur du message : " Je soussigné, François Lesneven, affirme bel et bien exister. Ce n'est pas parce que personne ne fait attention à moi depuis que je suis au monde, soit tout de même soixante-cinq ans, que je n'existe pas. J'ai créé un grand symbole de l'humanité et pour l'humanité mais tout le monde s'en fout. Je jette ma malédiction sur tout les crétins à qui j'ai écrit, ils sont nombreux, et qui ne m'ont jamais répondu à part cet imbécile de Jean S. qui a affirmé, sans raison, que mon symbole était un truc idiot ce qu'il n'a jamais prouvé.
Considérez ceci comme mon testament. " Une signature illisible suivait.
Darius en eut le souffle coupé. Il se dit que l'accident qui avait fauché François était peut-être après tout un suicide mais cela c'était trop tard pour le prouver et au fond qu'est-ce que ça changeait : un accident causé par un moment d'inattention dû au désespoir et au mal vivre ou un suicide délibéré ; quelle différence ? Il relut la feuille et s'arrêta sur ce nom Jean S. ; ça lui disait quelque chose... Il se mit à fouiller la bibliothèque de son père et finit par dénicher un bouquin dont l'auteur était ce Jean S. : Nos existences ont-elle un sens ? il demanda à son père : " Papa, tu l'as lu ce bouquin ?
_ Oui évidemment, une excellent livre sur la réfutation du matérialisme, par contre son autre livre : Les clés de l'avenir ça vaut pas un coup de cidre, en plus il a trouvé moyen de se faire préfacer par ce ringard arriviste de Jacques A. ; Jean S. c'est Docteur Jekyl et Mister Hyde. Je ne comprends pas ce qu'il lui a prit de devenir un chien de garde du libéralisme, il est sans doute allé à la soupe : après tout il faut bien vivre même au prix d'une contradiction et d'un reniement inacceptable... " Maurice Chamechaude se lança dans une longue diatribe sur le système capitaliste puis il demanda à son fils : " Mais depuis quand tu t'intéresses aux écrivains du nouveau paradigme ?
_ À cause de ça : " Darius sortit sa clé USB et l'inséra dans l'ordinateur de la maison et ouvrit le fichier de François Lesneven et le proposa à la lecture de son père.
Après avoir lu ce document le fringant sexagénaire émit un long sifflement : " Eh bé, d'où ça sort ça, de la planète Mars ? " Darius lui conta l'affaire par le menu n'omettant pas de lui montrer le testament secret de François Lesneven. " Houlala ! mon fils, tu vas t'attirer des ennuis ; ta mutation dans ce bled loin de chez nous ne t'as donc pas suffit ? Il faut que tu en rajoutes !
_ Arrête de te faire du soucis, Papa, il faut bien que je répare cette injustice ; c'est une question de conscience. " Il échangea encore quelques propos sur l'affaire avec son père puis alla se coucher. Mais il fut long à s'endormir. Que faire maintenant ? Se dit-il ; il avait attrapé un fil de l'écheveau mais il craignait que ça ne le mène pas loin. Contacter ce S. ? Mais de quelle manière et sous quel prétexte ? Il se souvint qu'il avait gardé parmis ses anciens collègues parisiens un ami. Oh, certe pas un grand ami mais quelqu'un à qui il pouvait faire confiance. Oui, il irait voir dés demain Patrick Leconte chez lui.
Le lendemain Darius sonna à la porte de Patrick. Les retrouvailles furent plus chaleureuses qu'il ne l'aurait imaginé. Après quelques échanges sur des sujets ordinaires Patrick fit cette manifestation d'amitié pour le moins inattendue à Darius : " Tu sais, nous te regrettons beaucoup à la brigade surtout depuis que ce connard de Lesueur t'a mis au placard alors que tu étais promis à un brillant avenir au sein de la police ; tu valais mieux que d'être la plupart du temps enfermé dans un bureau ; tu aurais dû faire du terrain, Lesueur voyait d'un très mauvais oeil qu'un cador comme toi finisse par lui faire de l'ombre ; cette affaire Lesneven n'a été qu'un prétexte pour te faire disparaître. Les collègues et moi, on a été révoltés par cette injustice. " Darius s'étonna : " Tu te souviens encore de l'affaire Lesneven ?
_ Oui, bien sûr, c'est resté dans toutes les mémoires ; cette histoire de symbole est demeurée une énigme au sein du service...
_ Justement, je suis venu te voir pour ça ; ne le dis à personne mais je continue à enquêter en sous-main sur cette affaire... " Darius conta par le menu les avancées de son investigation en n'omettant pas de citer le nom de Jean S. " Jean S., Jean S., " Intervint Patrick : " Mais j'ai l'impression que ce bonhomme est mélé à une affaire de pédophilie, il faut que j'en ai le coeur net. " Patrick se mit à pianoter sur l'écran de son ordinateur et au bout d'un moment il s'exclama : " Bingo ! je savais bien que ce type n'était pas net ; il draguait sur les réseaux pédophiles et même si on a rien pu retenir sur lui il n'est pas blanc bleu.
_ Peut-être que l'on pourrait trouver là un prétexte pour l'approcher ?
_ Tu te rends compte de ce que tu me demandes ? On ne débarque pas comme ça chez les gens ; ce n'est pas à toi que je vais apprendre qu'il y a des procédures à respecter. On vit peut-être dans un pays du tiers-monde mais on ne peut pas faire n'importe quoi : il y a des règles à suivre.
_ Tu déconnes, Patrick, la France n'est pas un pays du tiers-monde, du moins pas encore.
_ Je plaisantais ; c'était une citation tirée d'une série policière britannique. Mais revenons à nos moutons. J'aimerais bien t'aider mais c'est trop risqué.
_ T'es sûr ? Il y a toujours moyen dans le cadre d'une procédure routinière de recommencer à interroger un suspect ou un témoin.
_ Peut-être, je vais me renseigner, de toute manière, là, il faut que je parte au boulot. Je te rappelle ce soir. " La discussion se termina là et les deux amis se séparèrent.
Comme promis Patrick appela Darius le soir même : " Oui, Darius, nous avons pu trouver ici à la brigade un moyen pour le revoir ; en fait Jean S. a été victime d'une dénonciation calomnieuse, c'est un mandarin d'une grande maison d'édition, lui-même mis en examen, qui en est l'auteur : une vague question de jalousie professionnelle. Finalement, on m'a chargé, moi tout seul dans une démarche informelle, d'aller le voir pour lui annoncer sa disculpation définitive et pour présenter les excuses du service.
_ Depuis quand la police s'excuse-t-elle ? C'est nouveau ça ?
_ Oui, en effet ça vient de sortir : il faut améliorer l'image de la police : dernière directive du ministère. Finalement tu pourrais m'accompagner ; personne n'en saura rien à condition que nous nous retrouvions à 16 heures devant le domicile de Jean S. "
Ainsi fut fait. Comme convenu Patrick et Darius se présentèrent au domicile de l'écrivain. Il sonnèrent et un petit bonhomme rondouillard et chauve vint leur ouvrir. Patrick fit les présentations : " Bonjour Monsieur S. : lieutenant Leconte et lieutenant Chamechaude, de la police judiciaire. " Les deux policiers exhibèrent leur carte. S. explosa : " Quoi encore ! C'est donc pas fini ! J'ai déjà donné toutes les explications, vous m'avez interrogé longuement et c'est pas terminé !?
_ Justement, Monsieur S., vous êtes disculpé : Christian G. a fini par avouer qu'il vous avait accusé à tort. Maintenant vous êtes entièrement blanchi. La police vous présente ses excuses. " S. poussa un soupir de soulagement et dit d'une voix un peu plus amène où perçait une pointe de contentement. " Entrez, Messieurs, vous allez me conter ça en détail. " L'homme de lettres introduisit les deux jeunes flics dans son salon et les fit asseoir ; la conversation put commencer. Patrick attaqua : " Christian G. vous a calomnié mais est-ce que vous savez pourquoi, Monsieur S. ? " Jean S. se lança dans une longue narration alambiquée sur les intrigues du monde de l'édition et il en profita pour répandre son fiel sur ses détracteurs notamment sur ceux qui l'avaient éreinté après la sortie de son dernier livre : Les clés de l'avenir, ça n'en finissait plus ! À un moment donné Darius n'y tint plus et il coupa l'écrivain : " Je vous prie de m'excuser pour cette interruption, Monsieur S., mais j'aimerais vous poser une question qui n'a sans doute rien à voir avec notre propos et qui, cependant me brûle les lèvres : le nom de François Lesneven vous est-il connu ?
_ Non, ça ne me dit rien du tout.
_ Pourtant je sais qu'il vous a écrit.
_ Si je devais me souvenir de tout ceux qui m'ont écrit... et parmis eux il y a une grande masse de cintrés, croyez-moi.
_ Pensez-vous que Mr Lesneven faisait partie de ces cintrés comme vous dites ? " Jean S. eut un haut le corps et répondit abruptement : " Je sens un ton de reproche dans votre question alors quoi c'est pas fini ! C'est encore un interrogatoire ? Et c'est sur quoi cette fois : j'ai fauché son sac à une vielle, ou quoi encore !?
_ Lisez ceci, monsieur S.." Darius avait sorti de sa poche le testament de François Lesneven et le passa à S. Celui-ci fronça les sourcils et finit par dire : " C'est jamais agréable de se faire traiter d'imbécile mais comme ça vient d'un fou...
_ Un fou, Monsieur S. ? En êtes-vous si sûr ? Tenez lisez encore ceci. " Darius avait sorti son ordinateur portable, l'avait allumé et ouvert le fichier de Lesneven qui s'afficha sur l'écran. S. se pencha sur celui-ci et commença à le lire mais il abrégea sa lecture et finit par dire : " C'est quoi cette foutaise !?
_ Pourquoi foutaise ? " Cette fois c'était Patrick qui était intervenu. S. répondit rageusement : " Mais parce que c'est de la foutaise ! Cela crève les yeux !
_ Insulte ne vaut pas réfutation, quel argument avez-vous à présenter pour alléguer que c'est de la foutaise ? " Alors là le distingué homme de lettre explosa et son teint vira au pourpre si bien que l'on craignit pour lui une attaque d'apoplexie : " Mais pour qui vous prenez-vous, flicaillons de mes deux !? Vous avez quoi ? Bac plus cinq à tout casser et vous tenez tête à un surdiplômé ! J'ai fais Harvard, figurez-vous, blancs becs ! J'ai écrit de grands ouvrages scientifiques et vous voulez m'en remontrer ! Et puis c'est quoi cette nouvelle enquête car il s'agit bien d'une enquête n'est-ce pas ? De quel délit m'accuse-t-on cette fois ? D'avoir enfreint une règle épistémologique ? Une déviance philosophique supposée serait-elle devenue une infraction au regard du droit. Serait-on revenu en catimini au temps de l'Inquisition et va-t-on me brûler comme hérétique devant l'Hôtel de Ville de Paris, sur l'ancienne place de Grève ? On est au bord de l'abus de pouvoir là, jeunes gens, vous feriez mieux de décamper avant que j'appelle le commandant Lesueur avec qui j'ai déjà eu à faire et là il va m'entendre ! Je vais lui demander des comptes, moi, sur la manière dont se comportent ses archers, à votre chef ! " Patrick fit discrètement signe à Darius pour lui signifier qu'il serait peut-être temps de s'esbigner mais ce dernier ne remarqua même pas ce signal de retraite, il répliqua froidement à S. : " Il y a pourtant eu mort d'homme et cela intéresse la justice. " Jean S. se calma et demanda, étonné : " Mort d'homme... Quelle mort d'homme ?
_ Mais celle de François Lesneven victime d'un accident sur la voie publique le 26 octobre 2019.
_ S'il s'agit d'un accident en quoi cela intéresse-t-il la justice ?
_ Les circonstances de ce fait tragique ne sont pas claires ; il se pourrait que ce soit là un suicide ou pire..." Darius laissa retomber sa voix empreinte de sous-entendus menaçants. S. demanda : " Et d'abord pourquoi il y aurait-il eu suicide ?
_ Si vous aviez lu attentivement son testament vous vous seriez aperçu à quel point cet homme était désespéré.
_ Et alors, en quoi serais-je responsable de son désespoir ?
_ Vous l'avez traité comme un chien : on ne traite pas ainsi un génie qui a fait une découverte capitale pour l'humanité.
_ Mais encore une fois quels sont vos titres universitaires pour avoir de telles opinions : qu'est-ce qui vous fait croire que c'est là une découverte géniale ?
_ Il n'y a pas besoin de sortir de la Sorbonne où de Saint-Cyr pour comprendre le symbole découvert par Mr Lesneven. Mais puisque vous exigez des reférents de haut rang scientifique je pourrais vous citer la prometteuse et géniale mathématicienne Mélanie Schenal assassinée dans des circonstances sordides et qui s'intéressait, preuves à l'appui, au nouveau symbole. " Jean S. parut se troubler, Patrick le remarqua et lui demanda : " Vous connaissiez Mlle Schenal ? " S. hocha la tête et déclara d'une voix nouée par l'émotion : " Mélanie a été une de mes étudiantes et l'annonce de cette mort ignominieuse a suscité beaucoup de chagrin au sein de la faculté car elle était une jeune fille très appréciée... " Coup de tonnerre ! Les deux policiers se retrouvèrent sidérés au milieux du salon de l'écrivain. Patrick après un moment interrogea S. : " Au vu de votre émotion ; était-elle votre maîtresse ?
_ Mais asolument pas ! Décidément vos insinuations me déplaisent au plus haut point ; allez-vous en maintenant ; ça suffit. " Par un simple regard échangé entre eux les deux policiers convinrent tacitement qu'ils n'en tireraient rien de plus et qu'il convenait de partir.
Ils conversèrent encore un moment sur le trottoir. Patrick commença : " Je suis sûr qu'elle était sa maîtresse ; j'ai un flair infaillible pour ce genre de chose.
_ C'est possible mais encore faut-il le prouver. Drôle de bonhomme n'est-ce pas : il se prétends être un grand scientifique mais je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi obtus et arrogant.
_ Oui, même ça c'est bizarre... Mais au moins la piste n'est pas interrompue. Il faut se méfier de S. : à l'heure qu'il est je suis sûr qu'il a prévenu Lesueur.
_ Tu as peur de te faire remonter les bretelles ?
_ Oh, pas spécialement, c'est à toi qu'il en veut : tu vas me servir de paratonnerre.
_ Ah ben merci ! ça fait plaisir... Bon il faut que je rentre à Mende dés demain ; on verra bien ce qui va arriver. "
Le lendemain Darius relata à Sylviane ce qui s'était passé à Paris. Ils avaient pris l'habitude de s'entretenir dans le square à côté du commissariat pour échapper aux caméra-espions supposées. " C'est ton copain Patrick qui a raison : je suis sûr qu'il y a anguille sous roche. Je pourrais même émettre une hypothèse hardie...
_ Laquelle ?
_ La jalousie ; ton S. a reçu par la poste l'explication du nouveau symbole et ça l'a rendu fou de rage : c'est pour ça qu'il s'obstine à débiner la découverte de Lesneven. En fait, je crois que lui-même faisait des recherches acharnées pour créer un grand symbole de l'humanité mais qu'il a été coiffé au poteau par celui qu'il considérait comme un pauvre type. Un peu comme Salieri et Mozart en quelque sorte.
_ Mais comment S. aurait-il pu prendre Lesneven pour un pauvre mec alors qu'il ne le connaissait pas.
_ Pour des gens aussi vaniteux que S. ceux qui envoient des lettres à des auteurs sont forcément des pauvres types car pour pénétrer certains milieux on n'a pas recours à ce genre de procédé : on utilise des réseaux d'influence ; il faut connaître un tel qui connait à son tour un tel. Il faut être un expert en intrigues, passe-droits, et autres pistons sinon point de salut. C'est vraiment les plus démunis sur le plan relationnel et social qui ont recours à la correspondance par la poste.
_ Pourtant envoyer une simple lettre peut suffire à changer une vie.
_ Qu'est que tu es naïf mon pauvre Darius : voilà ce que c'est que de trop lire des romans initiatiques à la con tel que L'Alchimiste de ce Paulo Coelho.
_ Je ne lis jamais ce genre de littérature, mais bon : admettons ton hypothèse. Encore faudrait-il savoir si Jean S. faisait vraiment ce genre de recherche. Or rien ne le prouve.
_ Peut-être qu'il faudrait rechercher du côté de Mélanie Schenal ; peut-être que c'était une mordue de symbologie et si elle était en relation avec S. ça pourrait peut-être permettre de tirer le fil de laine...
_ J'ai les coordonnée de son frère Pascal ; il se peut qu'il pourrait nous en dire plus sur cet aspect de la personnalité de sa soeur. Je vais l'appeler tout de suite. Sitôt dit, sitôt fait. Darius pu joindre le jeune Schenal : " Pascal Schenal ?
_ Lui-même.
_ Bonjour, Pascal,c'est le lieutenant Chamechaude.
_ Bonjour, Lieutenant, vous avez du nouveau ?
_ Pas exactement mais nous avançons pas à pas... Dites moi : est-ce que vous savez si Mélanie s'intéressait aux symboles et à la symbologie ?
_ Je crois qu'elle se passionnait pour ce domaine : les murs de sa chambre était tapissés de toutes sortes de symbole et je sais qu'elle préparait une thèse de topologie ayant trait aux symboles graphiques.
_ Ah, et est-ce que vous pouvez me donner le nom de son directeur de thèse ?
_ Je crois qu'il s'agissait d'un certain Jean S.
_ Merci, Pascal, vous venez de me donner une information capitale ! Je vous tiens au courant sur la suite de l'enquête, au revoir. " Darius raccrocha et il raconta à Sylviane ce qu'il venait d'apprendre. Celle-ci suggéra : " Maintenant il faudrait savoir si S. à publié en symbologie : il faudrait pouvoir faire une recherche sur internet.
_ Oui, mais sur quel ordinateur, à la brigade tu sais que nous sommes surveillés.
_ Pas de problème : nous allons faire ça sur l'ordinateur de mon fiancé. Pour ça il faudrait que tu passes ce soir à la maison. "
Le soir même Darius se rendit au domicile de Sylviane et il fit la connaissance de son fiancé qui se prénommait Martin. Le jeune couple servit l'apéritif à Darius et on se mit au travail. Il fallut se rendre à l'évidence : rien ne pouvait laisser croire que S. s'intéresse en quoi que ce soit à la symbologie. Il fallait creuser du côté de Mélanie Schenal mais comment faire puisqu'on était si loin de l'endroit où avait vécu la jeune femme ? Il fallait notamment savoir si Mélanie avait été vraiment la maîtresse de S.. La conversation arriva sur ce qui c'était passé plus d'un an auparavant et sur le crime odieux qui avait coûté la vie à Mélanie. Darius voulut taquiner le jeune couple de tourtereaux : " Sylviane, toi qui sais que l'assasin s'appelait Martin comme ton fiancé tu n'as pas peur qu'il t'arrive à toi aussi malheur ?
_ Je ne suis pas superstitieuse et en plus je ne vois pas le rapport entre le patronyme du meutrier qui est effectivement Martin et le prénom de mon chéri ; ça n'a rien à voir... Et de plus mon Martin à moi est tendre et doux comme un agneau, n'est-ce pas mon Toutdoux ? " Et Sylviane de caliner tendrement son fiancé : ceux-là filaient le parfait amour c'était l'évidence même. Mais darius insista lourdement : " J'ai assez d'expérience professionnelle pour savoir que de tendres agneaux peuvent se convertir en loups féroces sous le coup de la passion et de la jalousie.
_ C'est vrai ce que tu dis et moi aussi j'ai connu ce genre d'affaire car même dans notre paisible ville de province ce ne sont pas les violences conjugales qui manquent comme partout ailleurs et il y a des meurtriers qui cachent bien leur jeu.
_ Mais peut-être que Kevin Martin était lui aussi un agneau inoffensif quand Mélanie l'a connu. Si elle s'est séparée de lui c'est parce qu'il n'était, peut-être, pas assez classe pour elle et non pas parce qu'il était spécialement violent. J'ai assez de renseignements sur la personnalité de la jeune femme pour savoir que jamais elle ne se serait mise avec quelqu'un qui se serait permis de lui donner la moindre gifle ; elle l'aurait immédiatement plaqué : elle était trop fière et consciente de sa valeur humaine pour accepter le moindre compromis avec un violent. Kevin a peut-être massacré Mélanie sous le coup de la jalousie.
_ On dirait que vous autres flics parisiens vous avez bâclé cette enquête : vous n'avez pas demandé à Kevin ce qu'il en était et j'ai cru comprendre qu'il a pris un max : si le mobile avait été la jalousie il me semble que la peine eut été plus légère. En fait on ne sait rien : on ne sait pas si Kevin était gentil et si il a perdu la tête, on ne sait pas si Mélanie avait un autre amant ce qui aurait déclenché une crise de jalousie meurtrière ; bref il faudrait carrément refaire l'enquête. " Le silence s'imposa ; il se faisait déjà tard et la fatigue se faisait sentir mais malgré tout la jeune femme voulut souffler sur les braises pour ranimer le feu de la conversation : " En l'absence d'indices et étant donné que nous sommes éloignés de tout, on pourrait faire comme Einstein une expérience de pensée en admettant comme hypothèse de départ que S. était l'amant de Mélanie et voir ce qu'il en aurait résulté si tel avait été le cas.
_ L'intérêt commun de Mélanie et de S. aurait été alors la symbologie, même si rien ne le prouve c'est déjà une base de départ.
_ Bien, on peut imaginer que S. aurait reçu la lettre de Lesneven et que Mélanie aurait été au courant.
_ Je crois que S. pour éblouir sa jeune maîtresse se serait approprié cette découverte.
_ Mais que le fameux soir où elle a découvert le fichier de Lesneven sur l'ordinateur de Kevin elle aurait aussi découvert le pot au rose.
_ Puis elle a plaqué Kevin et que celui-ci, fou de rage, l'a tué.
_ Oui, mais ce mobile n'est peut-être pas suffisant et qu'il faut faire intervenir la jalousie.
_ Mais comment ?
_ Mélanie a dû faire allusion à S. comme un fameux imposteur et au cours de la conversation qui s'en est suivie avec Kevin celui-ci aurait fini par comprendre que Mélanie le faisait cocu avec un vieux beaucoup plus intelligent que lui et là la jalousie lui aurait fait péter les plombs : il n'y avait même pas besoin de la rupture comme mobile.
_ Tout ce qu'on a pu savoir sur ce qui s'est passé nous vient de Kevin : il a très bien pu nous mentir.
_ Oui, mais pourquoi ? " Sylviane se mit à réfléchir et finit par demander à Darius : " Entre l'appel des voisins et votre intervention il s'est écoulé combien de temps ?
_ Une bonne heure ; il y a eu pas mal d'embouteillages ce soir-là. Pourquoi ?
_ Et si S. avait été là ce soir-là et si c'était lui qui avait tué Mélanie ? Il aurait largement eu le temps de s'enfuir. Il se peut que Mélanie en découvrant la supercherie ait appelé S. en menaçant de révéler au monde entier qu'il n'était qu'un imposteur alors qu'il s'apprêtait à publier sa découverte usurpée. Celui-ci se serait précipité au domicile du hackeur qui justement n'était pas là et à la suite d'une discussion orageuse il aurait tué Mélanie. Voyant l'horreur qu'il aurait commise il se serait enfui puis Kevin serait rentré chez lui très peu de temps avant l'arrivé de la police.
_ Oui, mais pourquoi se serait-il accusé du crime ?
_ Qui a fait l'audition du meurtrier présumé ?
_ Lesueur.
_ Encore lui ! Et s'il avait fait porter le chapeau à Kevin en le forçant a avouer un crime qu'il n'avait pas commis ? Cela s'est déjà vu mille fois ce genre de situation.
_ Kevin ne s'est jamais rétracté et n'a jamais protesté de son innocence.
_ Et alors ? Cela aussi ça s'est déjà vu.
_ Mais quel intérêt aurait eu Lesueur à faire porter le chapeau à Kevin ; pour disculper S. ?
_ Oui bien sûr, le tout est de savoir pourquoi. Voyons-voir : quel auraient pu être les motivations de ce bonhomme pour commettre pareille monstruosité ? En quoi avait-il intérêt à couvrir S. ?
_ Pourquoi pas une société secrète ? " Cette fois c'était Martin qui était intervenu pour la première fois depuis que les deux policiers parlaient boutique. Sylviane se fit encore plus calinante et répondit : " Oh, mon chou, t'as trop lu Le Symbole perdu ; je ne sais pas ce que tu lui trouves à ce bouquin et d'ailleurs Darius est de mon avis : c'est un mauvais roman policier...
_ Vous faites une belle paire d'intellectuels vous deux ! Oui, en effet, qu'est-ce qu'un modeste employé aux espaces verts de la ville de ma sorte pourrait bien comprendre à vos enquêtes à la mord moi le noeud ! Et d'abord, toi, Darius, est-ce que tu l'as vraiment lu, le livre de Dan Brown ?
_ Non, pas vraiment : j'ai l'ai tout juste feuilleté et me suis bien rendu compte que ce n'était pas génial. Ce Dan Brown se fout de la gueule de ses lecteurs : un bon roman policier, et c'est d'ailleur aussi valable pour la science fiction par exemple, se doit d'être plausible, d'avoir un certain ancrage sur la réalité. L'auteur aura réussi son coup si on se retourne dans la rue avec l'impression d'être suivi parce que la lecture de son bouquin t'auras tellement impressionné que tu en seras devenu parano...
_ Et c'est bien le cas ; je me dis souvent et si c'était vrai ? Vous êtes dans la police et vous vous croyez obligés d'être de super cartésiens mais vous êtes-vous jamais posé la question de savoir si l'invisible existe ? Alors pourquoi pas les sociétés secrètes.
_ Encore faudrait-il qu'il y ait des indices de l'existence présumée de ces sociétés secrètes ; certes nous sommes tout deux des flics pontifiants et ayant l'air de tout savoir mais nous nous en tenons au faits et traquons sans relâches les preuves. Peux-tu nous fournir des indices de l'existence de ces puissances occultes ?
_ Non, bien entendu, mais moi je fais attention à tout ce qui est bizarre, foldingue, inattendu, pas rationnel. Par exemple, d'après tout ce que vous avez raconté sur cette affaire, le coup de fil de votre Lesueur quand il annonce qu'il est viré : ça ne tient pas la route cette histoire d'autant plus que toi, Darius, tu le rappelles cinq minutes après pour essuyer un cinglant démenti. Pour le coup si je lisais ça dans un roman policier ça serait vraiment un nanar et je le foutrais tout de suite à la poubelle. À moins de faire appel au surnaturel mais dans ce cas là il devrait il y avoir écrit roman fantastique sur la couverture. On peut imaginer qu'une âme dans le bas-astral t'aura fait une blague mais bien sûr pour vous rationalistes purs et durs cette hypothèse est à rejeter tout de suite mais avez-vous une meilleur explication à proposer ?
_ Mais, c'était pour brouiller les pistes, mon chéri..." Sylviane s'extasiait de se rendre compte que son jeune amant en plus d'être beau était loin d'être un sot. Elle continua : " En fait... " Elle s'interrompit se remémorant que leur discussion, entre Darius et elle, à l'instant précédant l'appel de Lesueur s'était enlisé et qu'ils étaient prêts à passer à autre chose et donc tout enfumage était superflu (Mende nid d'espion lui dit une petite voix intérieure goguenarde) ; c'est Martin qui avait raison, elle reprit : " C'est vrai : c'est toi qui a raison, Trésor, mais alors qu'est-ce que ça veut dire ? On ne va tout de même pas faire intervenir le surnaturel ; utiliser une table tournante ou la planchette oui-ja. " Elle avait dit ça sur le ton de la boutade mais elle était néanmoins mi-sérieuse mi-moqueuse restant troublé par l'absurdité effective de ce qui s'était passé quelques jours auparavant. Elle regarda tour à tour ses deux compagnons avec un air expectatif. Darius rompit le silence : " Et pourquoi pas ? Je sais que la gendarmerie dans des cas d'enlèvements d'enfants fait quelquefois appel à des radiesthésistes avec des résultats probants. Et Dean Radin a prouvé l'existence des perceptions extra-sensorielles et de la psychokinèsie. Autant d'éléments qui nous permettent de garder l'esprit ouvert et de ne rien négliger dans notre investigation. T'as un guéridon, Sylviane, ou un oui-ja ?
_ J'ai mieux. " Intervint Martin. (note de l'auteur : je sais ; ça devient n'importe quoi ce roman mais avant moi de grands écrivains se sont frottés à ce genre, que l'on se souvienne du roman de Balzac : Le Cousin Ponce. Faire appel au surnaturel peut sembler une échappatoire facile mais ne fait-il pas partie de la réalité ?) Il sortit de la poche de sa chemise un pendule. Héberlué sylviane lâcha : " Tu pendules ! Tu m'avais caché ça...
_ Je craignais que tu te moques de moi.
_Très bien, dit Darius, mais comment est-ce que l'on va procéder ? " Martin fit pendre son pendule au bout de ses doigts et celui-ci commença à se balancer d'avant en arrière. Il dit : " Le mieux serait de poser une question simple à laquelle on peut répondre par oui ou par non : avez-vous une idée ? " Darius suggéra : " Etait-ce bien Lesueur qui m'a appelé pour annoncer sa soit-disante révocation ? " Le pendule tourna dans le sens inverse des aiguilles d'une montre : " La réponse est non " Interpréta Martin. Darius posa une autre question : " Et est-ce que c'était Lesueur qui m'a téléphoné juste après le coup de fil de Pascal Schenal ? " La réponse fut non. Et Darius posa toute une série d'autres questions :
_ Leur bureau au commissariat de Mende était-il truffé de caméra ? Réponse non.
_ Lesueur l'espionnait-il et procédait-il à des écoutes téléphoniques ? Réponse non.
_ Lesueur protégeait-il S. ? Non.
_ S. a-t-il tué Mélanie ? Non.
_ Mélanie était-elle la maîtresse de S. ? Non.
_ Kevin a-t-il bien tué Mélanie ? Réponse oui.
_ L'a-t-il tuée parce qu'elle lui avait annoncé qu'elle le plaquait ? Oui.
_ Kevin disait-il la vérité quand il a affirmé que Mélanie avait découvert de manière fortuite le symbole de Lesneven ? Oui.
_ La vérité vraie était-elle conforme aux conclusions officielles de l'enquête ? Oui.
_ Lesueur persécutait-il Darius ? Non.
" C'est pas possible ! Nous nous serions donc monté tout un bateau ? " S'exclama un Darius consterné. " Mais ça n'explique pas pourquoi on m'a muté à Mende. Ton pendule peut-il répondre à cette question : pourquoi mon exil ? " Martin répondit : " Ah, il faut poser une question à laquelle on peut répondre par oui où par non : reformule ta demande. " Darius réfléchit un moment et posa la question : Lesueur était-il à l'origine de sa mutation ? Réponse non.
_ A-t-on sanctionné Darius en le mutant ? Réponse non.
_ Le fait d'avoir enquêté en sous-main méritait-elle d'ailleurs pareille sanction ? Non.
_ Son exil était-il nécessaire ? Oui.
_ Pour son bien ? Oui.
Darius était incrédule : un pendule qui tourne dans un sens ou dans l'autre pouvait-il apporter des réponses fiables ? Il était tard et la fatigue se faisait sentir ; Darius prit congé de ses amis et rentra chez-lui.
Le lendemain, au commissariat, curieusement il ne fut plus question de l'affaire qui les avait préoccupés durant de nombreux jours ; par un accord tacite Darius et Sylviane n'en parlèrent plus jamais. Cependant Darius appela Patrick pour aller aux nouvelles : " Alors, Lesueur t'as engueulé après notre virée chez S.
_ Non, pas du tout. S'il est allé à l'ancienne piaule de Lesneven quand tu l'as visité par effraction (Patrick rigola) c'est qu'en effet on avait signalé à la brigade une tentative de cambriolage. S'il s'en est occupé lui-même c'est à cause d'un manque d'effectif : rien que de très banal et d'ailleurs moi je considère que ton affaire est un pétard mouillé ; il vaut mieux t'en tenir là.
_ Je suis bien de cet avis. " Ils raccrochèrent. Tout ça pour ça, il n'en revenait pas : tout ces mois d'enquête pour rien.
Pour mon bien, se dit-il. Quelle cruauté ! Il était en train de moisir dans ce bled et c'était pour son bien ? Maudit Lesneven, maudit symbole ! D'après ce qu'il avait compris lors de cette consultation avec le pendule son enquête en sous-main n'avait rien à voir avec son exil. Pourquoi aussi s'être intéressé si fort à ce symbole ? Parce que ça en valait le coup se dit-il. C'était une découverte extraordinaire, oui, véritablement.
Il sortit le testament de François Lesneven qu'il avait toujours sur lui et le relut encore une fois. Il fut frappé par le fait que ce génie n'avait jamais pu attirer l'attention de qui que ce soit. Cette pub télévisée pour une banque lui revint en mémoire : on y voyait des jeunes gens fauchés trépigner, sauter en l'air derrière un guichet de banque, essayant d'attirer l'attention d'employés bien comme il faut qui ne les remarquaient même pas. Voilà ce qu'avait dû être la vie de François Lesneven : une vie obscure de sacrifices inutiles, un vie gapillée et, pourquoi ? Un frisson d'horreur le parcourut : il craignait de finir comme lui. Il essaya de se raisonner : il était dans la fleur de l'âge et il avait la vie devant lui : la situation n'était pas comparable. Et surtout, lui souffla une petite voix intérieure, toi tu n'as pas fait une découverte géniale susceptible de changer le destin de l'humanité ; ça fait une sacrée différence. Oui, en effet, se dit-il ; il n'aurait pas à endurer un sentiment d'injustice, c'est au moins ça. Mais il savait bien que ce n'était pas vrai : il ressentait sa mutation, son exil loin des siens comme une injustice mais c'était bien peu de chose comparé à l'injustice qu'avait dû subir le créateur de ce symbole mirifique. Il fallait aller de l'avant, oublier tout ça, peut-être quitter la police. Pour mon bien ! C'était insensé ! Des larmes de rage perlèrent aux coins de ses yeux. Il faut que je me calme, se dit-il, en quoi c'est pour mon bien ? En quoi c'est pour mon bien d'être ici à Mende ? Il songea qu'il avait quitté ses parents et ses amis certe mais qu'il s'était fait de nouveaux amis ici à Mende à commencer par Sylviane et Martin. Il en vint à considérer ce qu'il y avait de profondément différent ici par rapport à sa vie parisienne d'avant. Je tourne en rond, se dit-il, et voilà les inévitables clichés sur la vie peinarde en province qui arrivent à la rescousse ! Il lui vint une idée : réussir là où avait échoué Lesneven. Oui, mais comment faire ? Que pouvait-il faire de mieux que Lesneven n'avait jamais fait durant toute une vie ? Il se remémora les événements de ces derniers jours et particulièrement ces coups de téléphone qui auraient pu provenir de l'au-delà. Et si ces manifestations avaient pour origine François lui-même ? Darius ne croyait pas forcément à l'au-delà ; cela ne l'avait jamais préoccupé mais là il était coincé et ne pouvait aller plus loin ; il fallait bien trouver un issue. Il lui vint l'idée de réclamer un signe. Mais rien n'arrivait. Alors il reprit son petit train train et continua à vaquer à ses occupations. Il se passa dix ans, Darius avait fait son trou à Mende ; il avait rencontré une jeune femme avec qui il s'était marié et avec qui il avait eu deux enfants. Il avait pris du galon et continuait une carrière sans encombres dans la police. Une vie stable, peinarde, en apparence heureuse ; il aurait eu tort de se plaindre. Il avait pris le parti d'oublier François Lesneven et son fameux symbole.
Quand il se produisit une tragédie épouvantable et inattendue. Sylviane sa collègue et amie tomba sous les coups de Martin son compagnon.
Abasourdi Darius se souvint de cette soirée dix ans auparavant où il avait fait la connaissance d'un Martin pourtant doux comme un agneau et ce qu'il avait dit à Sylviane en plaisantant : s'il ne craignait pas que son Martin finisse par lui faire quelque chose de comparable à ce qu'un autre Martin, Kevin Martin pour être précis, avait fait à Mélanie Schenal. Et toute cette ancienne affaire lui revint en mémoire. Cette malheureuse Sylviane avait été volage ce qui avait fini par transformer son très gentil compagnon en brute sauvage ; la jalousie avait eu raison de tant de douceur. Durant toutes ces années Darius avait apprécié Martin comme un très cher ami sans se douter du drame qui se préparait. Darius comprit ce qu'avait enduré Martin même s'il ne pouvait l'excuser pour ce crime horrible. Il avait eu beaucoup d'amitié pour Martin mais en eut-il été de même pour Kevin Martin ce minable hackeur qui n'avait tué Mélanie Schenal que pour une question d'ego blessé alors que le compagnon de Sylviane ne l'avait fait que parce qu'il souffrait horriblement ? Sans doute pas. En se souvenant de cette soirée vielle de dix ans il vint à l'esprit de Darius qu'il avait prophètisé à son corps défendant et que peut-être cette faculté c'était déjà exprimée au cours de ces dernières années. Il ne sut pas ce qu'il lui prit mais il lui vint l'envie de reprendre contact avec son ami Patrick Leconte. Il s'était perdu de vue depuis dix ans : ce ne serait pas facile de retrouver son ancien collègue. Mais il finit malgré tout par le joindre au téléphone. Patrick fut très surpris après tant d'années d'entendre la voix de Darius. On échangea les nouvelles des uns et de autres. Darius finit par demander : " Au fait qu'est devenu ce trou du cul de Lesueur ?
_ Comment tu n'es pas au courant ? Cela a fait un scandale terrible ; l'actualité n'arrive donc pas dans ta province ? Lesueur a été accusé de ne pas avoir pu éviter l'attentat islamiste de 2021 qui a fait 1000 morts. Il avait pourtant tout les renseignements pour coincer les salopards qui ont fait ça, il a eu de la chance en n'écopant que d'une révocation alors qu'il a pu éviter de peu la mise en examen pour complicité de terrorisme. De plus on l'a soupçonné très fortement d'avoir trempé dans les attentats de 2015. " Darius était abasourdi. Ils continuérent à s'entretenir encore un petit moment puis ils raccrochèrent. Il se souvint du coup de téléphone où un simulacre de celui qui se faisait passer pour Lesueur annonçait sa propre révocation. Il incriminait aussi Lesneven. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Darius ne crut pas un instant que Lesneven fut impliqué dans cette histoire d'attentat. Cet appel, il en avait maintenant la conviction, émanait de l'au-delà, ou supposé tel, et il posa comme hypothèse que ce message venait de l'inconscient de Lesueur. Lesueur avait sans doute rêvé au moment où ses ennuis commençaient et il avait envoyé un message vers le passé : ce message s'était concrétisé par le coup de téléphone qu'il avait reçu ; comme dans tout les rêves des éléments disparates se mélangeaient et Lesneven se trouvait impliqué dans celui-ci mais cependant il fallait bien que cela ait un sens. Ce pourrait-il qu'un ancien remord, lié à l'affaire Lesneven, eut été profondément enfoui dans l'inconscient de Lesueur ? Il y avait aussi l'appel émanant également de Lesueur juste après sa première communication avec Pascal Schenal : cela avait été une mise en garde très ferme pour ne pas poursuivre l'affaire. Je crois que Lesueur dans cette histoire d'attentats s'est montré incompétent et négligent mais il n'avait rien à voir avec les milieux islamistes, se dit-il. Darius avait, en effet, du mal à s'imaginer son ancien supérieur comme fréquentant des barbus dans une mosqué intégriste : ce n'était pas le genre de la maison ! Ce qui fait qu'il se trouvait réorienté à nouveau vers l'affaire Lesneven. Pascal Schenal lui avait révélé que sa soeur était sur le point de soutenir une thèse sur la symbologie et que son directeur de thèse était Jean S. Que de coïncidences quand même, se dit-il : Mélanie Schenal prend connaissance juste avant sa mort du symbole de Lesneven et son prof, S., avait reçu une lettre de Lesneven et ces trois protagonistes étaient fortement liés à la symbologie. C'est plus qu'un faisceau de coïncidences c'est une synchronicité. Mais que devait donc cacher Lesueur à propos de Lesneven pour que cela constitue un si grand remord ? Comment savoir ? Il fallait qu'il interroge son ancien chef, mais comment mettre la main sur lui. Il pensa à appeler à nouveau Patrick mais il subodora que celui-ci ne saurait rien de plus que lui. Il tapota sur le clavier de son ordinateur et scruta l'écran. Des Lesueurs il y en avait à la pelle même avec le prénom Xavier. Il se remémora ce coup de fil : " J'avais peur que tu finisses par prendre ma place.
_ Comment ça, c'est absurde : je ne fais de l'ombre à personne !
_ Quelqu'un te protège et te favorise et tu ne le sais même pas !
_ Qui ça ?
_ Je ne peux pas te le dire, j'ai perdu mon boulot je ne veux pas en plus perdre la vie !
_ Pourquoi tu me racontes tout ça ; généralement quand on se fait virer on ne va pas le raconter à celui que l'on considère comme son adversaire ; c'est du masochisme !
_ Mais parce qu'on m'oblige à le faire !
_ Mais pourquoi donc ?
_ Parce qu'il est temps que tu saches la vérité et que je suis le seul à la connaître ; il n'y a que par moi que tu pouvais la connaître. " Quelqu'un me protégerait et me favoriserait, se dit-il ? La belle affaire ! Et ai-je pris la place de Lesueur ? Certe il avait grade de commandant maintenant et Lesueur avait été viré mais de là à dire qu'il avait pris la place de son ancien chef... Il lui vint une pensée incongrue sans aucun rapport avec sa réflexion : pourquoi mes parents m'ont affublé de ce prénom ridicule ? Pourquoi pas Dario pendant qu'ils y étaient, comme Dario Moréno ce chanteur d'opérettes ringardes ! Darius se souvint que son grand-père Alphonse Chamechaude avait été un grand amateur de ce genre de musiques légères. Il n'avait peut-être pas été étranger dans le choix de son prénom : Darius devait représenter un compromis que ses parents avaient fini par consentir face aux exigences d'un aïeul plutôt tyranique d'après ce qu'on lui avait rapporté. Pareillement il aurait préféré se prénommer Marius plutôt que Mario. Machinalement, sans y penser, il entra Mario dans son ordinateur et aussitôt ce prénom suivi d'un nom apparut : Mario B. Il ouvrit le site consacré à ce personnage et il apprit qu'il s'agissait là d'un grand chercheur en neuroscience et qu'un de ses livres avait été préfacé par Jean S.. Tu parle d'une référence, se dit-il, qui se ressemble s'assemble ; si ça se trouve ce Mario B. doit-être aussi arrogant que ce trou du cul de S., une coterie ! Est-ce que Lesneven avait écrit à ce B. ? C'était là fort probable. Et B. n'avait sûrement pas répondu. Mais peut-être que si, à la fin, mais c'était impossible à savoir en l'absence de tout document. Il se peut que Mario ait pu répondre par courrier électronique. Quelle aurait pu être l'adresse courrielle de François Lesneven si tant est qu'il en eût possédé une ? Au bout de dix ans il ne devait il y avoir plus rien du tout, mais par fantaisie, désoeuvrement, Darius tapa sur son clavier : yahoo puis il suivit la procédure pour accéder à une adresse courrielle et entra : françois.lesneven@yahoo.fr se disant que ça ne pouvait aboutir mais à sa grande surprise et contre toute attente ça marcha et il ne restait plus qu'à rentrer le code d'accès pour pouvoir consulter les courriels de Lesneven. Voyons voir, se dit-il, quel aurait été son code ? Le mot Apocalypse lui vint à l'esprit, il l'entra et aussitôt la boîte courrielle s'ouvrit à sa grande stupéfaction. Il repéra très vite un message provenant de Mario B. : c'était une réponse à l'explication du symbole que Lesneven lui avait envoyé par la poste. Un réponse pleine de condescendance où il lui disait en gros que ça ne le concernait pas. Il éteignit l'ordinateur avec un soupir de découragement. Il se mettait à la place de Lesneven et sentit ce que ce génie avait dû ressentir après toutes ces années de rebuffades provenant entre autres de prétendus grands esprits. Il fut cependant très étonné de constater avec quelle surprenante facilité il avait effectué toute cette démarche et eut la forte impression qu'il avait été guidé. Oui, mais par qui ?
Il faut que je mette la main sur Lesueur : il m'en apprendra peut-être plus. Qu'est qu'il a pu devenir ? Se demanda-t-il. Que devient-on quand on s'est fait virer de la police ? Qui peut bien vouloir de vous, est-ce qu'on retrouve du boulot comme ça ? D'autant plus qu'au moment de sa révocation Lesueur devait avoir atteint un certain âge.
Le téléphone sonna, il décrocha et au bout du fil il entendit un voix grayonnante demander : " Ouai, Chamechaude, c'est toi ? C'est Lesueur. " Darius sursauta de surprise. Il demanda à son tour : " Où est-ce que tu es Lesueur ?
_ Ici, à Mende, à l'hôpital ; est-ce que tu peux venir me voir ?
_ Bon, j'arrive. "
Une demi-heure plus tard Darius se retrouva dans la chambre d'hôpital devant un quasi agonisant. Son ancien chef se trouvait dans un piètre état ; il était en phase terminale d'un cancer du poumon et on ne lui donnait que quelques jours à vivre. Que faisait-il à Mende si loin de Paris ? Il s'était retiré à la campagne du côté de Châteauneuf de Randon avec son épouse neuf ans auparavant suite à sa disgrâce, là, ils s'étaient occupés à faire de l'élevage de chèvres ; le retour à la terre en quelque sorte, puis il était tombé malade. Comment il avait retrouvé Darius ? Une infirmière du service avait été l'amie de Sylviane et lui avait raconté comment elle avait été tué et par là il avait appris que cette dernière avait été la collègue de Darius. Il avait éprouvé le besoin de revoir son ancien subordonné.
" Darius, écoute moi... " Xavier Lesueur eut une quinte de toux. " Je ne suis pas responsable de ta mutation.
_ Je sais, Xavier, je sais.
_ J'ai voulu te voir pour soulager ma conscience : c'est à propos de ton enquête occulte sur Lesneven, plutôt que de te retoquer j'aurais dû te soutenir auprès de la hiérarchie. J'étais parfaitement conscient de l'importance de la découverte de François Lesneven et tu as fini par te rendre compte de l'injustice que ce génie a subi tout au long de sa vie. Il a dû se battre contre l'adversité mais celle-ci n'avait rien a voir avec une supposée fatalité. En haut lieu, dans des sphères que tu ne peux même pas imaginer, on ne souhaitait pas que cette découverte soit divulguée car s'en était fini du système et trop de puissances auraient été mis à bas... " Xavier eut un défaillance mais il reprit : " Oui, sa mort n'était pas un accident et ça aurait mérité une enquête mais on a tout fait pour te mettre les bâtons dans les roues.
_ Peux-tu me dire qui ?
_ Non, je ne le peux pas, si je savais je te le dirais car sur mon lit de mort je n'ai plus rien à perdre... " L'ex-commandant de police sembla sombrer dans le sommeil, Darius compris qu'il était temps de s'en aller.
Quelqu'un me protège ? Se dit-il, un peu plus tard quand il fut revenu au commissariat, me protéger contre quoi ? Contre qui ? D'après ce que lui avait révélé Xavier Lesueur sur la conjuration hostile à Lesneven il en conclut qu'il devait s'agir là d'une force opposée à cette dernière. L'avait-on institué champion de cette force pour continuer la mission de François Lesneven ? Il se souvenait de ce coup de téléphone mystérieux : " j'ai perdu mon boulot je ne veux pas en plus perdre la vie ! " Xavier aurait-il été victime d'une machination ? Il s'était peut-être rebiffé contre sa hiérarchie suite aux brimades que lui Darius avait subi en poursuivant l'enquête. Darius eut une pensée de sympathie pour son ancien chef ; il l'avait mésestimé car il avait pensé qu'il était à la botte du pouvoir en place alors que c'était un homme de devoir. Son service touchait à sa fin et il était temps de rentrer chez-lui. On n'était qu'en fin d'après-midi, l'air était doux et il faisait beau ; il décida de marcher un peu et de faire un crochet par le centre ville. Après avoir un peu flané il entra dans une librairie, il passa de rayons en rayons se demandant ce qui pourrait bien intéresser ses deux garnements quand il tomba en arrêt devant une table qui supportait diverses brochures. Mais oui, ce petit fascicule était bien signé Pascal Schenal et intitulé : Explication du nouveau symbole ! Il acheta la brochure quitta la librairie et n'y tenant plus s'assit sur un banc et commença sa lecture. Il aborda le premier chapitre : pas possible ! C'était le copier-collé du texte de Lesneven : un pur plagiat ! Alors il se rendit aux second chapitre et là sa surprise ne fit que grandir ! Voilà ce qu'il lut :
" Mais d'où vient ce nouveau symbole ? Et quel nom lui donner ?
Il conviendrait peut-être de commencer au tout début.
CHAPITRE 2
MON PETIT MORCEAU DE VIE
Est-il vraiment indispensable de commencer par le début de ma vie ? C'est une chose qui m'est pénible de raconter ma vie et est-ce vraiment nécessaire ? Quand je considère mon existence une question lancinante revient constamment et je suis bien incapable d'y répondre : d'où est-ce que je viens ? Pourquoi je me suis toujours intéressé au monde celtique alors que dans ma famille, dans mon environnement social et culturel, rien ne me disposait à cet attraction. Si encore j'avais eu un ancêtre breton et si j'avais pu me targuer d'un seul quartier de celtité de la même manière que certains s'enorgueillissent de leurs quartiers de noblesse mais tel n'était pas le cas. Je ne pouvais tout de même pas revendiquer Vincenzo Schenal, mon lointain trisaïeul venu du Sud-Tyrol pour travailler dans les usines sidérurgiques du Creusot dans ma Bourgogne natale, comme étant un Celte pur jus de même que j'aurais été bien en peine de faire remonter ma lignée maternelle de paysans bourguignons à la princesse de Vix ! Chez nous la chanson à boire la plus populaire incluait dans son refrain " et je suis fier,oui ! oui ! oui ! et je suis fier, non ! non ! non ! et je suis fier d'être Bourguignon ! " mais certainement pas " je suis fier d'être Eduen " ! Pour mes parents, quand ils passaient leurs vacances en Bretagne, les manifestations du folklore local sous formes de chants et de danses leur paraissaient aussi étranges et exotiques que s'ils se fussent retrouvés par erreur dans le bled algérien, la langue bretonne qu'ils entendaient était pour eux un patois incompréhensible digne de bien peu d'attention. Cependant cette langue méprisée m'intéressait au plus haut point ! J'ai pendant plusieurs années été envoyé en colonie de vacance à Lanvéoc petit port de pêche sur la rade de Brest et je m'extasiais sur les noms de lieu en breton que l'on pouvait lire sur les panneaux indicateurs de la région ; c'était pour moi le summum de l'étonnement et de la curiosité ; ceci suscitait en moi un véritable appel ! Ils nous est même arrivés, mes camarades et moi, de croiser un viel homme qui ne savait que le breton ! C'est à cette époque, alors que j'avais moins de 10 ans, que je me suis mis à collectionner les mots bretons, et plus généralement les vocables d'origine celtique, que je reportais pieusement dans un grand et vieux répertoire moisi afin de constituer une sorte de dictionnaire ! Les vielles légendes celtiques enflammaient mon imagination : une cale descendait dans le bassin du port de Lanvéoc et je pensais que c'était là une route immergée sous la rade de Brest qui conduisait tout droit à la légendaire ville d'Ys ! En farfouillant dans les encyclopédies j'ai découvert que les celtes avaient eu une brillante civilisation et j'ambitionnais de reconstituer la langue gauloise tout en ignorant que ce travail avait été fait depuis longtemps par des philologues allemands sous le noms de celtique ancien. Bref, je me suis promis à ce moment là de devenir celtisant ! Le mot me plaisait et je voulais à toute force apprendre toutes les langues celtiques. Quelques année auparavant, alors que je n'étais qu'un bambin, j'ai connu une certaine expérience spirituelle : j'étais assis dans une pièce bien particulière de l'appartement familial et j'ai eu la très forte sensation d'avoir vécu il y a très longtemps, à une époque préhistorique, en Irlande. Je savais en fait qu'un jour j'irai en Irlande. De plus une renconte déterminante allait initier ma vocation artistique (pour mon plus grand malheur !) je devais avoir 14, 15 ans quand en feuilletant un manuel d'histoire, qui appartenait à ma soeur, je tombai en arrêt sur une photo représentant la boucle de ceinture de Sutton Hoo ; un chef d'oeuvre de l'orfèvrerie irlandaise du haut moyen-âge. Aussitôt je me suis précipité à la cave où un petit atelier de mécanique avait été aménagé par mon père et je suis mis à scier, à limer, à ciseler un morceau de bronze qui se trouvait là afin de reproduire cet extraordinaire objet d'art ! Plus tard comme j'avais choisi d'être objecteur de conscience j'ai été envoyé faire mon service civil en Bretagne aux Antiquités Préhistoriques où j'ai passé deux années à participer à des fouilles, à faire toutes sortes de travaux de laboratoire, c'est là que j'ai été en contact avec des objets archéologiques les plus divers et que s'est confirmé mon attrait pour l'art celtique. C'est pendant cette période que j'ai appris le breton, de plus en 1976, soit deux ans auparavant, j'étais allé en Irlande et j'avais commencé à m'initier au gaélique. Et puis j'en suis venu à m'installer à mon compte et à créer/fabriquer des bijoux et des oeuvres d'art d'inspiration celtique...
Je ne crois pas qu'à aucun moment j'ai pu considérer cette inclination comme une propension à me rendre intéressant, une manière de me prendre pour quelqu'un d'original, car cela aurait été bien cher payé une appétence à flatter mon égo alors que ma vie se poursuivait avec son lot de misères et maintes fois m'a-t-on conseillé d'abandonner un métier qui ne me nourrissait pas. Souvent je me suis dit qu'il fallait tourner le dos à ces rinçures, comme aurait dit Rimbaud, et j'en suis venu à considérer cet attrait pour la culture celtique, en ce qui concerne plus particulièrement la musique, comme des plus bizarre, incongru, étrange et étranger dans le sens de ne pas être en adéquation avec le milieu ambiant. En fait j'aurais préféré me consacrer à une musique traditionnelle plus proche, tant géographiquement que culturellement, de ma province natale ; par exemple celle du Massif Central, une musique bien de chez-nous car qui m'entendrait chanter en gaélique, même encore maintenant, au cours de mes promenades par les parcs et les jardins publiques me croirait tout droit débarqué de Beltégeuse !
Ainsi ne puis-je considérer cet état de fait comme quelque chose d'artificiel et c'est tout naturellement, et ce depuis le début, que j'en suis venu à l'hypothèse de la réincarnation. Mais, malheureusement, je ne puis que constater mon ignorance ; il y a des tas de livres écrits par des auteurs qui se vantent d'avoir étés toutes sortes de personnages dans des vies antérieures mais pour moi rien de tel : je suis bien incapable de me souvenir d'une réincarnation quelquonque. C'est pour moi quelque chose de douloureux et cependant cela continue à s'imposer : souvent je me parle à moi-même en gaélique ; heureusement que ce dialogue n'est qu'intérieur car je passerais pour un dément !
En ce qui concerne l'art celtique il y a deux manière de le considérer : la manière la plus répandue, la plus commerciale et la plus cynique, est de produire des articles pour le tourisme ce qui fait que toute préoccupation créative est totalement absente. Tout ces objets sont fabriqués à l'autre bout du monde et engendrent de grands profits. La seconde manière, celle que j'ai choisie, consiste à considérer l'art celtique comme un véritable art vivant de la même manière qu'il existe encore des langues celtiques vivantes (plus pour longtemps) et donc une culture celtique vivante. Cette démarche implique de créer ; ce qui ouvre le champs à la controverse car on peut toujours être taxé d'être inauthentique. Je me suis efforcé tout au long de ma carrière d'artiste d'éviter cet écueil tout en étant le plus créatif possible ; je ne sais si j'y suis parvenu. Pourtant je sens bien, retrospectivement, que je poursuivais un but caché, inconscient : une oeuvre d'art ultime.
Il est arrivé un moment, ce devait être au cours de l'année 2006, où alors que j'avais la tête dans les nuages j'ai été inspiré à créer le symbole qui nous occupe. Mais je n'avais obtenue que la version curvilinéaire dudit symbole:
de même que le quadriskel, la croix basque entre autres, est la version curvilinéaire du swastika. Pour moi ce n'était là qu'un dessin, un motif décoratif, comme un autre, aussi n'en ai-je pas fait grand cas. C'est pourquoi je l'ai rangé dans mes cartons et ne m'en suis plus occupé. Mais le 1er aout 2010 voilà ce qu'il est advenu : j'ai été littéralement forcé par un agent extérieur _ je ne préfère pas pour l'instant m'étendre sur la nature de cette force que je qualifierais de spirituelle car cela n'est pas nécessaire pour éclairer mon exposé _ à prendre véritablement en compte ma création.
Seulement que pouvais-je en faire ? Au début ce pendentif :
j'aurais pu le commercialiser mais je me suis très vite aperçu que ça n'intéressait personne. J'ai également accompli un gros effort de communication envoyant des dizaines de lettres à diverses personnalités sans jamais obtenir une quelquonque réponse. Sauf celle du symbologue Julien Behaeghel, mais au moment où je lui écrivais il était décédé et ne m'en suis aperçu qu'un peu plus tard aussi ne pouvais-je m'attendre à quelque réponse que ce soit or deux mois après je reçus une lettre émanent de Mme Behaeghel m'informant que son mari n'était effectivement plus de ce monde. La veuve du symbologue avait gentiment joint à son envoi une carte postale représentant le frontispice d'un des ouvrage de Mr Behaeghel intitulé : Apocalypse une autre Genèse. Ne pourrait-on y voir là une réponse posthume ? Au moment même où j'écris ces lignes la pandémie de COVID-19 sévit plus que jamais ; n'est-ce pas là une véritable prophétie ? Je laisse tout un chacun juge...
Puis je suis tombé gravement malade et au cours de l'année 2017 j'ai été amené à adopter la version définitive de ce symbole : le swastika allié au yin-yang. Un autre problème s'est alors posé : le rejet total ou alors cette mise en garde : " vous allez vous attirer des ennuis... ". Mais que pouvait-il m'arriver de pire que ma maladie ? Fallait-il que j'enterre ma création au prétexte qu'une légion d'imbéciles allait me tomber sur le râble à bras raccourcis ? Toute grande découverte s'est accompagnée d'inévitables controverses et ce n'est pas pour ça que les inventeurs, les pionniers, les découvreurs ont renoncé. Et de toute façon le problème ne se situait pas là car l'indifférence tue plus que les attaques et le dénigrement. Je me retrouve dans la posture de la mouche qui se serait égarée dans un pot de confiture et qui serait incapable d'en sortir. Pourquoi ce mépris ? Pour connaître la réponse à cette question peut-être faudrait-il que j'interroge individuellement les dizaines de personnes auquelles j'ai écrit et qui ne m'ont même pas fait l'aumône d'un simple accusé de réception. C'est évidemment impossible. Même les symbologues ne m'ont pas répondu ; pourtant c'est leur partie et ils ne s'intéresseraient pas à mon symbole ? Que lui reprochent-ils ? D'être déjà connu ? Or ce n'est pas le cas : je l'ai largement démontré précédemment. Seraient-ils scandalisés par la croix gammée ? Je pourrais ouvrir n'importe quel livre de symbologie et je verrais que le swastika figure en bonne place et est largement décrit et commenté. Il y a là un véritable mystère...
J'ai intitulé ce chapitre Mon petit morceau de vie mais je ne vois pas l'intérêt de raconter ma vie ; question de pudeur et aussi parce que j'estime que ma vie est bien peu intéressante et surtout je ne vois pas la pertinence d'une telle démarche car en quoi raconter ma vie rajouterait du sens à mon symbole ? Mais il ne faut pas oublier que le but de ce chapitre est avant tout de répondre à la question : " d'ou vient ce symbole ? " et qu'au fond ce fragment de ma biographie a le mérite de faire allusion à la réincarnation et que c'est sans doute là une piste à explorer. Seulement dans l'ignorance que je suis de mes vie antérieures tout ceci ne nous mène pas loin. Je pourrais, au prix d'un effort d'imagination, inventer une belle histoire ; cela pourrait abuser un grand nombre de gens mais certainement pas moi car je suis honnête et cherche avant tout la connaissance sûre.
Le tout est de savoir ce que je peux proposer à mes lecteurs éventuels ; les distraire ? Pour cela ce ne sont pas les livres qui manquent, s'ils sont excellents ils leur feront passer un bon moment mais pourront-ils véritablement changer leur vie ? Oui, il y arrive que des histoires, même seulement distrayantes, soient à même de changer une vie, c'est possible, ça c'est déjà vu... Mais c'est plutôt rare. Ce que je pourrais leur proposer qui ne soit pas une simple distraction c'est effectivement changer leur vie. Un symbole peut-il changer une vie ? Mon symbole pourrait-il changer la vie d'un grand nombre de gens ? Je suis dur et cynique et la réponse est évidemment : non. Qu'est-ce qui pourrait changer la vie des gens ? Leur fournir un autre point de vu sur la vie ? Les miracles. Les miracles apportent un démenti à la croyance la plus répandue ; au matérialisme, à la mort néant, à la fatalité du MAL et de la souffrance ; le miracle change en tout premier lieu la vie du miraculé, c'est l'évidence même, par la guérison mais aussi celles des témoins du miracle. Mon symbole pourrait-il susciter des miracles ? La foi accomplie bien des miracles mais en ce qui concerne le nouveau symbole... À moins de verser dans la superstition et de le vendre comme grigri ; cela pourrait marcher auprès des âmes naïves et simples, pourquoi pas. Mais qu'en est-il auprès de ceux qui, comme moi, ne jurent que par la raison ?
Au fond ce nouveau symbole pourquoi faire alors que l'humanité se prépare à faire le grand saut dans le néant ? A-t-on vraiment besoin d'un nouveau symbole ? Si j'avais la certitude que mon symbole puisse sauver le monde la question ne se poserait même pas.
Un simple dessin ne peut sauver le monde ; il faut être raisonnable.
Sa signification profonde serait-elle à même de le faire ?
J'ai exposé plus haut que mon symbole prolongeait, perfectionnait le yin-yang dans sa signification philosophique la plus élevée et pourtant la doctrine du Tao n'a rien apporté à l'humanité qui puisse la hisser vers plus de lumière...
Ce nouveau symbole se caractérise surtout par sa nouveauté et son originalité ; il a surgi ex nihilo, qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ?
Qu'il pourrait avoir son importance que si il vient en concomitance avec d'autres événements en étant fortement lié à eux par le sens : qu'il s'agisse là d'une véritable synchronicité.
Peut-être, mais il semble trop tôt pour faire pareil constat.
Ce que l'on constate surtout c'est que l'Apocalypse vient de débuter par l'épidémie mondiale de COVID-19. On peut rêver et se dire que la pandémie finira par s'éteindre d'une façon quasi miraculeuse et que cela changera du tout au tout les mentalités et que la raison finira par triompher entrainant le sauvetage de l'humanité. Oui, mais que viendra faire là le nouveau symbole ? Où sera la synchronicité ? On peut imaginer que des organisations en lien avec la guérison des maladies, mais aussi la guérison civilisationnelle, l'auront adopté comme emblème et que ces mouvements, à l'échelle mondiale, auront trouvé les remèdes à tout nos maux et en premier lieu en ce qui concerne les maladies les plus graves et tout particulièrement, ce qu'il y a de plus urgent, la COVID-19.
Tout cela est bel et bon mais ce n'est là que pure utopie et songe creux car encore faudrait-il que ce nouveau symbole soit connu tout au moins de ces hypothétiques organisations ce qui est bien loin d'être le cas. L'édition de ce livre que j'ai en projet et que je suis en train d'écrire accomplira-t-il ce dessein ? La réponse est non. L'expérience m'a démontré que je serai forcément en but à l'indifférence. Le grand public, quand il sera confronté à ma création, se trouvera dans la posture d'une poule qui a trouvé un couteau et c'est surtout l'incrédulité qui dominera.
Alors que faire ?
Peut-être faire appel aux grands initiés. Mais qui sont ces grands initiés et où se trouvent-ils ; comment je fais pour les joindre ?
Comme je l'ai relaté plus haut j'ai envoyé des dizaines de lettres à diverses personnalités du monde de la parapsychologie et de l'ésotérisme sans jamais recevoir de réponses. Ce peut-il que toutes ces graines que j'ai plantées finissent par donner naissance tous en même temps à autant de plantules ? La peste soit de ma naïveté !
Comme je n'ai pas de réponses raisonnable à cette lancinante question ce texte va, pour l'instant, s'arrêter là.
Mais il reste une autre question précédemment posée : quel nom donner à ce symbole ?
Il y eut un temps où j'avais songé à lui donner mon nom mais je ne puis plus supporter cette sotte vanité. Il faudrait lui donner un nom simple, facile à retenir et se garder d'un exotisme de mauvais aloi ; ne pas puiser un vocable dans des langues anciennes tel que le sanscrit, l'hébreu ou le celtique ancien par exemple. Ce pourrait-être un terme bien français immédiatement compréhensible et susceptible d'être traduit dans d'autres langues ; ainsi éliminerait-on toutes tentatives de chauvinisme et le rendrait-on universel. Puisque sa signification profonde est la réconciliation de la MATIERE avec l'ESPRIT tout en affirmant la prépondérance de l'esprit ne pourrait-on trouver un nom qui évoque cette propriété ? Pourquoi pas le UN ? Le symbole UN. "
Ce n'était que pure imposture ! Un pillage intégral ! Même la signature de Lesneven qui figurait dans le texte original avait été remplacé : " PASCAL SCHENAL samedi 26 octobre 2019 " C'était trop fort ! Il ne s'agissait là que de pure fiction : pour preuve cette mystérieuse épidémie provoqué par un certain virus appelé COVID-19. Il se devait d'aller botter le cul de ce Pascal Schenal qui avait piqué le texte de François Lesneven dans l'ordinateur de sa soeur !
Le jour suivant il retrouva l'adresse de l'imposteur, il habitait maintenant Lyon. Le déplacement s'impose ! Je veux voir la gueule qu'il a ce plagiaire ; je dois bien ça à la mémoire de François Lesneven. Et le lendemain Darius se retrouva devant le domicile de Pascal Schenal, il sonna et la porte s'ouvrit sur un jeune mec à la trentaine falote. Darius demanda abruptement : " Monsieur Schenal ? Commandant Chamechaude. Si vous vous souvenez : c'est moi qui a enquêté sur la mort de votre soeur, la dernière fois que nous nous sommes entretenus au téléphone c'était il y a dix ans. Vous vous souvenez ?
_ Oui , oui, bien sûr... Entrez commandant. " Un léger sourire se profila sur le visage du jeune homme empreint néanmoins d'un voile d'inquiétude. Darius fut introduit dans un salon banal et une fois assis il attaqua : " Vous n'êtes qu'un vulgaire imposteur ! C'est bien vous qui avez écrit ce fascicule n'est-ce pas !? " Il jeta la brochure qu'il avait sorti de sa poche sur la table basse. Pascal ne disait rien, interdit. Darius reprit : " Pouvez-vous m'expliquer ? " Pascal balbutia penaud : " Eh bien...
_ C'est un tissus de mensonge votre brochure !
_ Pas tout à fait, il y a au moins quelque chose de vrai : le symbole.
_ Que vous avez baptisé le symbole UN, compliment. Je ne sais pas si François Lesneven aurait été d'accord car à lui vous ne lui avez pas demandé son avis, n'est-ce pas !? Vous l'avez complètement blackboulé de l'histoire, lui ! Vous l'avez tué pour la deuxième fois ni plus ni moins ! Et puis cette fiction ! Vous prenez vos lecteurs pour de cons ! "
Pascal prit la brochure sur la table et souligna de l'index ce qu'il y avait d'imprimé sous le titre tout en disant : " Voyez Mr Chamechaude : qu'est-ce que vous lisez ici si ce n'est que le mot Nouvelle : je ne prends pas mes lecteurs pour des cons comme vous dites...
_ Oui, mais votre premier chapitre est une citation dont vous ne donnez même pas le nom de l'auteur et je ne parle même pas de la violation de la propriété intellectuelle : vous avez de la chance que Mr Lesneven n'ait pas d'héritiers, finalement ça vous est facile de vous approprier la dépouille d'un mort d'autant plus que personne ne viendra vous le reprocher puisque la découverte de François Lesneven est tombée aux oubliettes !
_ Personne sauf vous. Vous voyez bien que sa trouvaille n'est pas totalement passé inaperçue puisque vous avez fait des centaines de kilomètres pour m'engueuler. Il s'est passé onze ans depuis que vous avez découvert le fameux fichier où se trouvait le fameux symbole et qu'avez vous fait durant ce temps là pour le diffuser et le faire connaître ? Rien. C'est facile de m'accuser de plagiat mais moi au moins je fais quelque chose même si ça vous semble malhonnête. Si ça se trouve François, s'il nous regarde de l'au-delà, est peut-être très content que l'on publie son travail même si personne ne sait, pour l'instant, qu'il en est l'auteur. " Darius accusa le coup : qu'avait-il fait en effet ? À part avoir résolu de reprendre l'enquête suite à l'entrevue avec un Xavier Lesueur mourant. Il fit cette remarque : " Vous publiez cette nouvelle mais dites vous bien que vous avez à faire à beaucoup plus fort que vous ; à une puissance dont vous n'avez pas idée... " Il lui narra la conversation qu'il avait eu à l'hôpital avec son ancien chef et il ajouta : " Votre entreprise éditoriale est vouée à l'echec.
_ Merci de votre encouragement. Je suppose que c'est pour me punir de mon plagiat que vous me dites ça, n'est-pas ? " Darius s'acoisa, il eut un peu honte de ses dernière paroles : il était en effet tellement plus facile de critiquer plutôt que d'agir. Lui-même toute sa vie avait été confronté à ce genre de bassesses et voilà qu'il s'y mettait lui aussi... Il reprit essayant sur un ton conciliant de mettre plus de douceur dans sa voix : " Mais aussi cette histoire d'épidémie. Quelle imagination ! On dirait que vous êtes en contact avec un univers parallèle. " Un ange passa. Pascal Schenal reprit : " Croyez-vous vraiment que mon bouquin ne se vendra pas du tout ?
_ Ce que je peux vous dire c'est que je souhaite qu'il se vende même si j'ai pu vous faire croire le contraire. Mais que faire pour ce soit le cas ? Le symbole de Lesneven mérite mieux qu'une diffusion confidentielle, tout de même ! Et puis il y a le format de votre livre ; une simple brochure alors qu'il faudrait un bouquin d'au moins trois cents pages et il faudrait en outre une médiatisation, des passages à la télé, des articles dans les journaux... " Darius soupira et posa un regard plein d'aménité sur Pascal. Ils conversèrent encore pendant un petit moment et Darius finit par s'en aller.
Le lendemain Darius reprit sa routine. Pendant sa pause déjeuner il feuilletta à nouveau le livre de Pascal Schenal, il considéra l'illustration suivante :
pas de doute il s'agissait bien d'une photo. Il appela Pascal Schenal : " Dites moi Pascal ; il y a dans votre livre une illustration qui représente un bijoux : il s'agit bien d'une photo n'est-ce pas ?
_ Oui, en effet, c'est la photo d'un grand pendentif qui se trouve en ma possession.
_ Mais d'où sort-il ? Sur le fichier de Lesneven il n'y a jamais eu que des dessins jamais de photos d'objets réels. Aurait-il fabriqué ou fait fabriquer cet objet ?
_ Je ne croix pas : ce n'était pas un artisan qui aurait été capable de créer et de fabriquer des bijoux. Ce pendentif je l'ai trouvé aux puces, aux Puces du Canal à Villeurbanne.
_ Mais vous vous rendez compte de ce que vous me dites là ! Cela change du tout au tout ! Vous vous rendez compte ! Et le dessin en rouge et bleu, d'où provient-il ?
_ Ah là, c'est moi qui l'ai fait d'après le pendentif.
_ Est-ce que vous seriez capable de retrouver le marchand qui vous l'a vendu ?
_ Oh, ce ne doit pas être très compliqué : il tient un stand permanent dans la halle Louis La Brocante. Il est là tout les dimanches matins.
_ Ce que je vous propose c'est que allions ensemble voir votre bonhomme ce dimanche qui vient ; ça vous convient ?
_ D'accord, donc à dimanche prochain. "
Le dimanche suivant les deux hommes se trouvèrent devant le stand aux Puces du Canal.
Le marchand qui tenait le stand vendait toutes sortes d'objets ; surtout des armes à feu mais aussi des armes blanches, des couteaux de collection aux mitres décorées, surtout des laguioles, et également des cannes aux pommeaux ciselés. Le bonhomme n'avait pas l'air commode avec sa bedaine, ses bajoues et ses yeux injectés de sang. Il devait-être dur en affaire et pas très regardant sur la provenance de la marchandise qu'il vendait, estima Darius, sans doute devait-il exploiter aussi les artisans qui travaillaient pour lui ; en tout les cas : un sale con. Darius ne s'encombra pas de manière procédurale : il n'était certe pas dans sa juridiction sur la commune de Villeurbanne mais il devait impressionner ce type qui devait sans doute trafiquer beaucoup de choses et qui ne devait sans doute pas être très honnête ; aussi ne se géna-t-il pas pour brandir sa carte de police tout en se présentant sans grande aménité : " Commandant Chamechaude de la police judiciaire.
_ Qu'est-ce que j'ai encore fait ! " Rouscailla le commerçant. Ahah, se dit Darius, voilà qui en dit long sur ce mec qui doit souvent avoir à faire avec les collègues. Il reprit en montrant le pendentif. " Mr Schenal qui m'accompagne dit que vous lui avez vendu ce bijoux ; est-ce exact ? " Le marchand prit le pendentif et fronça les sourcils et dit : " Quoi ? C'est pas de la joaillerie grand luxe mais du vulgaire laiton, ça vaut pas grand chose : qu'est-que vous venez me faire chier avec cette babiole ? Oui, en effet, c'est moi qui l'ai vendu et puis après ? Je brasse énormément d'affaires ; si je devais me souvenir de toutes les petites ventes que je fais...
_ Pouvez me préciser la provenance de cette objet ?
_ Est-ce que je sais de belle, moi ! C'était dans un lot d'un tas de cochonneries que j'ai acquis lors d'un débarras : dans le métier on appelle ça la drouille, Monsieur l'Inspecteur... " Décidément, la moutarde commençait à monter au nez de Darius, le brocanteur n'allait pas se foutre de sa gueule encore bien longtemps. Le policier avait du métier et il avait maté d'autres fripouilles plus retorses que lui.
Un petit homme, la quarantaine famélique, pauvrement habillé, s'approcha du stand. Le marchand se désintéressa de Darius et de Pascal et se tourna vers le nouveau venu, il l'accueillit jovialement : " Ah, Monsieur Simplot, alors vous avez pu faire ces nouvelles mitres que je vous ai commandées ?
_ Bonjour Monsieur Barillet. Oui, voilà, je vous montre les cires. " L'homme ouvrit une boîte garnie de coton où se trouvaient de ravissantes et minuscules réalisations sculptées dans une matière diaphane qui devait être en effet une sorte de cire. Darius reconnut là des embouts de manches de couteaux, de ces couteaux du modèle laguiole notamment, et que l'on appelle mitres. Barillet continua à s'entretenir avec ce qui devait être un artiste méconnu et honteusement exploité, puis le marchand sortit quelques billets qu'il tendit à son fournisseur. Celui-ci compta les billets et tout à coup pâlit et il protesta faiblement : " Mais Mr Barrillet, le compte n'y est pas ; nous avions dit cinquante euros...
_ Ah, Mr Simplot je vous ai déjà payé la plus grande partie la semaine dernière ; il faudrait que vous sachiez tenir vos comptes.
_ J'ai une excellente mémoire et vous êtes en train de m'enfumer ! " Le petit bonhomme était en train de se fâcher pour de bon puis il remarqua le pendentif que barillet avait fini par poser sur le comptoir parmis toutes sortes d'armes blanches, il s'exclama : " Et le pendentif ! Cela fait plus d'une année que je l'ai mis en dépot-vente chez-vous ! Soit vous me le payez, soit je le récupère ! " Pascal intervint : " Mais il est vendu, Monsieur, c'est moi qui l'ai acheté, effectivement il y a un an ! Combien il coûte ?
_ Trente Euros.
_ Les voici. " Pascal sortit son portefeuille et remit trois billets de dix euros chacun à l'artisan puis se tournant vers le commerçant il déclara : " Vous devriez me rembourser les quarantes Euros que je vous ai payé, Barillet.
_ Ah, il n'en est pas question ! " Darius intervint : " Paye ! Ou j'appelle les collègues qui trouveront bien un prétexte pour t'obliger à fermer ton stand pourri ! " Barillet s'exécuta de mauvaise grâce en grommelant qu'il avait le bras long et que c'était un abus de pouvoir et patati et patata. Darius prit Simplot par la manche et l'entraina vers la sortie de la halle, Pascal, après avoir récupéré le pendentif, les suivit. Quand il furent dehors Darius s'adressa à l'artisan : " Faut pas vous laissez exploiter par ce gros con, Monsieur... Simplot ? C'est bien ça ? J'ai eu un aperçu de votre travail avec vos cires : c'est magnifique ! Et toute cette extraordinaire collection de laguioles que j'ai vu dans la vitrine sur le stand de ce gros porc quand il nous a tourné le dos d'une façon aussi malpolie : c'est bien votre oeuvre n'est-ce pas ? " Simplot hocha la tête, Pascal intervint : " Ah bon, c'est donc vous ; Barillet se vante à qui veut l'entendre que ce sont ses créations.
_ Quelques vagues croquis au début de notre relation mais depuis j'ai toujours travaillé d'après mes propres dessins que je lui soumettais. " Darius proposa : " Vous prendrez bien un verre avec nous, Mr Simplot ? " On se dirigea vers une buvette proche, on commanda des rafraîchissements puis après avoir fait les présentations, Darius s'enquit : " C'est évidemment bien vous qui avez créé ce grand pendentif mais d'où vient le dessin : c'est aussi une de vos création ?
_ Non, je l'ai trouvé dans un livre qui faisait une rétrospective sur l'oeuvre du symbologue Julien Behaeghel. " Darius s'étonna : " Mais Pascal, vous citez déjà Behaeghel dans votre ouvrage ; est-ce que vous saviez que ce symbologue existait déjà ?
_ Non, je suis tout aussi surpris que vous : je l'ignorais.
_ Et ça ne vous a pas étonné que cette version curvilinéaire du symbole de Lesneven existe déjà ?
_ Pas tant que ça, réfléchissez à une chose Darius : il s'est passé onze ans depuis la mise à jour de la création de Lesneven alors forcément c'était obligé que son symbole se diffuse d'autant plus qu'il a remué ciel et terre pour le faire connaître en écrivant à des tas de gens et s'il a écrit à des symbologues il y en a sans doute bien eu un parmi le lot qui ait modifié le tout nouveau symbole en créant la version curvilinéaire ci-présente pour ne pas faire de scandale, polémique que craignait d'ailleurs Lesneven ce qu'il souligne à l'envi dans son mémoire.
_Oui, en effet, c'est plausible. Le tout est de savoir si Lesneven a écrit à Behaeghel. "
Florentin Simplot intervint : il sortit un livre de sa sacoche : " Tenez voici le livre dont je viens de vous parler : Julien Béhaeghel, sa vie, son oeuvre ; c'est un biographe qui a écrit ce bouquin, voilà le dessin qui m'a servi de modèle :
je l'ai évidemment quelque peu modifié mais dans son essence c'est bien ça. " Il avait ouvert à une page marquée par un post-it, et il passa le livre à Darius. Le policier lut la légende sous l'illustration : " Ce dessin à été envoyé à Julien Behaeghel en 2012 par François Lesneven. " En lisant la quatrième de couverture Darius s'aperçut que le symbologue était décédé en 2007. On en était plus à une surprise près, Darius demanda abruptement : " Vous m'avez menti, Pascal, vous connaissiez déjà l'existence de Behaeghel, n'est-ce pas ?
_ Oui, mais j'ignorais l'existence de sa biographie posthume. La version curvilinéaire du symbole je ne la connais que grâce à la création de Mr Simplot.
_ Pourquoi vous m'avez menti ?
_ J'ai espéré jusqu'au bout que vous ne découvririez pas l'existence de ce pendentif et que vous penseriez que je serais l'auteur de la version curvilinéaire : si je vous ai menti il y a cinq minutes c'est à l'étourdi : la rencontre inopinée de Mr Simplot comme étant l'auteur du pendentif m'a destabilisé. Je pensais que la confrontation avec Barillet ne mènerait à rien et que vous feriez chou blanc. Vous avez pu vous rendre compte à quel point ce gros porc est roublard : ça aurait pu marcher.
_ Je veux bien vous croire... " Darius se demanda s'il devait pardonner Pascal Schenal pour ce mensonge car il se posa la question de savoir si par la suite il pourrait lui faire confiance mais il comprit aussi qu'en cas de grande déstabilisation psychologique on soit amené à mentir ; lui-même avait déjà été acculé à ce genre de situation : il était mal placé pour juger et durant sa carrière de policier, tout au long des auditions qu'il avait dues mener, il avait été confronté à des mensonges tout aussi invraisemblables les uns que les autres et par là il savait reconnaître la véritable mauvaise foi émanant d'une personnalité perverse de la confusion dû à une situation troublante aussi décida-t-il continuer à se fier à Pascal Schenal. Il poursuivit : " Alors pourquoi vouliez-vous que je crois jusqu'au bout que vous étiez le créateur de la version curvilinéaire du symbole Lesneven alors que cette idée ne m'a même pas effleuré l'esprit ?
_ Pourquoi aussi cette idée ne pouvait-elle vous venir à l'esprit ?
_ Parce que je ne crois pas que vous soyez un graphiste, un artiste : je ne sais pas ce que vous faites dans la vie actuellement mais je ne pense pas que vous évoluiez dans un milieu artistique.
_ En effet ; je suis ingénieur dans l'industrie pharmaceutique bien loin de la création artistique...
_ Donc c'est bien ce que je disais : pour modifier le symbole Lesneven il faut une certaine créativité, une certaine fantaisie, de l'imagination. " Florentin Simplot intervint : " Point besoin de tout ça, une grande culture suffit. Quand on sait que la croix gammée est la version anguleuse du quadriskel alors la version curvilinéaire du symbole Lesneven va de soi.
_ Dans ce cas là que n'avez vous par vous-même créé le dessin de votre si beau pendentif ?
_ Encore eut-il fallut que je connusse le symbole Lesneven, sans ça je ne pouvais y songer : il aurait fallu que préalablement je sois en possession de ce graphisme et qui aurait pu en avoir eu l'idée ? Personne à part Lesneven. " Après cet aparté Darius se tourna vers Pascal : " Pascal, j'ai répondu à votre question répondez maintenant à la mienne.
_ Mais pour la gloire, pardi ! Je ne pouvais revendiquer le symbole Lesneven car j'aurais fini par être démasqué, notamment par vous, mais du moins eu-je pu me glorifier d'en avoir créé la version curvilinéaire. Les écrits sur Julien Béhaeghel et les créations de Mr Simplot sont si confidentiels que j'aurais pu aisément tirer la couverture à moi.
_ Mais mon pauvre Pascal ; votre brochure a une diffusion tout aussi confidentielle et même si vous aviez connu votre heure de gloire en vous faisant passer pour le créateur de la version curvilinéaire vous auriez quand même été démasqué car comme l'a souligné Mr Simplot on n'eut pas manqué de remarquer que la version curvilinéaire procédait de la version anguleuse.
_ Qui s'en serait aperçu ? Pour cela il faut de la culture et même de l'intelligence ; denrée fort rare de nos jour : nonobstant ce problème de médiatisation j'eusse connu mon heure de gloire. " Conclusion sans appel. Que répliquer après ça ?
On se sépara et chacun rentra chez-soi.
Voilà résolu le mystère de la photo du pendentif. Que de temps et de déplacements économisés, se dit Darius le lendemain au commissariat, si seulement Pascal Schenal avait joué franc jeu. Dans la journée il apprit la mort de Xavier Lesueur.
Les mêmes interrogations refirent surface : avait-on tué Lesneven ? Qui le protégeait si tant est qu'il fût protégé ? Et que venait faire Mélanie Schenal dans toute cette histoire ? Et quel était le rôle trouble de son frère Pascal ? Certe il avait donné des explications convaincantes quand à la rédaction de sa brochure mais Darius restait sur sa faim. Comme un goût d'inachevé.
Pascal Schenal travaillait dans l'industrie pharmaceutique, il parlait d'une certaine pandémie due à un certain virus nommé COVID-19 dans sa nouvelle. Qu'est ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Ne fallait-il pas faire un rapprochement entre ces deux faits ? Darius lut à nouveau la nouvelle de Pascal Schenal. Est-ce que le Pascal Schenal de la réalité s'intéressait également à la culture celtique à l'instar du Pascal Schenal de sa fiction ? Comment savoir ? Rien ne le laissait apparaître. L'art celtique, le triskel, le quadriskel, Darius avait chez lui des livres d'art sur l'art celtique et il n'était pas entièrement un béotien en la matière. Il consulta des sites dédiés à l'art celtique et là il s'aperçut que des artistes bien de notre époque prétendaient créer au sein de cet art ; notamment un certain Florentin Simplot ! Décidément il allait de surprises en surprises ! Simplot avait créé une magnifique collection de bijoux inspirée de l'art celtique. Sur son site il y avait son numéro de téléphone. Il lui vint à l'idée qu'il pourrait l'appeler ; oui, mais pour quel motif ? Tant pis, se dit-il, on verra bien. Il composa le numéro et il finit par entendre la voix de Florentin : " Allo ?
_ Mr Simplot ? c'est le commandant Chamechaude si vous vous souvenez ; nous nous sommes rencontrés aux Puces Du Canal dimanche dernier.
_ Mais oui, Commandant, je me souviens très bien de vous... D'autant plus que j'ai reçu la visite de votre ami Pascal Schenal hier.
_ Ah, et que vous vous voulait-il ?
_ Il était intéressé par quelques unes de mes pièces et il m'a acheté un de mes torques. Nous avons discuté longuement, toute l'après-midi, c'est quelqu'un de très féru de culture celtique. Il est notamment très entiché de culture gaélique et se targue de parler irlandais. Mais ça vous devez le savoir puisque vous êtes son ami. " Darius se troubla, il bafouilla : " Oui, oui, bien entendu...
_ Que me voulez-vous, commandant ? " Le ton s'était fait suspicieux : que répondre ? Darius finit par dire : " Oh, j'enquête au niveau national sur un trafic d'oeuvre d'art et j'aurais voulu savoir si vous pouviez me donner des renseignements sur votre client Barillet car il n'a pas l'air d'être très net cet homme là.
_ Non, finalement je le connais très peu et ne peux guère vous renseigner. " On en resta là.
Ainsi donc il avait appris quelque chose ; quelque chose qui correspondait à la nouvelle. Darius se dit que des élements autobiographiques avait été utilisé pour l'élaborer.
Univers parallèle. Il s'immergea dans un rêverie sur de supposés univers parallèles où un autre Darius Chamechaude aurait une vie à la fois semblable et différente de la sienne. Il imagina un monde où il aurait pu s'adonner à ce qu'il aurait toujours aimé faire ; par exemple conduire des locomotives à vapeur comme l'avait fait son grand-père Alphonse. Et peut-être que cet univers existait, aussi réel que celui-ci et avec lequel il était peut-être en communication. Mais tout cela n'était que pure fantaisie ! La nouvelle de Pascal Schenal lui revint en tête : ce Pascal Schenal imaginaire existait peut-être bel et bien et essayait de communiquer avec son alter ego de cet univers-ci. Oui, mais pourquoi faire ? Tout à coup il lui vint comme une fulgurance ! C'était peut-être l'univers de la nouvelle qui était réel et que lui Darius Chamechaude évoluait dans un univers imaginaire, un univers rêvé ! Il se souvint de rêves lucides où quand il s'apercevait qu'il rêvait il se réveillait dans son lit. Mais ici rien de tel puisqu'il avait beau se dire qu'il rêvait il ne se réveillait pas. Cela ne marche pas comme ça, lui dit une petite voix intérieure. Alors comment est-ce que ça marche ? Cela ne marche pas comme ça parce que, peut-être, il faisait partie du rêve de Pascal Schenal et que lui Darius Chamechaude n'avait pas d'existence propre donc, pour ainsi dire, aucune existence réelle. Il se prit à rire de ses propres folies. Il savait bien qu'il avait un existence réelle ; qu'il n'était pas un simulacre ; quelque chose en lui le lui faisait bien sentir. Comment ? Il jugea que ce n'était pas le moment de se lancer dans un grande introspection ontologique et qu'il devait se fier à son intuition. S'il faisait partie du rêve du Pascal Schenal du COVID-19 c'est qu'il était, peut-être, lui-même Pascal Schenal et que tout les personnages qui gravitaient dans ce rêve étaient eux-même Pascal Schenal. Belle hypothèse en vérité, se dit-il, mais tout à fait invérifiable ! Cela ne lui ferait rien d'être Pascal Schenal à condition que son existence à lui ne fut pas remise en cause. Ah non, par pitié ! Pas la communion des saints ! Il ne se sentait pas d'humeur mystique.
Ce Schenal était-il si fiable que ça ? Après tout il lui avait déjà menti une fois pourquoi ne lui aurait-il pas menti à d'autres occasions. Mélanie Schenal avait-elle vraiment commencé une thèse sur la symbologie et Jean S. avait-il été son directeur de thèse ? Il n'avait aucune preuve matérielle de ces assertions : elle ne provenait que du témoignage de Pascal Schenal. Dans cette affaire il ne pouvait avoir qu'une seule certitude : Mélanie avait bien été l'étudiante de Jean S., et c'est tout. Il résolut de rappeler Pascal Schenal : " Pascal, encore une simple question : votre soeur s'apprêtait-elle à soutenir une thèse sur la symbologie sous la direction de Jean S. ?
_ Non, là aussi je vous ai menti. " Répondit-il avec aplomb. " Mais pourquoi ?
_ Parce que j'avais peur.
_ Peur de quoi ?
_ Peur de la vacuité, du manque de sens. Mélanie avait été en contact avec une des plus fabuleuses découvertes qui se soient présentées à l'humanité et elle n'avait pas eu le temps d'en faire quoi que ce soit puisqu'elle s'est faite homicidée juste après ça. En faisant croire, et en me faisant croire à moi-même, qu'elle était sur la piste de quelque chose par le fait qu'elle était en lien avec la symbologie je donnais un sens à une vie fauchée bien trop tôt. Mélanie aurait dû mettre ses pas dans les pas des plus grands mathématiciens de ce monde mais le destin n'en a pas voulu ainsi et elle a rejoint Evariste Galois dans la catégorie des génies avortés. "
Darius une fois de plus se prit la tête dans les mains : tout ça pour ça ! Une fois de plus tout lui échappait. Il ne crut pas nécessaire de devoir aller plus loin dans la recherche d'explications pour ce mensonge car il lui semblait clair qu'au moins là Pascal lui disait la vérité. Sa construction intellectuelle sur une supposée synchronicité sécroulait. Voyons voir, se dit-il, récapitulons : Mélanie découvre le symbole Lesneven juste avant d'être massacré et ça n'est que fortuit ; Lesneven était entré en contact avec S. et que S. avait été le prof de Mélanie. Mais ça aussi ce n'était que fortuit. Donc il n'y avait rien à tirer de tout ça. Il se pencha sur l'écran de son ordinateur il cliqua machinalement sur une entrée et le site de Florentin Simplot lui apparu. L'artisan/artiste n'était pas si difficile à dénicher que ça, se dit-il, Schenal si féru de culture celtique avait certainement été au courant de l'existence de Simplot bien avant leur rencontre aux marché aux puces. Tant pis ; il faut que je l'appelle : " Dites moi, Pascal, Simplot vous le connaissiez bien avant de l'avoir rencontré aux Puces Du Canal, n'est-ce pas ?
_ Oui, en effet.
_ Et je sais qu'après vous êtes allé le voir à son atelier, c'était la première fois ?
_ Oui.
_ Il faut donc vous arracher la vérité morceau par morceau, à vous !
_ Oh, du calme ! Y'a pas mort d'homme...
_ Vous avez donc oublié la mort de votre soeur et celle de Lesneven ? Pourquoi n'êtes vous allé rendre visite à Simplot qu'après l'avoir rencontré et pas avant alors que vous étiez au courant de son existence sans doute depuis longtemps vous qui êtes un grand amateur d'artisanat celtique ?
_ Je ne sais pas ; la crainte de déranger sans doute et on se dit que l'on aura toujours le temps de le faire : c'est comme ces Parisiens qui n'ont jamais visité la Tour Eiffel au prétexte qu'ils ont bien le temps pour le faire. Simplot ferait bien d'avoir une boutique ainsi il aurait plus de gens à venir le voir. " Pascal Schenal avait réponse à tout. C'était décourageant. Je n'avance à rien, se dit Darius, tout a une explication très ordinaire : pas besoin de faire appel aux Illuminati, mon enquête n'a rien de semblable avec les romans de Dan Brown. Je patauge dans le trivial jusqu'au cou. Une petite voix intérieure lui sussura : tu oublies le symbole Lesneven et c'est tout ce qu'il y a de plus extraordinaire... Une immense découverte qui aurait dû se répandre par le monde entier depuis tant d'année surtout après tout les efforts de communication que Lesneven avait accomplis. Pascal Schenal avait bien souligné que la version curvilinéaire du symbole Lesneven avait fini par sourdre car le temps qui passe finit par avoir raison de bien des résistances. La version curvilinéaire était très anodine et ne suscitait aucun scandale contrairement à la version anguleuse si semblable à l'emblème nazi. Oui, mais personne ne s'intéressait à ladite version curvilinéaire ! Il lui revint en mémoire Mario B. et comment il avait si froidement répondu à Lesneven. Il prit la décision de joindre Mario B.. Quand on travaille dans la police on peut obtenir tout renseignement : Darius trouva l'adresse et le numéro de téléphone de B. et apprit que celui-ci habitait l'Arizona ; de plus il n'aurait aucun mal à communiquer avec ce québécois. L'heure était favorable ; malgré le décalage horaire il ne dérangerait pas trop le grand scientifique : " Allo, Docteur B. ?
_ Oui, qui le demande ? " Répondit une voix cassante et lasse : " Commandant Chamechaude de la Police Judiciaire française, je vous appelle à propos d'une enquête vielle de onze ans à propos d'un certain François Lesneven.
_ J'espère que c'est important car si vous me dérangez pour pas grand chose...
_ Il y a quand même eu deux meurtres. Mr Lesneven vous a écrit à propos d'un grand symbole de l'humanité et vous lui avez répondu par courriel : est-ce que vous vous souvenez de cette affaire ?
_ Comment pourrais-je me souvenir d'un courrier de plus de onze ans et, un grand symbole dites-vous ? Quel grand symbole ? Je suis un chercheur en neuroscience : pourquoi devrais-je m'intéresser à la symbologie ? " Le ton de la conversation prenait un tour désagréable. Pour qui il se prenait ce Mario B. tout grand chercheur en neuroscience qu'il fût !? Se dit in petto un Darius de plus en plus exaspéré. Il craignais une fois de plus de faire chou blanc. Mais il lui vint une idée et il attaqua : " Votre préfacier Jean S. a envoyé chier Mr Lesneven comme un malpropre : ce génie méconnu et méprisé a été assassiné dans des circonstances mystérieuses et ça mériterait un peu plus d'attention. La mémoire de ce grand homme aurait peut-être droit à un peu plus d'égard, ne croyez-vous pas ? Des chercheurs en neurosciences vous donnez un coup de pied dans un arbre et il en tombe des dizaines alors qu'un Lesneven il n'y en avait qu'un au monde et dans toute l'histoire de l'humanité ! " Darius fut surpris par la véhémence de sa sortie ; s'il me raccroche pas au nez après ça... se dit-il. Mais B. ne lui raccrocha pas au nez; il resta un moment silencieux et finit par dire : " C'est trop vieux : je ne peux pas vous répondre immédiatement, il faut que je fasse des recherches et je vous répondrai d'ici un moment. " B. raccrocha et au bout d'une demi-heure le téléphone sonna c'était B. : " Oui, Monsieur le policier français, c'est Mario B.. J'ai retrouvé la lettre de Mr Lesneven car je garde et archive tout. C'est une lettre très brève avec un vague diagramme pas très clair comportant des croix gammées ; à l'époque je n'y ai sans doute pas fait très attention car je reçois des dizaines de lettres par jour ; j'ai répondu par courriel me dites-vous : je ne m'en souviens pas... En quoi cette découverte est-elle si transcendante ? " Darius se dit que si Lesneven avait rédigé un explication de plusieurs pages c'était évidemment pour éviter l'écueil de l'incompréhension : il avait fini par saisir, à bon droit, qu'il fallait se mettre à la portée de ses correspondants étant donné qu'il ne recevait aucune réponse. Il répondit : " Mr Lesneven a écrit une longue explication de son symbole : peut-être que vous vous feriez une meilleure idée de sa découverte si vous pouviez la lire ; puis-je vous l'envoyer par courriel ?
_ Bon, pourquoi pas... " Consentit B. embarassé mais cependant conciliant. Ainsi fut fait. Le lendemain Mario B. appela : " Oui, c'est tout à fait extraordinaire ! Cela va en effet dans le sens de ma philosophie qui s'élève contre le matérialisme. Mais en quoi puis-je vous aider dans votre cold case ?
_ Lesneven a été renversé par une voiture en bas de chez-lui : mon ancien chef le commandant Lesueur m'a révélé sur son lit de mort qu'il l'avait été intentionnellement : un contrat commandité par une puissance occulte.
_ Tabernacle ! On nage en plein Dan Brown ! Mais que puis-je faire pour vous ? Tout cela est bel et bon ; je reconnais que François Lesneven était un génie, certe, mais dans son texte je ne puis rien déceler qui pourrait concerner mes recherches. " L'entretien s'enlisait mais à la fin d'un silence pesant Mario B. intervint : " Mais j'y pense, j'ai chez moi un bandeau de perles tissées qui représente une concaténation de swastika et je crois que François Lesneven fait allusion à ce genre de motif décoratif.
_ Oui, en effet, il s'agit d'un bracelet en ivoire de mammouth.
_ Ce bandeau m'a été offert par un chaman hopi ; je croix qu'il est très féru de symboles et ne doute pas du pouvoir magique de ceux-ci. Je vais faire traduire votre texte en anglais parce que moi je n'en ai pas le temps et je le lui envoie. Je vous tiens au courant. Tenez je vais même vous envoyer une photo par courriel du bandeau. " On raccrocha.
Darius reçut peu après la photo en question :
Une semaine plus tard Mario B. appela à nouveau : " Darius, John Barefoot, le chaman amérindien dont je vous ai parlé, a été très impressionné par le symbole de François Lesneven, voici ce qu'il m'a dit : une nouvelle ère était en train de s'ouvrir pour l'humanité, que de grands bouleversements se préparaient et que les puissants de ce monde allaient être mis à bas de leurs trônes ; ce qui est en train de provoquer une forte opposition de leur part et qu'ils ont fait assassiner le créateur de ce symbole afin que celui-ci reste ignoré du monde entier. Pour trouver les coupables de ce crime il fallait chercher du côté d'un certain tatoué que vous reconnaîtrez aisément, il a grand tatouage dans le cou large comme la paume d'un main qui représente une idole maudite : celui qui s'est fait poser cette marque ne se rend pas compte de la puissance maléfique de ce symbole et qu'il n'est jamais autre chose qu'un instrument aux mains du MAL. Voilà ce que m'a prophétisé Barefoot. Maintenant vous avez une piste. Bon courage ! " Darius remercia chaudement le chercheur puis une fois l'entretien terminé il se demanda ce que tout ça voulait bien dire. La routine recommença ; la routine d'un commissariat d'une petite ville de province. De petit délits à traiter, des marginaux, des drogués, des SDF, des crimes sordides, quelquefois, dans les bas fonds de la misère crasse ; rien de très reluisant. Un matin Darius arriva au commissariat et il entendit qu'un de ses jeunes subordonnés avait maille à partie avec un prévenu particulièrement exité : une clameur de tout les diables emplissait le service ; il fallait qu'il intervienne avant que tout cela ne dégénère... Il s'approcha du bureau du lieutenant Rouvière : son client pourtant menotté s'agitait sur sa chaise en vociférant d'abominables injures contre le jeune flic qui avait du mal à tenir la situation en main. Le délinquant proprement vêtu n'avait pas l'air des habituels marginaux : cheveux ras, petites lunettes teintes, tatoué comme c'était la mode... Tatoué !? Mais qu'était donc ce tatouage à l'arrière du cou du jeune trou du cul ? Les paroles de Mario B. lui revinrent en mémoire : " Grand tatouage dans le cou large comme la paume d'une main qui représente une idole maudite " C'était exactement le cas : deux épais demi-cercles reliés entre-eux par le milieux dans leur convexité respective par un rectangle et un disque situé à l'intérieur de l'un d'entre-eux au niveau supérieur évoquait très exactement une silhouette humaine :
C'est l'idole de cette émission de la télé poubelle : Koh Lanta, se dit Darius, qu'est que ce débile vient nous faire chier ici !? " Oh ! On se calme ! Viens là, toi, ça va pas se passer comme ça ! " Darius se saisit du crétin et le dirigea sans ménagement en le secouant quelque peu vers son propre bureau. Grâce à son expérience Darius parvint à maîtriser l'énergumène et l'obligea à fermer sa gueule. Le lieutenant les avait suivi et se trouvait à présent derrière le prévenu assis devant le bureau, Darius lui demanda : " C'est quoi ça ? Yves, qu'est-ce qu'il fait là ?
_ Il a arraché son sac à une personne âgée et l'a flanqué par terre, elle est à présent à l'hôpital avec un fémur fracturé. " Darius eut un haut le corps, il se leva brusquement de sa chaise et en un bond il se trouva devant le délinquant et le saisit par l'encolure de son T-shirt et le secoua comme un prunier ; la colère lui faisait battre les veines des tempes, Il cria : " Petite ordure ! Tu sais moi ce je leur ferais à des lâches de ta sorte ! Hein ! Quel dommage qu'on ait aboli la peine de mort ! Je peux passer sur bien des choses mais la lâcheté ça je peux pas ! Misérable ! S'en prendre à plus faible que soi ! Mais quelle sorte de saloperie humaine tu es !? " Darius finit par se calmer et la procédure reprit : le dénommé Steve Marchal n'était même pas issu d'un milieux défavorisé mais venait au contraire d'une famille de cadres qui habitaient le quartier résidentiel de Mende, fait aggravant. Allez au trou ! Puis devant le juge !
Darius après cette journée éprouvante où il avait été une fois de plus été confronté au MAL essaya de se relaxer mais la prophétie du chaman Barefoot lui revenait sans cesse en tête. Ce Steve Marchal, ce misérable, ce minable, bras armé d'un puissance antagoniste ? Darius jugea que c'était peu crédible : des Steve Marchal il y en avait des millions sur terre, pour ne pas dire des milliards, avec ce même genre de tatouages débiles qui leur donnaient l'impression d'exister, de fieffés imbéciles qui étaient une charge pour l'humanité. Justement, intervint cette petite voix intérieure désormais familière, il ne faut pas considérer le cas particulier de ce Steve Marchal mais voir un ensemble d'individus ayant renoncé à leur intelligence et à leur conscience au profit de ceux qui gouvernent ce monde. Ils portent la marque : la marque de la Bête comme le prohétise l'Apocalypse de Jean, peu importe la forme de cette marque ; celle-ci est le sceau de leur allégeance au MAL : voilà le sens de la prophétie du chaman. Alors où se trouvent les coupables du crime dont a été victime Lesneven ? Ce sont eux, les imbéciles tatoués, qui ont tué le génie ? Il s'agit d'une responsabilité collective, reprit la voix : ce n'est évidemment pas le conducteur de la voiture qui a renversé Lesneven qui est responsable du crime. C'est le désespoir qui a tué Lesneven : il était tellement désespéré qu'il n'a pas fait attention à la voiture qui survenait et qui l'a fauché. Toute cette indifférence, cette incompréhension voilà ce qui l'a tué, ce sont les imbéciles qui l'ont tué.
On pourrait s'en tenir là mais quelque chose me chiffonne, se dit Darius : toutes ces lettres sans réponses, il se souvenait du testament de Lesneven, comment ça se fait que personne n'ait répondu ? Lesneven ne s'est donc adressé qu'à des cons ? Il n'y a pas que des imbéciles sur cette terre, se dit Darius, parmis le lot de ses prospects il devait bien se trouver des gens intelligents qui étaient à même de comprendre l'explication de Lesneven. Ne serait-ce pas là le fruit d'une conjuration hostile de nature surnaturelle. Si les miracles existent n'existait-il pas des contre-miracles ? Si la providence existe est-ce qu'une contre-providence existait aussi ? Ce malheureux Lesneven n'aurait-il pas été le jouet de cette contre-providence ? Etait-il maudit de la même manière qu'il existe des artistes maudits ?
C'était la fatalité, uniquement la fatalité ? On ne peut pas toujours avoir que de la malchance, elle finit par s'user ; de même que la chance finit par passer, se dit Darius, pas extrémement convaincu néanmoins par ce qu'il venait de penser. Et en quoi ça le concernait : il s'agissait de la malchance de Lesneven pas de la sienne ; il s'agissait du destin de Lesneven pas de son destin à lui, Darius, car il n'était finalement pas si mal pourvu que ça comparativement à Lesneven. Et puis Lesneven était mort : en quoi la chance pourrait-elle tourner en sa faveur lui qui était dans la tombe ? Si le symbole Lesneven finissait par connaître le succès qu'il méritait en quoi cela pouvait-il affecter un défunt ? Mais peut-être que dans l'au-delà Lesneven continuait à vivre ; même si c'était le cas il devait ne plus se soucier des affaires d'ici-bas ayant mieux à faire que de s'occuper d'humains indifférents aux questions spirituelles. Le mieux serait de tourner la page et de passer à autre chose. Sa petite voix intérieure intervint : " D'où est venu le symbole Lesneven ? Crois-tu qu'il s'agisse là d'une création ? Ce symbole a toujours existé, depuis toute éternité. Une entité spirituelle l'a inspiré à François Lesneven en lui donnant la mission de le faire connaître au monde entier. Maintenant nous te transmettons le relais : c'est à toi que nous confions cette mission. " Darius ne parut pas particulièrement surpris par cette voix qu'il avait sans doute toujours perçue. Elle avait toujours fait partie de son dialogue intérieur : il pouvait même la prendre comme étant celle de ses fantasmes et de ses fantaisies mais là c'était pour le moins inattendu : on me transmettait le relais ! Pourtant le symbole Lesneven n'aurait pas dû le concerner. La voix reprit : " Tu enquêtes sur cette affaire depuis tant d'années et personne ne te l'a demandé, même pas tes chefs : tu vois bien que tu es concerné. " Darius se souvint de ces mauvais films hollywoodiens où un personnage entendait d'une façon mélodramatique la voix de sa conscience ; il aurait pu se moquer de cette petite voix en considérant qu'il se faisait du cinéma mais, là, il se surprit à penser qu'il ne pouvait pas être autrement que cette voix soit celle de son destin. La résolution de Darius était prise : il continuerait l'oeuvre de Lesneven. Oui, mais comment ?
Le lendemain au commissariat il fut surpris de recevoir l'appel de Mario B. qui lui annonça : " J'ai rencontré le chaman Barefoot et voici ce qu'il m'a dit : il était entré en transe dernièrement et il avait voyagé dans le monde des esprits et que, là, il avait perçu l'âme de François : celui-ci s'est clairement identifié en montrant le nouveau symbole et il a projeté des images de l'avenir qui montraient qu'il n'y aura plus de frontière entre le monde d'ici-bas et l'au-delà, que les maladies, la viellesse et la mort seront abolies grâce au symbole UN et qu'ainsi l'humanité accédera à l'immortalité physique. Ce n'est pas fini : j'ai retrouvé une lettre de Lesneven que j'avais totalement oublié et qui parlait exactement du même sujet : il y faisait allusion aux peuples qui auraient précédé les populations celtiques installées dans l'extrème-ouest de l'Europe, qui auraient accédé à l'immortalité physique et qui serait passés en masse dans l'au-delà. Le folklore celtique et plus particulièrement la mythologie irlandaise font allusion à cet au-delà comme étant le monde du petit peuple féerique. Les monuments mégalithiques des pays celtiques seraient les portes d'entrée de ce monde que l'on nomme en gaelique le shi ce qui s'épelle : s, i accent aigu, o, d, h : sîodh.
_ Que de précision ! Pour le coup je croirais que vous êtes un gaélicisant.
_ Ah non, je ne le suis nullement. Tu connais un gaélicisant, toi, maudit français ?
_ Oui, il s'agit bien d'un de ces maudits Français comme vous dites, il s'appelle Pascal Schenal... " Darius raconta toute l'histoire qui gravitait autour de Pascal Schenal sans oublier de lui parler de la nouvelle dont il était l'auteur, et il fit allusion à son hypothèse d'univers parallèles. Mario fit remarquer : " Ceci n'est pas nouveau : des astro-physiciens ont déjà émis cette hypothèse sous le nom de multivers ; alors pourquoi pas ? Mais s'il y a multivers comment pouvoir communiquer avec ceux-ci ? Peut-être par l'esprit, par l'imagination ; ce que nous faisons déjà tous.
_ Oui, mais tout ceci ne donne pas un grand sentiment de réalité.
_ Pour Barefoot il ne fait pas de doute que les mondes qu'il visite en transe sont aussi réels, sinon plus, que notre réalité bien terre à terre et je le crois : c'est un grand chaman car il a fait de nombreuses prophéties qui se sont avérées.
_ Dans ce cas peut-être pourrait-il explorer l'univers dans lequel se déroule l'action de la nouvelle de Pascal Schenal ?
_ Il peut le faire mais pour cela il a besoin d'un repère matériel ; d'un objet qui pourrait être connecté à cet univers.
_ Est-ce que ça pourrait être le pendentif dont je t'ai parlé.
_ Oui, sans doute : il faudrait qu'il puisse avoir cet objet en main.
_ Dans ce cas je vais demander à Pascal Schenal de te l'envoyer. " Darius raccrocha et dans la foulée appela Pascal, il lui raconta son entretien avec Mario B. et s'il consentait à lui confier son pendentif pour pouvoir réaliser cette expérience. Pascal donna son accord et Darius lui passa l'adresse du scientifique.
Il se passa deux mois et Darius finit par recevoir un coup de fil de Mario B. : " Darius, j'ai remis le pendentif à Barefoot et il est immédiatement entré en transe et voilà ce qu'il a rapporté de son voyage : dans ce monde parallèle il existe bien un certain Pascal Schenal qui a bien créé le symbole UN. Il l'a vu alors qu'il a atteint l'âge de soixante-dix ans. Cet homme est célèbre et honoré dans le monde entier car on a reconnu son mérite pour avoir créé le symbole UN qui a ouvert une ère nouvelle en stoppant notamment la grande épidémie qui a bien failli faire disparaître l'humanité.
_ Tout cela est bel et bon mais c'est ce qui se passe dans ce monde-ci qui m'importe.
_ Vous autres maudits Français vous n'êtes jamais contents... " Mario avait dit ça sur le ton de la plaisanterie car il dut convenir que c'était bien joli tout ça mais que ça ne faisait pas beaucoup avancer les choses. Si au moins le monde, que Barefoot avait exploré, avait une influence substancielle sur ce monde-ci... Mais ce n'était pas le cas. Darius eut une idée : " Cet univers parallèle peut avoir une influence sur celui-ci en nous livrant de l'information ; le tout est de savoir quelle information.
_ Que l'humanité pourrait accéder à l'immortalité physique par exemple ?
_ L'idée n'est pourtant pas nouvelle : les mythes et les légendes du monde entier en parle déjà.
_ Notamment la mythologie celtique. Et si cette histoire de sîodh était réel ? peut-être qu'il faudrait prendre au sérieux ceux qui voient les fées, les elfes, farfadets et autres leprechâns.
_ Ce monde féerique c'est celui de l'au-delà qui est déjà le séjour des âmes des défunts. " Darius fut grandement surpris par ce qu'il venait de dire car il n'était pas vraiment croyant mais il comprit que ça coulait de source. Mario et Darius discutèrent sur ce thème pendant encore quelques minutes puis ils raccrochèrent.
Plus tard le soir alors que Darius était dans son pré-sommeil la petite voix reprit : " François Lesneven de l'au-delà essaye d'entrer en contact avec toi. " Puis il s'endormit. Au matin Darius se souvint de ce que la voix lui avait dit la veille. Comment communiquer avec l'âme d'un défunt ?
Darius rejoignit son lieu de travail. Dans la journée le commissariat dut faire face à une sale histoire : un forcené avait pris en otage une partie de sa famille et menaçait de tuer sa femme et ses enfants. Darius dut prendre la direction des opérations et dépêché sur les lieux avec son équipe fit son possible pour négocier avec l'énergumène. La prise d'otage s'éternisait et le préfet demanda que la situation soit débloquée. Darius fut amené, désarmé, à s'approcher du forcené. Il s'avança les bras en l'air revêtu de son seul gilet pare-balles vers le forcené mais un coup de feu retentit ; ce n'était pas le preneur d'otage qui avait tiré mais un fusil qui s'était déchargé accidentellement. Le forcené prit peur, tira et toucha Darius à la tête. Darius mourut sur le coup.
Pascal Schenal au même moment était assis sur un banc dans le parc de la Tête d'Or profitant de la fraîcheur de cette fin d'après-midi du 1er aout. Lui aussi entendit une voix qui lui parla dans sa tête : " Pascal, c'est moi Darius. " Pascal sursauta, c'était bien le son et le timbre de la voix de Darius. La voix reprit : " Je suis mort ; je viens d'être abbatu d'un coup de fusil en pleine tête à Mende. " L'âme de Darius continua de parler pendant vingt ans à Pascal.
Sur cet éternel sujet : le symbole UN. Que pouvait faire Pascal que n'avait déjà fait Lesneven puis Darius après lui ?
Pascal Schenal essaya bien de faire connaître au monde entier le symbole UN mais lui aussi n'arriva à rien.
Cette humanité était décidément bien indifférente à ce qui aurait pu pourtant lui épargner sa perte.
Vingt ans après la mort de Darius une terrible pandémie à corona virus se répandit et extermina tout le monde y comprit Pascal Schenal. Il n'y eut pas de survivants.
Cependant ce qui avait fait la perte du genre humain c'est sa prolifération et la multiplication des contacts, des échanges entre toutes les populations du globe ; personne ne pouvait s'isoler et tout le monde fut touché et tout le monde mourut. Sauf...
Un tout petit groupe de quelques personnes totalement isolé de tout les autres humains ce qui fit qu'il fut épargné par le corona virus. Où se trouvait ce petit groupe ? Dans un coin isolé de la forêt amazonienne ? Dans la jungle de Bornéo ? Faisait-il partie de ces peuples que l'on qualifie de premier ? Dans ce cas l'humanité n'avait pas entièrement disparue puisqu'un microscopique bourgeon allait pouvoir la faire ressusciter, et tout recommencerait : au bout de quatre milles ans la Terre serait à nouveau occupée par des milliards d'hommes qui commettraient les mêmes erreurs et finiraient par disparaître à nouveau. Dans ce cas là c'était pas la peine ; mieux aurait valu que l'humanité toute entière soit rayée de la carte, en l'ocurence du globe terrestre, car quel aurait été le sens du développement de l'intelligence et de la conscience dans cette espèce si c'était pour aboutir au néant ? Ces survivants se devaient de renier l'humanité s'ils projetaient pour leur descendance un sort différent de cette dernière. Oui, mais comment ? Un être humain se caractérise par une forme, une apparence anatomique, psychique, éthologique strictement définie or les membres de ce groupe de survivants étaient bien des hommes et des femmes à part entière : donc c'étaient bien des humains. En quoi pouvaient-ils renier leur humanité ? Question difficile et controversée car les nazis, mais aussi les enragés du libéralisme, ont eux aussi renoncé à leur humanité, mais nous buttons là sur une définition : " Sentiment de bienveillance ; compassion, bonté. " (le Petit Larousse). Tout cela n'est-il pas merveilleux et émouvant ? Tout ces bons sentiments : tout ce que nous ont enseigné les religions et, justement, l'humanisme ? Mais aussi quelle hypocrisie ! Car après tout on pourrait donner un double sens au mot humanité : méchanceté, égoïsme, mesquinerie, inconscience, prédisposition au MAL, à la destruction et à la barbarie. C'est l'un ou l'autre : il faut choisir. On voit bien que ces survivants, quand on dit qu'ils avaient renoncé à leur humanité, avait en fait renié à ce qu'il y avait d'intrinsèquement pervers chez l'être humain et à ce qui avait causé sa perte.
Mais qui étaient ces survivants et où se trouvaient-ils au moment de l'épidémie ? Mais est-ce bien raisonnable aussi de parler d'un endroit réellement isolé alors que le moindre îlot, le moindre bout de désert ou de forêt vierge a été exploré et où, à cause des satellites, toute personne et activité humaine peut-être repérée ce qui suscite la curiosité et se répand à travers internet et les réseaux sociaux : essayez de devenir un Robinson Crusoë moderne et bientôt le monde entier le saura et des tour-operators et des hordes de touristes ne tarderont pas à venir vous assiéger dans votre île déserte !
En fait quand je parle d'isolement je voulais dire isolement social et non géographique. Il se trouve que lesdits survivants au moment de l'épidémie étaient plongés dans un terrible isolement social : personne ne faisait attention à eux et ils étaient encore bien plus marginalisés que les plus misérables des SDF. Bien entendu cet isolement ne pouvait les protéger de la contagion puisqu'ils étaient des solitaires au milieu de la foule or il se trouve, allez savoir pourquoi, que leur système immunitaire exceptionnel les sauva de l'épidémie. Bien entendus des marginaux il y en avait des milliers sur terre au moment où l'humanité était sur le point de disparaître : des associaux, de chétives créatures qui avaient pris en grippe la société dans son ensemble, à cause de ses rites sociaux et de son hypocrisie, mais seul quelques uns d'entre-eux furent épargnés. On ignore pourquoi. De même que l'on ignore pourquoi ce furent plus particulièrement des révoltés et des justes qui furent sauvés alors qu'apparemment un système immunitaire se moque de savoir si l'organisme qu'il défend est celui de quelqu'un de bien ou d'un fils de pute. Cela se passa comme ça : cela faisait peut-être partie d'un plan divin, une nouvelle alliance en quelque sorte. Que l'on se souvienne du Mythe de Noé dans la Genèse et l'on pourrait alors aboutir à cette même conclusion.
Les survivants ont été semés aux quatre coins de la planète, isolés des uns des autres. Pour qu'une nouvelle civilisation puisse émerger des ruines de l'ancienne humanité il va bien falloir que ces hommes et femmes se réunissent en un point précis du globe ; où exactement ? Là où se trouve un homme, un prophète pour ces temps nouveau. Cet homme s'appelle Florentin Simplot et à la fin de la pandémie, comme il ne pouvait plus rester dans un milieu urbain dévasté, il a choisi de s'installer seul dans une vielle ferme de la Drôme ; à Dieulefit. Là, avertis d'une manière mystérieuse de sa précence en cet endroit du monde, les survivants afflueront en masse auprès du nouveau prophète. Ils se retrouveront là à plus d'un millier et construiront un village pas très éloigné de ce qui avait été Dieulefit. Florentin a récupéré son pendentif ; celui qu'il avait créé vingt-cinq ans auparavant :
il le porte maintenant en sautoir sur sa blouse délavée à la couleur céruléenne. C'est devenu l'emblème de la petite communauté dont il est maintenant le pasteur. Comment ça se fait que ce ne soit pas le symbole Lesneven ? Que l'on se souvienne de la rencontre de Florentin avec Darius et Pascal ; le symbole Lesneven avait été évoqué comme étant la version anguleuse du symbole curvilinéaire envoyé à Julien Behaeghel. En fait Florentin Simplot ne l'a jamais vu ; cette version. Bien entendu un grand artiste de sa trempe et de son intelligence aurait pu facilement déduire cette version de celle de son pendentif mais il a négligé de le faire. Pourquoi ? Parce qu'il a fait un autre choix : pour lui la version curvilinéaire était la combinaison de deux grands symboles de l'art celtique : le triskel et le quadriskel. Ces deux figures combinées, le triskel étant prépondérant, est devenu l'emblème de ce qu'il nomma la Nouvelle Celtie : la combinaison du swastika et du yin-yang n'aurait pu remplir ce rôle car ces deux symbole était à ses yeux trop éloigné de la tradition et du monde celtique. Et surtout il pensait comme la majorité des occidentaux que la croix gammée représentait définitivement le MAL et que rien ne pourrait y remédier : pour lui le swastika ne pouvait apporter que le malheur. N'avait-il pas raison puisque malgré les efforts de François Lesneven, Darius Chamechaude et de Pascal Schenal le symbole UN n'avait pu s'imposer et qu'à cause de ça l'humanité avait disparu victime de la COVID-19 ? Florentin croyait à la magie des symboles surtout à celle des emblèmes composant l'art celtique ; en premier lieu le triskel. Il croyait à la magie de l'art celtique.
Mais que l'on songe qu'à l'époque précédant l'épidémie cette version curvilinéaire n'intéressait personne. On aurait pu penser que le symbole Lesneven, à cause justement du swastika, aurait dû se répandre par le monde entier bénéficiant du parfum de scandale de ce qui rappelait par trop l'époque nazie. Or il n'en a rien été. Pourquoi ? Ceci reste un mystère alors que le désintérêt pour la version curvilinéaire pouvait encore s'expliquer : il n'y a pas grand monde à s'intéresser à l'art celtique et parmis ceux qui s'y intéressent bien peu à accepter la nouveauté. Ainsi Simplot pense que sa communauté est la Nouvelle Celtie mais tout ceci est bel et bon mais l'ancienne Celtie se caractérisait par un ensemble de langues appelées langues celtiques or dans sa communauté tout ces individus venus de tout les continents et pays du monde ne parlent qu'une seule langue faite de bric et de broc dont la base est ce que l'on appelait le globish avant la grande mortalité : un jargon fait de mauvais anglais. Bien sûr le prophète sait que la langue est le plus souvent la base de l'identité ethnique mais il ne croit pas qu'imposer telle ou telle langue à ses ouailles soit une bonne idée, ni d'ailleurs imposer quoique ce soit ; aussi laisse-t-il faire son petit monde car il sait que les femmes et les hommes qui l'entourent ne peuvent oeuvrer que dans le sens du bien, son rôle se borne à les conseiller à conditions qu'ils sollicitent avant tout ses sages avis.
Alors c'est quoi cette Nouvelle Celtie ? Il faudrait peut-être chercher à savoir quels sont les points commun entre la Nouvelle Celtie et l'ancienne. Si ce n'est pas la langue, les traditions, la mythologie, la littérature, les coutumes, les lois, la musique, les chants et les danses qu'est-ce donc ? Tout les membres de la communauté, y compris et surtout Florentin lui-même, ont un point commun : la faculté de communiquer avec l'invisible ; notamment avec des entités très liées à la nature. Voilà le point commun entre l'ancienne et la nouvelle Celtie.
Quand à la langue il sait qu'en quelques générations ses ouailles feront de ce sabir informe une langue riches et sonore propre à communiquer les moindres subtilités de la pensée et de l'âme : il ne fait pas de doute pour lui qu'une poésie émouvante fera son apparition. Que par le passé les Ashkénazes se sont forgé une langue magnifique : le yiddish et qu'ils n'en sont pas moins restés des Juifs fidèles à Abraham ; leur identité judaïque ne faisait pas de doute quand bien même leur langue eût pour origine un sabir allemand mélé de mot hébreux. Eh bien, il en sera de même pour mes Néo-Celtes, se dit-il.
Avançons dans l'histoire : la Nouvelle Celtie s'est bien développée et elle comprend maintenant cinquante millions d'habitant qui se répartissent sur ce qui fut, il y a longtemps, l'Europe de l'ouest. Les Néo-Celtes habitent surtout le rivage atlantique. La langue s'est curieusement modifié car elle possède maintenant une structure agglutinante. Ils ont acquis de grands pouvoirs surnaturels grâce à leur fréquentation du monde de l'invisible ; notamment en ce qui concerne la psychokinésie. Maintenant ils érigent de grands monuments mégalithiques : des tumulus recouvrant de grands temples, de très hautes pierres dressées pesant chacunes plusieurs tonnes. Quelques millénaires plus tard. Les peuples heureux n'ont pas d'histoire, c'est bien connu : on pourrait dire que les Néo-Celtes ont repeuplé la Terre tout en faisant attention à maîtriser leur fécondité ; ils ne sont guère plus de cent millions et se portent à merveille, vivent de peu et connaissent le bonheur. Point final, pourrait-on dire, et c'est là que pourrait s'arrêter notre histoire.
Dans ce monde idyllique, le symbole que le prophète Simplot a créé s'est répandu dans le monde entier et est devenu l'emblème d'une grande religion naturiste mais en 2031, l'année où nous le rencontrons pour la première fois, aux Puces Du Canal, tel n'était pas le cas. Avec de la persévérence, Florentin Simplot eut-il pu diffuser la version cuvilinéaire du symbole UN ? La réponse est évidemment non car au moment de l'extinction de l'humanité il n'était arrivé à rien. S'il avait eu les moyens... diront les bonnes âmes... avec de la publicité, en étant médiatisé... et étant donné que le symbole Simplot était anodin comparé au symbole Lesneven... sottes allégations : à l'ère d'internet et des réseaux sociaux le symbole Simplot aurait dû au moins être piraté ; même si Simplot eut été dépossédé de sa création _ qui, ne l'oublions pas, provenait elle-même de Lesneven par l'intermédiaire de Behaeghel _ il aurait dû en être de même pour le symbole Lesneven. Si finalement le symbole Simplot a triomphé c'est parce qu'il a fondé une grande religion dont l'emblème a été justement sa création. Voilà la solution, tant pour Lesneven que pour son épigone Simplot : fonder une religion. Après tout, un certain Claude Vorillon, plus connu sous le nom de Raël, a fondé une secte qui s'est répandu dans le monde entier en inventant à la base une invraisemblable histoire d'extra-terrestres ; l'emblème de sa secte est bien le fameux symbole Raël :
combinaison de l'étoile de david avec le swastika _ qui ne semble d'ailleurs avoir scandalisé personne _ connu également dans le monde entier. Ainsi donc c'est ce qu'aurait dû faire Lesneven. Mais sans doute Lesneven était-il trop honnête pour le faire et si Simplot a finalement réussi il aura fallu pour ça la mort de l'humanité et des imbéciles.
Bien entendu l'humanité défunte n'était pas composée entièrement d'imbéciles mais ceux-ci par leur masse empêchaient toute évolution vers un monde où il eut été plus facile de vivre.
Et même si Lesneven avait fait la même chose que Raël eut-il réussi ? N'oublions pas que son but était de diffuser son symbole pas de plumer des gogos. Il s'adressait avant tout à des gens intelligents qui n'auraient certainement pas gobé des fables invraisemblables à base de petits hommes verts.
Si Simplot a réussi là où Lesneven a échoué c'est qu'il se trouvait dans un monde nouveau ayant fait table rase de toute la bêtise accumulée par tant d'aveuglement et d'inconscience.
Faut-il pour ça la mort de l'humanité dans son entièreté ?
Sans doute pas. Alors que faut-il faire ?
Rien.
Car dans cet univers particulier du Multivers, tout a été consommé. Certe on ne peut exclure que dans un autre univers de ce présupposé Multivers _ théorie hautement controversée et même rejetée par de grands esprits du nouveau paradigme _ il en eut été autrement : cela aurait pu être l'univers où un autre Pascal Schenal créerait le symbole Un; que l'on se reporte à la nouvelle où Pascal Schenal plagie littéralement l'explication du symbole Lesneven. Cette nouvelle eut pu se prolonger et devenir un roman plus ou moins court : si le Pascal Schenal de cet univers imaginaire était mort de la COVID-19 cela serait resté une nouvelle, si il avait survécu à la pandémie et finalement triomphé des imbéciles sa vie eut pu se prolonger au delà du raisonnable avec plein de rebondissements et péripéties et cela aurait pu être un roman fleuve et s'il avait fondé un grand mouvement spirituel qui se serait propagé après sa mort au point de conquérir la galaxie (cf. Fondation et Nouvelle Fondation, de Isaac Asimov) une série en plusieurs volumes. Bien sûr le plumassier qui est train d'écrire ce bouquin qui sent l'huile pourrait faire ce travail de prolongation mais il lui est impossible de connaître l'avenir de ce Pascal Schenal, que nous appellerons Schenal 2, car cet univers parallèle se fait rétif à son imaginaire : c'est, en fait, comme si l'histoire en puissance dépendait d'un imaginaire tout à fait étranger au sien propre. Qui peut imaginer et créer son destin ? Certains livres, sur la prétendue pensée positive (laissez moi me marrer), prétendent le faire...
Il nous faut donc revenir à l'univers Schenal 1. Un monde qui a dû entièrement se reconstruire après la grande mortalité due à la COVID-19 et où le symbole Simplot est devenue l'emblème d'une nouvelle religion. Les Néo-Celtes ont décoré leurs imposants et magnifiques monuments du symbole Simplot qui s'est changé aux cours des millénaires, en suivant les lois de l'évolution phonétique, en Sivvlo. On le retrouve partout sur la surface de la Terre tant gravé, sculpté, peint et même comme plan architectural de temple ; de la même manière que la croix latine a été le plan architectural des églises catholiques, la même choses pour les églises orthodoxes avec la croix grecque. Voilà à quoi ressemblait le plan d'un temple néo-celtique :
à un labyrinthe; ce qui devait par la suite engendrer un riche épisode de la mythologie néo-celtique, mais ceci est une autre histoire qui sera peut-être racontée. Mais ne reconnaît-on point là le symbole Lesneven ? Dans l'art néo-celtique cette version est en fait très vite apparue. Ouf ! Après la disparition de l'humanité d'avant, les imbéciles qui auraient pu s'offusquer de ce symbole avaient aussi cessé d'exister. Mais à quoi devaient ressembler ces temples en perspective ?
À cela ; des alignements de pierres dressées quadrangulaires suivant le plan de la structure interne du monument le tout coiffé de linteaux à l'instar de ce que l'on peut voir à Stonehenge. Il n'y avait pas de toit pour couvrir ces temples ; simplement ces pierres dressées. Ces monuments ont remplacé au cours des âges les anciens temples en cella sous tumulus de pierres.
Voilà l'histoire de la Nouvelle Celtie : immuable. Tellement immuable que quelqu'un (peut-être un démiurge, allez savoir) a finit par s'ennuyer de tant d'immobilisme. Bien sûr les archéologues qui se pencheront sur les Néo-Celtes noteront une sensible évolution dans leur art et leur architecture ; témoin l'apparition au deuxième millénaire après la Grande Mortalité (noté aussi apr. G.M.) de temples à plan sivvlo. Précisons que le terme sivvlo désigne aussi bien la version curvilinéaire que celle angulaire. Mais le démiurge ne saurait se contenter d'une évolution si sage dans les arts et les techniques : il lui faut du bruit et de la fureur ; de l'Histoire, tant pis si celle-ci est écrite par un idiot. Voilà pourquoi il a envoyé sur la Nouvelle Celtie les barbares. Mais d'où venaient ces barbares ; ces nouveau barbares ? Cette nouvelle humanité était à ce point homogène, pacifique et prospère qu'elle ne pouvait engendrer en son sein des hordes de sauvages violents, cupides et cruels.
En fait, l'ancienne humanité n'avait pas été entièrement éliminéé. De la même manière que dans un organisme les bactéries, en nombre infime, survivantes qui ont developpé une résistance à un antibiotique se remettent à proliférer, des anciens humains, réduits à quelques centaines d'individus et ayant échappé à la Grande Mortalité, se mirent à nouveau à entamer une explosion démographique. Mais où se trouvaient ces anciens humains en très faible nombre ? Dés 2040 des tarés, qui se réclamaient du transhumanisme, ont formé le projet de conquêrir l'espace, parmis eux se trouvaient de grands milliardaires tel que Ellon Musk, entre autres. La NASA avait déjà atteint Mars et envisageait de la coloniser mais ce projet fut finalement attribué à l'initiative privée ; c'est pourquoi une société privée fut créé afin que les plus riches de la planète puissent habiter sur Mars. Ces gens là dans leur ensemble ne voulait pas s'arrêter là et envisageaient de faire de la planète rouge une base arrière pour une expansion interstellaire, rien que ça ! C'est pour ça qu'une petite colonie de quelques centaines de ces rupins s'installa à demeure sur Mars. Ils transformèrent à grands frais la planète et la rendirent habitable ; ils firent comme les autres humains avait fait pour la Terre : ils l'exploitèrent de fond en comble si bien qu'ils en épuisèrent les ressources en peu de siècles d'autant plus que leur nombre avait cru considérablement. Ces nouveaux Martiens avait fait une croix sur la vielle Terre d'autant plus qu'en 2051 se produisit la grande pandémie à COVID-19 qui éradiqua pratiquement l'ancienne humanité aussi jugèrent-ils bon de ne jamais revenir sur leur planète natale. D'autant plus que l'un d'eux fut responsable de la création et de la propagation du fameux virus : cet homme qui s'appelait Rowan Ritch commanda à partir de Mars, à une société de biotechnologie qui lui appartenait installée en Chine, la manipulation génétique d'un corona-virus dans le but, pensait-il, de le rendre immortel lui et les riches privilègiés installés sur la planète nouvellement colonisée. Dans ce projet délirant il fut conseillé par un savant fou qui se targait d'un prix nobel de médecine obtenu par corruption ; le monde scientifique était tombé bien bas à cette époque là. Ce prétendu scientifique avait mis au point toute une théorie qui prônait l'allongement et la restauration des télomères au bout de l'ADN : il pensait ainsi que toute les cellules du corps humain seraient à même de se reproduire à l'infini et par là que l'immortalité serait acquise. Pour ce faire il comptait sur un corona-virus modifié de cette manière : un ADN de corona-virus contenu dans une enveloppe protéique venant du virus HIV viendrait stimuler, par un processus mystérieux connu de lui-même, la pousse des télomères. Tel était le délire de ce pseudo savant du nom de Ron Hubart. Bien entendu tout ceci n'avait aucune valeur scientifique. Or le virus s'échappa du laboratoire et contamina la Terre entière et ce fut la Grande Mortalité. Les femmes et les hommes de la Terre en connurent l'origine ainsi que ceux qui furent responsables du mal qui les affectait et ils firent, avec raison, des nouveau Martiens des boucs émissaires et ceux-ci ne purent plus jamais revenir sur Terre tant grande était leur crainte de se faire lyncher par les Terriens. Toutes les communications avaient été rompues entre les deux planètes si bien que les riches occupants de la planète rouge ne surent pas que toute l'ancienne humanité avait été exterminé et qu'ils n'auraient rien risqué en revenant après la pandémie sur la Terre.
Ayant épuisé les ressource de Mars alors qu'ils étaient déjà à plus d'un milliard d'individus au bout de seulement cinq cents ans d'occupation les Martiens furent acculés à trouver d'autres planètes à exploiter et à saccager. Ils développèrent une technologie avancée qui leur permirent de conquêrir d'autres terres orbitant autour d'autres étoiles ; pour ce faire ils captèrent les ressources de tout les astéroïdes de la ceinture du même nom. Ils trouvèrent de nouvelles sources d'énergie pratiquement intarissables. Ils allèrent jusqu'aux confins de la Voie Lactée empruntant ces mystérieux raccourcis spatio-temporel que l'on appelle trou de vers qui leur permirent de faire en peu de temps de considérables voyages de plusieurs milliers d'années lumières. Ainsi leur population a cru de cinq cents milliard d'individus mais au bout de quatre milles ans ils eurent épuisé toutes les ressources des planète qu'ils avaient conquises.
Toutes les planète de la galaxie y étaient passées sauf une : la Terre. Pourquoi se sont-ils occupés si tard d'une planète qui était si voisine de Mars et d'où leur espèce était originaire ? À cause d'un tabou. Où plus précisément à cause d'une prophétie qui les faisait craindre de retourner sur la planète de leurs ancêtres. En l'an 2055 naquit sur Mars un juste issue d'une grande et riche famille d'origine californienne, son nom était John Smith. Il grandit dans une société où la seule préoccupation était d'accumuler toujours plus de biens matériels et à cause de sa révolte contre son milieu familial et social il se trouva marginalisé. Sa place aurait dû être sur Terre au sein de la Nouvelle Celtie. C'était lui le prophète. Voilà ce qu'il prédit et qui fut pris très au sérieux par tout les Martiens : ce qui en soit est plutôt étonnant puisqu'aucune cassandre, aucun jérémie n'est jamais cru. En 2088, l'année où prophètisa John, la Grande Mortalité sur la Terre était encore dans toutes les mémoires et un sentiments d'horreur mélé d'une vague réminiscence de culpabilité demeurait encore dans tout les esprits, tout les Martiens savaient que c'était un des leurs, le tristement célèbre Rowan Ritch, qui était à l'origine de cette épouvantable catastrophe : en fait cet épisode était pour eux comparable à la Shoa et Ritch semblable à Hitler. Seul un grand scientifique pouvait avoir l'audience des foules et il se trouva que John Smith à même pas trente trois ans en était un : il s'était fait remarquer par une découverte essentielle qui aurait un rôle à jouer dans les futures explorations interstellaires. Il avait détecté de manière irréfutable la présence d'un trou de ver à proximité de Mars. Par cette découverte il s'inscrivait dans la lignée d'Einstein et de Hawking. Sa vie était d'une rectitude extrème et s'élevait contre le matérialisme qui gangrenait la société martienne ; il fustigeait notamment une toute nouvelle idolâtrie dont l'emblème se présentait sous la forme de cette figure grotesque :
que se faisaient tatouer tout les jeunes Martiens sur le cou : c'était pour lui le summum de la bêtise et de l'infantilisme car cela représentait le comble de la futilité alors qu'il aurait fallut que se développât l'intelligence et la conscience pour contrer une menace qui allait tôt ou tard anéantir la toute jeune colonie martienne à savoir la confrontation avec une race de mutant qui avait émergé sur la Terre sans que personne n'en fut informé étant donné l'interruption des communications entre les deux planètes. Il fit alors cette prophètie: " Race maudite des Martiens ne revenez pas sur la Terre car vous serez anéanti et ne connaîtrez jamais l'immortalité que Ritch l'exécré avait cherché : il l'a fait en voulant violer les lois de la nature et il en est résulté la Grande Mortalité. Si à votre tour vous allez sur la Terre ; la Terre se vengera et vous mourrez tous de manière irrémédiable. " Or après cette déclaration le jeune scientifique promis à un brillant avenir fut assassiné dans des circonstances qui ne furent jamais élucidées. La jeunesse qu'il avait pourtant fustigée s'en émut et en fit un martyre. Ce fut la genèse d'un mouvement spirituel qui dura quatre mille ans. La société martienne durant ces quatre milles ans fut soumise à un grand écart spirituel semblable à ce que Jacques Ellul avait dénoncé en son temps dans son essai : La Subversion du Christianisme ; une grande hypocrisie dominait cette civilisation qui finit par dégénérer en une barbarie. Aussi en 6100 apr. J.C. le tabou vola en éclat et les dirigeants de l'empire galactique à bout de ressource décidèrent d'envahir la Terre.
Alors le premier janvier de l'année 6103 un vaisseau spatial se posa sur la Terre. Les Martiens furent tout de suite en contact avec les Néo-Celtes : ils jugèrent que leur civilisation n'avait pas dépassé celle de l'âge du fer et traitèrent les indigènes comme des primitifs. Je ne crois pas nécessaire de conter par le menu une chronique qui s'est constamment réitérée tout au long de l'Histoire de la romanisation de la Gaule au génocide des Amérindiens en passant par la colonisation de l'Afrique. Au bout de cinq cents ans il ne restait pas beaucoup de Néo-Celtes et la Nouvelle Celtie avait fini par disparaître. Très peu parlaient encore le néo-celtique et sur toute la Terre on n'entendait guère autre chose que le haut anglais ; la langue de l'envahisseur qui s'était conservée immuable depuis que des milliardaires américains cultivés l'avaient introduite sur Mars. Les néo-celtophones se concentraient encore sur cette île que l'on avait appelé il y a longtemps, si longtemps, l'Irlande. Les Martiens considéraient avec mépris les monuments et les oeuvres d'art que les Néo-Celtes avaient laissés et il y eut beaucoup de destructions mais il y eut aussi de grands archéologues martiens pour s'intéresser à ces vestiges et de nombreuses fouilles furent organisées. Des linguistes étudièrent avec passion la langue néo-celtique s'extasiant sur sa structure agglutinante. Des ethnologues et des historiens s'attachèrent, enfin, à reconstituer l'histoire, les coutumes, la littérature et la religion des Néo-Celtes.
Parmis eux un descendant de John Smith : Aldabert Smith qui était archéologue. Il avait fouillé bon nombre de monuments néo-celtiques notamment sur l'île qui avait été l'ancienne Irlande que les Néo-Celtes appelaient Eire. Partout il avait trouvé ce symbole que les indigènes appelaient le Sivvlo tant dans sa version curvilinéaire qu'anguleuse. Il était souvent gravé sur des stèles funéraires discoïdales.
Un jour, alors qu'il était en train d'étudier l'une de ces stèles qui se trouvait au milieu d'un champ, une vielle Néo-Celte s'approcha de lui en lui proposant des cartes postales du monument. La vielle paysanne était une authentique néo-celtophone et Aldabert qui était en train d'apprendre cette si belle langue se mit à converser avec elle dans cet idiome millénaire. Avec beaucoup de maladresse au début, mélangeant haut anglais et néo-celtique, puis conversant avec plus de facilité avec la vielle dame au bout d'un moment.
Elle lui parla de ce personnage mythologique qui avait créé le symbole Sivvlo et qui s'appelait lui-même Sivvlo. " Comment t'appelles-tu, Noble Femme ? " Demanda Aldabert ; en néo-celtique Madame se disait Noble Femme. La vielle dame répondit : " Je m'appelle Mélan Dotir-Senail et toi, Noble Homme ?
_ Aldabert Smith. " Il est à noter qu'en néo-celtique tout le monde se tutoyait alors qu'en haut anglais tout le monde se vouvoyait, Dotir- voulait dire fille de ; le pendant masculin du préfixe de filiation était Fi-, fils de. Aldabert apprit ainsi que Mélan avait un frère du nom de Pahal Fi-Senail.
Tout à coup Aldabert demanda : " Mais où se trouve la tombe de Sivvlo ?
_ La légende veut que Sivvlo soit enterré sous le grand cairn au sommet de Sliv Belban.
_ Mais où se trouve cette montagne ?
_ Dans le canton de Cog ; c'est un montagne en forme de table facilement reconnaissable. "
Aldabert continua de s'entretenir encore pendant un petit moment avec la vielle néo-celtophone puis regagna son campement près de son chantier de fouille. Quelque temps plus tard il prit la décision de fouiller le grand cairn de Sliv Belban. Aldabert programma une campagne de fouille pour l'été suivant.
Ainsi fut fait et une grande tranchée fut creusée dans le tertre et on atteint rapidement la chambre funéraire. Tout fut déblayé avec minutie et apparurent des ossements ; une datation fut faite et l'année 1989 apparut sur l'écran de l'appareil à datation : l'année de naissance du présumé et légendaire Sivvlo. Le défunt avait l'âge vénérable de 4614 ans ! Peu de mobilier à part un pendentif en laiton complètement oxydé représentant le symbole Sivvlo et une plaque d'un alliage inidentifiable gravée d'une inscription qu'Aldabert put facilement déchiffrer parce qu'utilisant le même alphabet dans lequel était écrit le haut anglais et il lut : Florentin Simplot. Aldabert qui était aussi linguiste reconnut la forme primitive du nom de Sivvlo dans le mot Simplot. On était bien là en présence des restes de ce personnage légendaire qui avait fondé la Nouvelle Celtie après la Grande Mortalité : une trouvaille stupéfiante !
Après cette découverte la prophétie de John Smith s'accomplit. La Covid-19 réapparut car Aldabert Smith lors de la fouille du grand cairn ne s'était pas aperçu qu'une délicate ampoule de verre était présente dans la tombe : dans cette ampoule, conservée par Florentin Simplot, était enfermé le virus mortel associé aux spores d'une certaine bactérie ce qui lui permit de se conserver pendant quatre milles cinq cents ans. Les fouilleurs ne firent pas attention à cette ampoule et celle-ci se brisa. Un des archéologues fut contaminé par le virus. Le virus se répandit à une vitesse folle, contamina les Martiens de la Terre et à la faveur des voyages dans l'espace se fut tout les Martiens de l'empire de la galaxie qui furent à leur tour contaminés. Tout les Martiens de l'univers moururent et ce fut la Deuxième Grande Mortalité. Mais tout les Néo-Celtes survécurent de la même manière que leurs ancêtres avait survécu à la Première Grande Mortalité. Car le système immunitaire des habitants de la Nouvelle Celtie disparue avait conservé en mémoire les anticorps de la COVID-19. C'est la variole qui a fait mourir en grand nombre les Amérindiens après l'invasion de l'Amérique par les Européens ; n'était-ce pas une sorte de justice immanente qui extermina les envahisseurs martiens dans leur totalité ? Ne sommes-nous pas en droit de penser que les Martiens étaient les dignes successeurs des Européens dans leur cupidité, leur mépris et leur rage à détruire tout ce qui n'était pas eux ?
Alors la Nouvelle Celtie réapparut et les Néo-Celtes purent à nouveau redresser la tête et recommencèrent à parler le néo-celtique qui était devenue une langue fortement pénétrée d'éléments haut anglais mais cette nouvelle strate linguistique finit au fil des siècle par être absorbée si bien qu'il n'en resta rien. Les constructions et les artefacts que les Martiens avaient laissés sur la Terre subirent le même sort : tout les lieux de pouvoir et les édifices à vocation soit-disant civilisationnels tel que écoles, casernes, hopitaux, prisons, tribunaux, mairies et préfectures tombèrent en ruine et finirent par être effacés. Après cet intermède de quelques siècles la vie reprit sur la Terre telle qu'elle avait été avant la Grande Invasion des barbares venus de Mars. Cependant quelques décennies après le retrait des envahisseurs il se produit sur le plan biologique une chose extraordinaire : le virus COVID-19 avait certe pénétré dans les organismes des Néo-Celtes rencontrant les anticorps légués par les survivant de la Première Grande Mortalité inhibant ainsi l'affection mais il avait au passage muté et il s'installa sur tout les télomères des ADN rendant ainsi chaque cellule immortelle. Le savant fou Ron Hubart avait eu en partie raison mais il avait cherché du mauvais côté la mutation nécessaire destinée à faire du virus un instrument d'immortalité. Il avait joué à l'apprenti sorcier en manipulant la coque protéique du corona-virus alors qu'il aurait fallut s'attaquer à son ADN lui-même : il suffisait de la modification d'une certaine séquence du génome. Cette modification intervint dans l'organisme des Néo-Celtes ou plutôt dans l'organisme d'un seul d'entre eux ; il s'agissait de celui de Pahal Fi-Senail. À quoi peut être due une modification génétique ? Des substances chimiques, des radiations ionisantes ou, tout simplement, au hasard que l'on n'invoque jamais que pour cacher notre ignorance. Alors il faudra se contenter de cette explication : le hasard ; car au fond on ne sait pas ce qui a pu se produire dans l'intimité des cellules de l'organisme de Pahal Fi-Senail. Après tout on pourrait invoquer la Providence. Le virus mutant s'est propagé à tout les Néo-Celtes et ceux-ci sont devenus immortels.
Cette immortalité les Martiens auraient pu l'obtenir. Mais de quelle manière ? En étant infecté par ce même virus mutant.
On s'étonnera que le grand prophète Florentin Simplot ait pu connaître le besoin de conserver le COVID-19 dans une ampoule de verre scellée ; ce qui suppose une technologie qu'il était bien incapable de maîtriser. Cette ampoule avait été, en fait, confectionnée dans un laboratoire de la banlieue de Lyon par un grand chercheur qui était sur le point de succomber à la maladie. Il faut que l'Histoire retienne son nom car c'est grâce à lui que l'humanité à pu accéder à l'immortalité : Jacques Benvéniste. Le Professeur Benvéniste alors qu'il sentait qu'il était déjà atteint par le mal fit la connaissance de Florentin Simplot au cours d'un test virologique pratiqué sur un grand nombre de personnes afin de savoir si parmis toute une population il pouvait se trouver quelques individus réfractaires au virus. C'était là une piste qu'il avait choisi d'explorer en désespoir de cause car il était déjà trop tard pour mettre au point un vaccin. Il ne se trouva qu'un seul individu à être réfractaire : Florentin. Jacques Benvéniste sut immédiatement qu'il était en présence d'un des très rares qui survivraient à la pandémie. À la hâte, engageant ses dernières forces et travaillant jour et nuit il enferma le COVID-19 dans les spores d'une certaine bactérie sachant qu'ils dureraient pendant des siècles voire des millénaires. Il enferma le tout dans une ampoule de verre qu'il scella à chaud. Puis, sentant que la maladie était en train de prendre le dessus il s'alita et fit venir le futur grand prohète. Entre des quintes de toux, en ayant de plus en plus de mal à respirer voilà ce qu'il déclara : " Florentin, je suis en train de mourir mais toi tu vivras, tu seras un des seuls survivants de l'humanité... Voilà la mission que je te confie : dans cette ampoule, là sur la table, se trouve le virus qui est en train de tuer le genre humain... " Le professeur sembla sur le point de mourir mais il put dire encore ces quelques mots : " Je te la confie... dans quelque temps, si la civilisation est rétablie, le virus qui est à l'intérieur pourra servir à faire un vaccin car il ne faut pas que cette vacherie revienne... " C'était fini : ce grand homme de science venait de rendre son dernier souffle.
Ainsi Florentin Simplot conserva jusqu'au bout de sa vie cette ampoule et il demanda qu'après sa mort on la dépose dans sa tombe bien enfermée dans une petite boîte de bois précieux qui d'ailleurs ne résista pas aux siècles. Florentin Simplot à propos de cet objet fit une prohétie assortie d'un commandement : " Dans quatre milles cinq cents ans ma tombe sera ouverte ; alors que l'ampoule sacrée en soit retiré et jeté dans un brasier. " Pourquoi cette injonction ? Simplot savait que plus jamais la civilisation telle qu'il l'avait connu avant la catastrophe ne reviendrait et donc que plus jamais personne ne saurait confectionner quelque vaccin que ce soit. Une autre civilisation s'était établit avec une autre médecine, basée sur la prépondérance de l'esprit, qui permettait désormais de guérir toutes les maladies y compris les plus épouvantables épidémies. Donc tout vaccin était devenu superflu. L'ampoule avait perdu son utilité. Il ne faut pas oublier que Florentin Simplot était avant tout un prophète, un voyant qui avait une claire vision de la destiné de son peuple et il pressentait l'invasion des barbares venus de Mars. Il savait qu'un de ces barbares profanerait sa tombe et il avait une date précise en tête pour cet événement : l'an 6603 de l'ancienne ère soit l'an 4552 après la Grande Mortalité. Il fallait que son commandement s'accomplisse de façon concommitante avec la profanation : pour ça il aurait fallu qu'un grand prêtre soit présent à l'ouverture de sa tombe et puisse exiger la restitution de l'objet sacré. La destruction de l'ampoule avait pour but que celle-ci ne tombât pas aux mains des étrangers : le prophète savait que les barbares en analyseraient le contenu et connaîtraient, grâce à leur technologie parvenue à un stade très avancé, la présence de la COVID-19. Jacques Benvéniste avait révélé avant sa mort à Florentin l'origine du virus maudit fabriqué de toute pièce par Ron Hubart : le prophète savait que les travaux de ce dernier seraient repris avec cette fois bien plus de compétence et d'efficacité ce qui voulait dire que le secret de l'immortalité se retrouverait aux mains des barbares et que se serait la fin de l'univers car les barbares l'envahiraient entièrement profitant de leur longévité infinie : les ressources de l'univers finiraient par être consommées entièrement et toute vie finirait par s'éteindre. Devant cette menace Florentin Simplot aurait dû sans attendre détruire l'ampoule ; que ne l'a-t-il fait ? Il savait que cette immortalité devait être dévolue à son peuple : malgrè la menace il fallait qu'il y ait une chance, même infime, pour qu'une autorité de la Nouvelle Celtie récupère l'ampoule. Ce n'était sans doute pas une bonne idée de la cacher dans la tombe du fondateur de la Nouvelle Celtie : une cachette plus discrète eut été mieux appropriée, oui, mais à ce point secrète que tout le monde en eut perdu le souvenir ; le prophète ne pouvait pas faire autrement. Simplot a pris ce risque ; il comptait sur la Providence et que finalement tout se passerait bien et qu'un grand prêtre serait là pour accomplir la destiné de son peuple. Seulement tout grand prophète qu'il était il n'avait pas prévu que les Martiens éradiqueraient la religion qu'il avait fondé. De même César avait fait disparaître tout les druides de la Gaule : de même les barbares tuèrent tout les prêtres de la religion Sivvlo. Donc le jour de la profanation de la tombe aucun prêtre n'était présent. Mais la providence veillait et l'ampoule ne tomba pas aux mains des barbares, et ce furent les Néo-Celtes qui accédèrent à l'immortalité. Cependant on pourrait s'étonner de ce fait : si l'ampoule avait été jetée dans un brasier le virus aurait été détruit ; donc adieu l'immortalité supposée ; Florentin aurait mieux fait de commander que l'ampoule soit récupérée et conservée par le grand prêtre quitte à ce que le virus soit inoculé d'une manière accidentelle plus tard. Mais s'il en avait été ainsi les Martiens auraient mis la main dessus par la force, la ruse, ou le vol et ainsi auraient-ils pu bénéficier de l'immortalité ce qui aurait mis fin à la Vie dans l'Univers comme évoqué plus haut.
Qu'est-ce qui a bien pu passer par la tête du grand prophète pour émettre une prescription aussi absurde ? Oui, mais si il avait demandé la conservation de l'ampoule cela aurait abouti à la fin de la vie dans l'Univers. Cruel dilemme ! Que pouvait-il faire ? S'en remettre au hasard donc à la Providence car elle seule serait à même, le moment venu, de trancher.
La prophètie de John Smith s'est avérée : jamais les Martiens n'auraient dû envahir la Terre ; non seulement ils ont raté l'obtention de l'immortalité mais en plus ils sont tous mort. Il en put être autrement s'ils était restés sagement chez-eux. Ils auraient dû attendre que les Néo-Celtes eux-mêmes deviennent immortels. Car ils auraient fini par le devenir. À condition que ce soit avant la mort de Pahal Fi-Senail puisque nous avons vu plus haut que c'était par lui que la COVID-19 avait muté. Mais pour cela il aurait fallu que la tombe de Sivvlo soit ouverte, que l'ampoule soit brisée et les Néo-Celtes infectés or aucun d'entre-eux n'était disposé à commettre pareille profanation puisque la religion en l'absence des barbares avait énormément de poids. Cependant une circonstance aurait pu autoriser l'ouverture de la tombe sans que cela soit une profanation. Un accident naturel tel qu'un glissement de terrain justifiant une pieuse restauration de la sépulture avec son ouverture ; de cette sorte l'ampoule eut été dénichée et jetée au feu conformément au commandement du prophète. Ce qui fait que les Néo-Celtes n'auraient ainsi jamais obtenu l'immortalité. Mais on peut se dire que l'ampoule eut été écrasée par l'un des ouvriers et celui-ci infecté ; cependant il ne faut pas oublier que, contrairement aux archéologues martiens, les ouvriers néo-celtiques auraient su ce qui se trouvait dans la tombe et auraient fait bien attention à récupérer l'ampoule sacrée sans la briser. Il y a d'autres accidents naturels tel qu'un glissement de terrain : en relief karstique il peut il y avoir l'effondrement du plafond d'une grotte et l'ouverture d'un aven. Toute la tombe et le cairn aurait pu être précipité dans le ventre de la montagne ; l'ampoule entourée d'une gangue terreuse compacte ne se serait pas brisée et c'est intacte qu'elle se serait retrouvée au fond du gouffre puis des ruissellements l'auraient dégagée et entrainée très loin dans un ruisseau puis une rivière et là elle aurait été ramassée par quelqu'un qui l'aurait brisée intentionnellement et que c'est comme ça qu'il se serait infecté lui et le reste des Néo-Celtes et ainsi seraient-ils devenus immortels. La Providence peut prendre bien des détours, et ce genre de péripéties quoique rarissimes peut se produire ; cela s'est déjà vu. Même immortels les Néo-Celtes sont casaniers et de toute façon ils n'auraient pas disposé de la technologie nécessaire pour faire le voyage jusqu'à Mars et ainsi infecter les Martiens avec le virus mutant qui leur aurait donné l'immortalité.
Les Néo-Celtes n'ont jamais disposé de la technologie dure des Martiens mais cependant il connaissaient la psychokinésie qui leur a permis de bâtir les imposants monuments que l'on sait. Ils auraient pu pratiquer la téléportation à longue distance et ainsi aller sur Mars et entrer en contact avec les Martiens et leur transmettre le virus de l'immortalité. Voilà pourquoi les Martiens n'aurait jamais dû retourner sur la Terre.
Ainsi donc les Néo-Celtes, devenus immortels, ont repris leur vie heureuse d'avant l'invasion des barbares. Mais un autre peril est bien vite apparu : les habitants de la Nouvelle Celtie ont toujours maîtrisé leur fécondité et ont toujours maintenu leur effectif à un niveau acceptable pour l'environnement et la préservation des ressources naturelles mais maintenant qu'ils étaient immortels, pour éviter une explosion démographique, ils ne devraient plus enfanter. Cela n'était pas envisageable. Contrairement aux apparences les Néo-Celtes étaient capable de voyager hors de leur planète ; bien sûr ils ne le faisaient pas à l'aide d'astronefs comme les Martiens mais de même qu'ils étaient capable de pratiquer la psychokinésie et la téléportation ils avaient la faculté de voyager dans l'invisible et d'accéder ainsi à une infinité de mondes. Les Martiens, s'ils l'avaient pu, auraient recouvert l'univers visible de leur présence et l'auraient épuisé comme évoqué plus haut tuant toutes formes de vie. Les Immortels, comme il convient de les appeler maintenant, ont peuplé tout les univers et ils n'ont commis aucune forme de prédations, bien au contraire et partout où ils sont présents ils favorisent la vie. Il ne faut plus employer le passé pour décrire leurs actions mais le présent car ils ont transcendé le temps.
Le temps d'une création, voilà ce que contenait la lettre que Josiane Lemarchand venait de recevoir. Cette lettre provenait de François Lesneven et comportait tout le texte plus haut : une épaisse liasses de plusieurs feuillets. Le temps d'une création ça ne veut rien dire se dit la jeune femme ; cette expression lui avait traversé l'esprit au moment où elle prenait connaissance du contenu de cette grosse enveloppe. Elle était grandement étonné de recevoir ce qui après tout pouvait bien être considéré comme une sorte de manuscrit. Ce devait être une erreur. Elle était loin de faire partie du monde de l'édition et elle se demanda si elle devait :
_ Renvoyer ce courrier à l'adresse de l'expéditeur ;
_ Jeter à la poubelle quelque chose qui lui était tout à fait étranger et qui ne la concernait pas ;
_ Lire de bout en bout ce manuscrit.
Elle chercha partout l'adresse de l'expéditeur mais ne la trouva pas. Elle se résolut alors à jeter toute l'enveloppe et son contenu se disant que la personne était bien inconséquente d'avoir expédié à grand frais un document si important sans laisser d'adresse et qu'elle ne pouvait avoir de scrupule à s'en débarasser...
Le temps d'une création cette pensée revenait sans cesse à son esprit tant elle lui paraissait absurde mais pas plus que l'intérieur est à l'extérieur et l'extérieur est à l'intérieur ; cette dernière expression par contre semblait bien provenir de son psychisme et lui trottait par la tête depuis un certain nombre de jours sans aucune raison apparente alors que la première était apparue au moment où elle ouvrait l'enveloppe. Sur celle-ci c'était pourtant bien son adresse qui était figurée, rédigée dans une écriture saccadée et irrégulière : l'écriture d'un fou, se dit-elle, le manuscrit par contre sortait d'un ordinateur. Elle se décida : elle lirait le texte de bout en bout.
Elle trouva un moment favorable pour le faire et elle commença.
À la troisième page elle sursauta ; cette expression : l'intérieur est à l'extérieur et l'extérieur est à l'intérieur était là imprimée ! Elle poursuivit, fébrile, sa lecture. Et quand où bout de quelques heures elle acheva de le lire elle se trouva encore plus perplexe que quand elle avait commencé.
Mais qui était ce François Lesneven. Elle devait faire une recherche sur internet. Mais elle ne trouva rien.
Il lui vint une idée. Une idée malhonnête : elle enverrait ce manuscrit à un éditeur quelconque en se faisant passer pour l'auteur ; elle n'aurait qu'à dire que François Lesneven était un pseudonyme. Ce qui fut fait. Au bout de quelques semaines, alors qu'elle pensait à tout autre chose que ce manuscrit, elle reçut une lettre de l'éditeur lui annonçant qu'il était disposé à l'éditer. Josiane fut très contente mais un pincement au coeur lui dit que ce qu'elle était en train de faire n'était pas bien et lui vaudrait des ennuis. Elle était trop engagée et ne pouvait plus reculer se disant que tout ça n'irait pas bien loin car pour elle ce manuscrit ne valait pas grand chose : elle n'y avait rien compris et vers la fin s'était carrément ennuyée. Donc elle y alla et le livre dont le véritable auteur était François Lesneven fut publié. Contre toute attente ce fut un immense succès de librairie. Son éditeur l'obligea à passer dans les médias et à faire d'interminables séances de signature dans les librairies et les salons. Seulement elle fut pris au piège car tout le monde et surtout les critiques s'aperçurent que son niveau culturel et intellectuel n'était pas à la hauteur de ses prétendus écrits. On était au bord du scandale littéraire : l'accusation de piratage n'était pas loin. L'éditeur voulut rattraper le coup : Josiane Lemarchand serait présentée aux média comme une femme de paille et on produirait un auteur tout aussi fictif mais beaucoup plus crédible sur le plan culturel. Oui, mais tout ceci était bel et bon mais il fallait maintenant dénicher l'oiseau rare... On le trouva ; mais il fallut que ce soit une pointure et en l'occurence il se trouva que ce fut un philosophe à la mode qui avait déjà beaucoup de succès. Alors tout devait aller bien maintenant dans le meilleur des mondes et il n'y aurait qu'à se partager les bénéfices d'un scandale littéraire monté de toute pièce à l'instar de celui d'Emile Ajar. Or il n'en fut rien car le véritable auteur refit surface dans un endroit où personne ne l'attendait.
À l'hôpital psychiatrique du Vinatier à Lyon. On avait littéralement enterré ce génie dans cet établissement et il ne risquait pas de se retrouver sur internet ou les réseaux sociaux. Oui, il avait envoyé son précieux manuscrit au hasard, à Mme Toutlemonde, en piochant une adresse quelconque dans un viel annuaire qui trainait par là dans une salle de garde de l'hôpital. Pour lui c'était jeter une bouteille à la mer. Mais des bouteilles à la mer il en avait jeté des centaines avant son internement ; sans résultat aucun. Il ne s'était pas adressé à des quidams quelconques comme Josiane Lemarchand mais à des personnalités bien en vue du monde des lettres et des sciences et même des symbologues : jamais aucune réponse... Il aurait dû envoyer son manuscrit à un éditeur ; ça se fait. Ah, la bonne âme est de retour pour poser son grain de sel ! Je m'y attendais à celle là. François Lesneven n'était pas fou ; il souffrait seulement d'une dépression nerveuse sévère. Avant sa maladie il avait eu un projet éditorial. Voyant que sa quête auprès des personnalté était vaine il s'était décidé à publier son texte Explication du nouveau symbole en démarchant les maisons d'édition mais il comprit très vite qu'aucune d'elles ne serait vraiment intéressée à mettre sur le marché un petit fascicule et lui-même jugea que son travail valait mieux qu'une portion congrue. Il fallait qu'il rédige un livre au nombre de pages conséquent. D'après ce qu'il avait compris une centaine de pages constituait un minimum. Peu importe la valeur littéraire de tout ce texte en plus ; l'essentiel était de faire du remplissage pour atteindre le format requis : son explication du symbole avant tout ; c'est surtout ça qu'il voulait faire passer : le plus important. Peu importe que ses lecteurs dédaignent le reste du bouquin : une histoire sans intérêt mélange de roman policier et de science-fiction/anticipation. Que son lectorat se concentre sur son symbole et le comprenne, voilà ce qui lui importait avant tout. Alors il a pondu cette histoire avec beaucoup de peine se rendant compte que même pour faire du médiocre il fallait vraiment se donner du mal et que décidément il n'était pas fait pour être écrivain. Ce travail l'a épuisé ; ça combiné avec dix ans de galère et de rebuffades humiliantes... pour promuvoir sa création... Il n'en pouvait plus. Aussi il a craqué et la maladie lui est tombé dessus avant qu'il ne se décide à envoyer son manuscrit à quelqu'éditeur que ce soit. La bonne âme du Se-Tchouan est-elle satisfaite de mon explication ?... La vanité supposée de son entreprise lui apparut clairement : dix ans de démarches vaines ; toutes ces lettres envoyées sans aucune réponse, sauf une où un brillant esprit le traitait d'imbécile, tout ça l'avait usé ; une usure qui le confinait au néant, à la négation de tout son être ; c'est peu de dire qu'il était découragé. Au Vinatier il avait conservé un exemplaire de son manuscrit. Son esprit constamment embrumé par la dépression et les médicaments décida cependant de faire quelque chose : envoyer son travail à n'importe qui ; quelle importance est-ce que ça pouvait avoir ? Jeter son manuscrit à la poubelle ou l'expédier à n'importe qui ? Ainsi l'a-t-il fait négligeant de joindre son adresse à son colis. Cependant son manuscrit était signé.
Le temps de la création était révolu, se dit-il après cet ultime acte de volonté. Le temps d'une création : cette expression lui trotta dans la tête pendant un certain moment ; c'est sans doute cette même expression qu'avait captée Josiane Lemarchand lorsqu'elle avait ouvert l'enveloppe...
Plusieurs mois se passèrent après ça. François Lesneven continait de traîner au Vinatier incapable de reprendre le dessus sur sa maladie. Il passait le plus clair de son temps allongé sur son lit dans sa chambre d'hôpital. Un véritable légume. Un soir un infirmier, qui faisait sa tournée pour s'assurer de l'état des patients, le trouva tellement mal en point qu'il fit un geste compatissant envers lui ; il lui ordonna gentiment : " Venez, Monsieur Lesneven, il ne faut pas tout le temps être enfermé dans votre chambre ; il faut voir un peu de monde : je vais vous conduire jusqu'à la salle de la télé... " L'infirmier prit François sous le bras et le mena jusqu'à la salle où il l'installa dans un fauteuil face à l'écran. François somnola une grande partie de la soirée se réveillant à un moment ou un autre. Il émergea alors qu'une émission littéraire se produisait à la télé. " Tiens, voilà ce trou du cul de Stéphane Endovan. " Se dit-il dans le brouillard de son cerveau ; le philosophe à la mode qui se prétendait l'auteur d'un livre intitulé : Le Symbole Perdu Retrouvé venait de faire son apparition vaniteuse et plastronnait devant les caméras. Tout à coup François sursauta et se redressa comme si on lui avait piqué les fesses, sa face prit la couleur d'un homard ébouillanté, ses yeux sortirent de ses orbites et il cria d'une voix forte qui secoua tout les légumes avachis qui étaient restés devant la télé malgré cette heure tardive : " Ah, l'enculé, il m'a piqué mon bouquin ! " Alerté par ce cri l'infirmier se précipita dans la salle et se dirigea vers un François Lesneven qui s'agitait en proie à la plus grande des fureurs ; il essaya de le calmer par un : " Eh, bien! Monsieur Lesneven ça va mieux on dirait ! Je préfère vous voir dans cet état plutôt que dans celui où vous êtes habituellement mais il va falloir vous calmer ; vous êtes en train de faire peur à vos voisins, tenez prenez ça. " Le soignant avait sorti une gélule de tranquillisant et tenta de la faire avaler à François mais celui-ci repoussa l'offre : il était guéri de sa dépression. Le lendemain il demanda une consultation immédiate auprès du psychiatre de l'établissement. Elle lui fut accordé dans la journée. François entra dans le cabinet du praticien, s'assit et le Dr Courli lui demanda : " Eh bien, Mr Lesneven qu'est ce qui vous amène ?
_ Docteur, je suis guéri.
_ Qu'est-ce qui vous fait croire ça ? " Demanda le psychiatre d'un air blasé, il nota cependant un changement dans le comportement de son patient : celui-ci se tenait droit sur sa chaise et un air de farouche détermination se peignait sur son visage. François avait eu le temps d'évacuer toute colère durant sa nuit sans sommeil et il ne lui restait plus qu'un puissant sentiment d'indignation maîtrisé qui se doublait d'une volonté à toute épreuve attisée par l'espoir d'un triomphe imminent. On avait rapporté à Courli l'incident de la soirée précédente et il craignait pour son patient une dérive psychotique qui n'était pas rare en cas de dépression sévère. François répondit : " On a volé mon livre.
_ Ah, accuseriez-vous un pensionnaire ou, pire, un soignant de vous avoir subtilisé un livre dans votre chambre alors que vous étiez en soins dans une autre partie de l'établissement ?
_ C'est ça prenez-moi pour un con, Docteur. " Le médecin sursauta : il était habitué aux réactions de révolte, souvent violentes, de ses patients mais dans le cas présent il fut frappé par le calme de François ; il avait même perçu un vague sourire de mépris s'esquisser au coin des lèvres de celui-ci. La dernière fois qu'il l'avait eu en consultation ce n'était qu'un zombi : comment aurait-il pu deviner que François Lesneven était d'une intelligence supérieure et que ça crevait littéralement les yeux maintenant ; au point que le professeur de faculté qu'il était aussi se sentit humilié. Voyant l'air interloqué du praticien, François reprit : " Avez-vous entendu parler de ce roman dont l'auteur serait un certain Stéphane Endovan : Le Symbole Perdu Retrouvé ?
_ Oui, bien sûr, un beau scandale littéraire qui a rapporté beaucoup de fric à l'éditeur et à l'écrivain ou aux écrivains ; c'est pas très clair...
_ Quel nom est imprimé sur la couverture, sous le titre ? " Courli sembla faire un effort pour se remémorer et répondit vaguement étonné : " Mais... oui, François Lesneven... je n'avais jamais fait le rapprochement... Prétenderiez-vous être l'auteur de ce fameux roman ? Un nom ne suffit pas... vous connaissez le proverbe : sur le champ de foire il y a plus d'un âne qui s'appelle Martin. C'est le pseudonyme de Endovan.
_ Puisque vous êtes amateur de proverbes, moi, je vous répondrais par une fable de La Fontaine : les Frelons et les Mouches à Miel ; à l'oeuvre on connaît l'artisan. Vous connaissez ?
_ Quels arguments pouvez-vous présenter pour étayer votre prétention à être le véritable auteur de ce livre ?
_ Vous connaissez-bien ce Stéphane Endovan ?
_ Oui, c'est un philosophe réputé, un champion du matérialisme ; j'ai lu un de ses livres... pas mal...
_ Vous avez lu un de ses livres mais son roman dont il prétend être l'auteur ; l'avez-vous lu ?
_ Je ne lis pas les romans ; seulement les essais.
_ Si vous aviez lu ce livre vous sauriez qu'il comporte une partie romancée, je sais de quoi je parle puisque c'est moi qui ai écrit le bouquin, et une partie essai : la toute première partie beaucoup plus courte que le reste. C'est une explication d'un tout nouveau symbole que j'ai créé et qui ne préexistait pas avant ma découverte. Pour prouver le fait que s'il en était autrement, qu'il préexistât et qu'ainsi on le verrait partout, j'utilise un argument philosophique comme quoi mon symbole vient parfaire le taiji, le fameux yin-yang, en faisant de ce dernier un précurseur de ma création et que celle-ci pour signifier la même chose utilise une innovation topologique qui rend évidente l'idée même de l'Unité de l'Être. Ce tout petit bout d'essai devrait vous intéresser quand bien même il s'oppose au matérialisme ; une philosophie qui a votre faveur.
_ Vous pensez que je suis un matérialiste ? Pour quelle raison ? Je ne fais jamais état de croyances ou philosophies auprès de mes patients : question de déontologie. Votre opinion de faire de moi un matérialiste est abusive.
_ Le matérialisme est inhérent à la théorie scientifique qui sert de base à votre approche thérapeutique. Le matérialisme prône que c'est le cerveau qui crée le psychisme et la conscience et qu'ainsi il faut traiter uniquement le cerveau pour soigner le psychisme ; d'où le recours massif aux médicaments.
_ Je trouve votre jugement sur ma pratique pour le moins caricatural : nous utilisons aussi des psychothérapies où les malades se libèrent de leurs émotions par la parole ainsi que le psychodrame.
_ Je le reconnais bien volontier mais une part essentielle de la psyché est systématiquement mise de côté. Par exemple aucun de vos patients ne raconte ses éventuelles expériences spirituelles et encore moins les faits parapsychologiques qui s'y rapportent : ils auraient trop peur que vous n'alourdissiez le diagnostique.
_ La confiance règne !
_ À qui la faute ? N'est-ce pas votre faute si vos patients ne vous font pas confiance ? Pour vous tout est pathologique. Si une mère voit son fils défunt passé de l'autre côté dans l'au-delà pour vous elle ne peut-être que délirante même si ce contact retrouvé lui fait un bien fou.
_ Il faut se garder de l'illusion. La perte de l'illusion qui finit toujours par arriver cause encore bien plus de souffrance.
_ Est-ce à vous de définir ce qui est illusoire de ce qui ne l'est pas ? Pouvez-vous apporter la preuve scientifique que l'au-delà n'existe pas ?
_ Venons en aux faits : quel est votre argument prouvant que vous êtes bien l'auteur du livre ?
_ À l'oeuvre on connaît l'artisan. Votre Stéphane Endovan prône une philosophie matérialiste or le bout d'essai qui introduit le livre, dont il a usurpé la paternité, par la révélation d'un symbole qui signifie fondamentalement l'Unité de l'Etre fait exactement le contraire. A-t-il jamais justifié cette contradiction ? Quelqu'un parmis ses détracteurs a-t-il jamais souligné ce fait ? Je sais bien que la vie intellectuelle dans ce pays est tombé bien bas ; mais tout de même ! Voilà mon argument : ce grand écart philosophique. " Il y eut un moment de flottement ; Courli ne sut que répliquer tant les arguments de son patient étaient imparables mais il finit par déclarer : " Monsieur Lesneven, à l'évidence vous êtes guéri : vous pouvez sortir dés demain. "
Une fois sorti du Vinatier que pouvait faire François Lesneven pour qu'on lui rende justice ? Alerter les média ? Il ne savait que trop bien que cela était voué à l'échec : pendant plus de dix ans il avait tenté vainement de pénétrer ce milieu. Il s'était constamment heurté à de l'indifférence.
Il y avait usurpation et ce fait était passible de sanctions judiciaires : il porterait plainte et prendrait un avocat. Ce qui fut fait.
Heureusement que François avait choisi une bonne avocate : Me Deirdre Favier. Celle-ci fit de cette affaire un scandale sans précédent avant même que quelque procès eut lieu. Une conciliation fut organisée entre les parties adverses. La séance eut lieu au siège de la maison d'édition. L'éditeur était présent comme il se doit mais ni Stéphane Endovan encore moins Josiane Lemarchand ne furent là. Un homme et une femme de paille n'auraient que trop facilité la tâche de la partie adverse : ils auraient forcément à un moment ou un autre proféré des âneries.
Jacques Soulat, l'éditeur, connaissait la grande valeur intellectuelle de l'ouvrage qui était la cause du litige : une madame toutlemonde et un philosophe de pacotille n'auraient pas été à la hauteur. Seul lui et l'avocat de sa maison d'édition, Me Raguenard seraient en face de l'avocate de la partie adverse. Me Favier, pour des raisons stratégiques, n'avait pas jugé bon que le plaignant fût là. Il s'était passé six mois depuis la sortie du livre et le symbole Lesneven était partout : sur les murs sous forme de tags et de graph, sur les peaux sous forme de tatouages, de logos d'entreprises faisant état d'activités aussi diverses que celles de pizzaiolos ou de prestataires en informatique, sur bon nombre de Tshirt, de broderies sur toutes sortes de vêtements et même sous forme de mosaïques végétales dans les parcs publiques. On ne pouvait pas le rater. Dans le taxi qui la conduisait jusqu'à la maison d'édition Me Favier en constatant que la création de son client était partout se prit à regretter que celui-ci n'ait pas déposé de copy-right : à l'heure qu'il est il serait milliardaires et moi aussi, se dit-elle, ceci dit l'affaire est dans le sac. Elle se retrouva en face de ses adversaires et elle attaqua aussitôt : " Je ne vais pas y aller par quatre chemins, Maître, je demande à ce que mon client soit reconnu comme étant l'auteur du roman Le Symbole Perdu Retrouvé et uniquement lui.
_ Comme vous y allez, Maître, pourquoi devrait-il en être ainsi ?
_ En tout premier lieu parce que c'est lui qui a signé l'ouvrage et que c'est bien son nom qui figure sur la couverture.
_ La belle affaire ! Voici une liste de tout les François Lesneven de France. " Me Raguenard venait de présenter à sa consoeur une liste où figurait une dizaines de noms chacun suivi d'adresse : tous des François Lesneven. L'avocat reprit : Sur le champ de foire, il y a...
_ Plus d'un âne qui s'appelle Martin, ça va, Maître, je connais la chanson et je m'y attendais : ce n'est pas parce que je suis fraîche émoulue au barreau de Paris que je n'y ai pas pensé. Très bien, puisque vous voulez jouer ce petit jeu... Avez vous enquêté sur tout ces François Lesneven ; se sont-ils tous portés à la candidature d'auteur de ce livre, sont-ils aptes à être écrivains, ont-ils tous le bagage intellectuel pour le faire ? Peut-être que nous pourrions organiser un concours pour les départager ? Qu'en dites-vous, Maître et vous Mr Soulat ?
_ Le plus probable est que François Lesneven soit un pseudonyme.
_ Le pseudo de Lemarchand ou celui d'Endovan ? Faudrait savoir. Il y a déjà eu une fraude et une imposture pourquoi pas une deuxième ? Que va penser l'opinion publique de cette affaire et de votre maison, Mr Soulat, et surtout que va en penser le juge qui aura cette affaire sous le nez ? Oh, puis je me demande ce que je fais là à perdre mon temps alors que la cause est déjà entendue. " Deirdre fit mine de se lever et de sortir au plus vite de ce bureau. Raguenard la retint : " Chère consoeur, nous sommes là pour discuter et puis comme dit l'adage un...
_ Mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès ; ça aussi je connais ; vous avez d'autres proverbes à la con comme ça à sortir de votre gibecière, Maître ?
_ Un bon arrangement, un très bon arrangement... " L'éditeur venait de prendre la parole, il reprit : " Ni vous ni votre client n'aurez à le regretter si nous trouvons dés aujourd'hui un accord.
_ Moi je veux bien, mais il faut un préalable à cet accord qui sera une base de discussion, nous serons inflexible la dessus : il faut que mon client soit reconnu comme le seul et authentique auteur de ce livre. Alors ?
_ Et bien d'accord : c'était prévu ; si nous avons d'entrée de jeu un peu chipoté c'était pour la forme : mais c'était aussi pour vous mettre en garde contre toutes revendications ultérieures ; un aigrefin du nom de François Lesneven pourrait toujours venir et dire qu'il est l'auteur authentique et faire un procès à votre client. Nous avons enquêté sur tout les François Lesneven de cette liste et aucun, sérieusement, n'a ni les compétences pour écrire ce livre ni la prétention, d'ailleurs, d'en être l'auteur. Nous avons enquêté aussi sur votre client et nous sommes en effet sûr qu'il est bien l'auteur du Symbole Perdu Retrouvé car voici ce que nous avons retrouvé que très récemment dans nos archive, très peu de temps avant cette entrevue " Jacques Soulat sortit du sous-main de son bureau une carte postale :
qui représentait ce drapeau avec imprimé dessous : François Lesneven, 116 rue du Dauphiné 69003 LYON. Il s'agissait bien là de l'adresse de son client. Deirdre n'en revenait pas, elle osa une question : " Quand avez-vous reçu cette carte postale ?
_ Il y a cinq ans.
_ Et vous n'y avez jamais fait suite ?
_ Non.
_ Pourquoi ?
_ On a cru que ça provenait d'un fou ; vous comprenez ce drapeau nazi... et puis aucune explication ; pas une véritable lettre ; on se demandait ce que c'était et ce que cet homme voulait ; c'est pour ça qu'on a pas donné suite. S'il fallait s'occuper de tout les fous qui nous écrivent...
_ Oui, mais Lesneven s'en est largement expliqué dans son livre.
_ À l'époque on ne pouvait pas savoir...
_ Vous auriez dû vous rendre compte qu'il s'agissait d'une découverte géniale.
_ C'était trop beau pour être vrai ; pensez : un quidam nous aurait apporté sur un plateau d'argent un grand symbole de l'humanité dont le yin-yang est le précurseur... personne n'y croyait et d'ailleurs nul n'y pensait. " Un silence pesant retomba, puis au bout d'un moment l'avocate demanda : " Concrètement qu'est-ce que vous proposez ?
_ Le rétablissement total des droits de Lesneven ; de plus nous lui proposons un contrat d'édition très avantageux avec à la clé des droits d'auteur augmentés de 50%.
_ 75%.
_ Oooh...
_ Eh ! " Fit Deirdre Favier imitant Fernandel dans le Petit Monde De Don Camillo. Ainsi se termina cet entretien. François Lesneven devint milliardaire.
Question : si François Lesneven avait directement envoyé son manuscrit à la maison d'édition de Jacques Soulat est-ce qu'il aurait eu une réponse favorable de la part de celui-ci ?
La réponse est évidemment non. Ah, je n'entends pas la voix de la bonne âme de Se-Tchouan qui pourrait dire : " Oh, que de négativité et puis c'est absurde : Odette Toutlemonde reçoit une réponse favorable alors que François Lesneven ne reçoit rien ? Tout n'est pas aussi noir dans la vie et puis derrière tout nuage sombre il y a un arc-en-ciel... "
Que l'on se souvienne de la galère de François : toutes ces démarches pour rien. La providence est-elle donc aussi cruelle ?
En veut-on à Lesneven ? Mais ne convient-il pas de mettre cette question au passé puisqu'il est maintenant riche à million ?
Qui en voulait à Lesneven ?
Mais tout ceci était du passé car maintenant il était riche et heureux et toute sa vie de misère passée il finit par l'oublier. Mais cinq ans après son triomphe il fut assassiné.
Son immense création avait attiré des jalousies et déclenché des flots de haine de la part de certains déséquilibrés qui se croyaient investis d'une mission divine : assassiner celui qui avait remis à l'honneur un symbole maudit ; d'autant plus maudit qu'il était renforcé, décuplé par sa combinaison avec le yin-yang. Les assassins qui firent la peau à François Lesneven se targaient d'être des anti-nazis ce qui ne les empêchaient pas d'employer les mêmes méthodes que les nazis. En cela ils étaient si semblables aux militants anti-avortement qui n'hésitaient pas à tuer, à l'occasion, au nom de la préservation de la vie ! Quelle hypocrisie !
Lesneven assassiné. Mais au fond qu'est-ce que ça change ? Il faut bien faire une fin et il aurait pu mourir vingt ans plus tard d'un cancer ou d'un AVC. Bien sûr l'assassinat du grand homme concluait d'une façon dramatique une vie qui avait été en grande partie difficile et calamiteuse mais encore eut-il fallu que cet événement eut un sens. Cette signification la voici : la bêtise au sein du genre humain était toujours présente et prenait toujours la légitimité d'une pseudo justice et, en utilisant de bons sentiments hypocrites, justifiait la violence et l'arbitraire. Voilà le véritable cancer de l'humanité.
L'histoire que je viens d'écrire est évidemment une fiction car tout le monde sait que ce que j'appelle le symbole Lesneven existe depuis 1925. Ce supposé Lesneven évolue dans un univers parallèle du multivers où il n'existe pas avant qu'il ne le découvre alors que dans le notre il est connu depuis 95 ans.
Qui ne connaît pas la croix gammée de Hitler ? Ce symbole maudit. La croix gammée ordinaire, le plurimillénaire swastika, reste tout aussi populaire de part le monde que le yin-yang. Ces deux symbole sont à égalité en diffusion et en popularité.
Penchons nous sur les manuels d'histoire : à partir de 1925, Hitler renforce son parti en créant les SS et de nombreuses organisations d'encadrement. Et c'est à ce moment là qu'il dessine le drapeau de son parti :
que l'on verra 15 ans plus tard sur tout les monuments officiels des pays sous la botte nazie. Que l'on se souvienne des rassemblements, des grandes messes national-socialistes, de ces foules fanatisées, où de grandes oriflammes portant la croix gammée de Hitler formaient un décor grandiose. Les témoins qui étaient présents lors de ces congrès monstres ne se doutaient pas encore, sauf les plus lucides, que ces drapeaux représenteraient l'horreur.
Mais d'où venait la croix gammée de Hitler ? De Hitler lui-même. Artiste raté, peintre médiocre, recalé aux Beaux-Arts, le futur dictateur eut malgré tout l'inspiration de ce nouveau symbole durant une expérience pseudo-mystique alors qu'il était caporal lors de la Grande Guerre. Il raconta cet épisode dans son livre Mein Kampf : une certaine entité incarnant l'ancienne Germanie lui aurait donné l'ordre de restaurer l'ancien empire allemand et lui aurait fait connaître ce symbole appelé à être maudit. Entité maléfique, assurément, émanation de l'égrégore du MAL.
Juin 1943. Prison Montluc à Lyon. La gestapo est en train de torturer le grand résistant Jean Moulin. Parmis ses tortionnaires se trouve l'immonde Klaus Barbie. Voilà des heures que le supplicié essaye de ne pas parler, de ne pas révéler des renseignements à l'ennemi qui enverraient des centaines de ses camarades à une mort certaine. À un moment donné Barbie lui demande : " Sale fils de pute de Fransman, je sais que tu détiens un secret que mon führer aimerait bien connaître : l'arme qui lui permettra de conquêrir le monde ; nous savons que les américains sont sur le point de possèder le secret de la matière qui leur permettra de fabriquer une bombe d'une puissance inouïe ; cent fois plus puissante que la plus puissante de nos bombes. Nous avons eu des renseignements comme quoi se cache dans vos rangs un sale youpin de l'université de Berlin qui s'est échappé d'Allemagne ; c'est le chercheur qui a le secret, nous voulons mettre la main dessus avant que vous le livriez aux Rosbifs sinon c'en est fini du 3ème Reich. Tu vas parler, chien galeux ! " S'en suit une série de gifles assénées avec une violence propre à rompre les cervicales du supplicié. Jean Moulin sous cette bourrasque de coups parvient à réfléchir un peu et se demande de quoi veut parler le tortionnaire. Ces renseignements sont faux : on a intoxiqué les Allemands ; aucun réseau de la résistance française n'héberge un grand savant allemand ; il le saurait : n'est-il pas le chef de la résistance ? Lors d'une accalmie il parvient à dire : " Très bien, je vais parler... le savant est planqué dans la villa Chambovet dans le quartier de Montchat... " ; Jean sait qu'il ne risque pas de mettre en danger des camarades car la planque a été évacuée sous ses ordres depuis trois jours ; il pressentait qu'il serait trahi et arrêté à Caluire. Il ne pouvait en être sûr mais un sentiment indéfinissable lui disait qu'il était en danger ; par précaution il a fait évacuer la maison de Montchat.
Sans plus attendre Barbie et ses sbires se précipitent à la villa Chambovet. La Gestapo investit la maison. Et elle ne trouve rien. Barbie pique une rage démentielle ; heureusement que Jean n'est pas à proximité sinon il le mettrait à mort dans d'effroyables tortures apocalyptiques dont on a pas idée... Devant la villa se trouve un très beau parc avec une très belle vue qui donne sur les collines de l'ouest lyonnais. Mais quelle est donc cette vielle femme qui semble chercher quelque chose parmis les buissons ? Klaus Barbie l'a repéréé depuis les fenêtres du salon. Il la fait venir ; ses hommes empoignent sans ménagement la vielle dame et l'amènent à leur chef. Celui-ci demande en criant : " Vielle connasse qu'est-ce que tu fais là ? " En tremblant de tout ses membres celle-ci répond : " Je cherche mon chat, Monsieur le policier, il s'est enfui et est passé par la brèche du mur : c'est par là que j'ai pénétré dans le parc ; il fait souvent ça et je dois quelquefois aller le chercher car j'ai toujours peur qu'il soit attaqué par le gros chien de Mr Brun. " Barbie a au moins appris une chose : l'ancien occupant s'appelait Brun et avait un gros chien ; un molosse, viennent lui révéler ses sbires qui ont fait une enquête de voisinage. Bien sûr le nom est fictif et de savoir que le supposé Brun avait un molosse ne l'avance à rien. Pour ce psychopathe tout le monde est suspect ; y compris une viellarde cacochyme. La malheureuse est embarqué dans le fourgon de la Gestapo et se retrouve dans une geôle à Montluc. Elle passe quelque heures dans une cellule crasseuse et humide plus morte que vive puis elle est amenée devant le monstre. Il recommence à crier : " Alors vielle salope ! Tu sais quelque chose ; j'en suis sûr ; tu vas parler dis !? " Et il lui donne une gifle ; la vielle dame éclate en sanglots et c'est un spectacle qui attendrirait le coeur du pire des bourreaux mais Barbie ne se laisse jamais attendrir ; pour lui, même une innoffensive nonagènaire est une ennemie. Elle arrive malgré tout à émettre un pauvre : " Qu'est-ce que vous voulez savoir, Monsieur l'officier ?
_ Tu connais Burensteinas, hein !? Tu le connais ! Avoue ! " Burensteinas c'est le nom du grand physicien qui détient le secret qui pourrait permettre la réalisation de l'arme surpuissante. La vielle dame répond calmement et naturellement comme s'il ne s'agissait que de donner un banal renseignement : " Ben oui, Burensteinas l'alchimiste ; il habite au bas de la balme... " Dans la région lyonnaise on donne le nom de balme à ces collines allongées qui sont d'anciennes moraines quaternaires. Il y même en contrebas de la villa Chambovet une voie appelée : rue de la Balme. Or c'est précisément dans cette rue que Jules Burensteinas habite. Barbie exulte : enfin quelque chose... Mais sa tournure d'esprit paranoïaque l'induit à penser qu'une information obtenue avec tant de facilité doit cacher quelque chose. Mélanie Chenal, la vielle dame originaire de la Savoie, n'en a pas fini avec la Gestapo ; elle continuera d'étre torturé et finira par succomber sous les coups de ses tortionnaires. Son petit-fils, Pascal Chenal jurera de la venger ; mais ceci est une autre histoire...
Donc Barbie et ses sbires mettent la main sur Burensteinas l'alchimiste. C'est un homme d'une soixantaine d'année au physique quelconque. Barbie l'interroge en allemand : " Alors, cher compatriote, révélez moi sans attendre le secret de la matière comme ça vous éviterez la torture. " Le captif le regarde éberlué. Barbie reprend, toujours en allemand : " Ahah, tu veux faire le malin et me faire croire que tu ne comprends plus ta langue maternelle ? Très bien ; alors essayons le français. " Et le boucher de Lyon réitère sa question en français ; ce à quoi l'Alchimiste répond : " Compatriote ? Mais... je suis français, Monsieur, pas allemand..." Etonnement de Barbie qui doit bien convenir qu'il a en face de lui un franchouillard et pas un allemand : pas la moindre petite trace d'accent teuton chez ce citoyen et les renseignements de routine corroborent cette impression : Jules Burensteinas né à Lyon en 1886, employé de bureau, a fait la guerre de 14-18, certificat de baptème, certificat d'aryanité pour éviter d'être suspecté d'être juif à cause de son nom, famille originaire d'Autriche. Le renseignement divulgué à la Gestapo sur le supposé physicien berlinois ne donne que son patronyme et ne précise pas son prénom. Serait-ce un coïncidence ; un quiproquo ? Barbie cherche à en savoir plus sur l'origine de l'information : elle provient d'un résistant qui a parlé sous la torture mais qui a fini par mourir. Barbie s'emporte contre ses subordonnés : " Bande d'incapables ! Vous avez zigouillé un terroriste qui aurait pu nous apporter des informations essentielles ! Comment on fait maintenant qu'il est mort pour vérifier si ce Burensteinas existe bien ! Schwein hund ! " Il s'en prend plus particulièrement à un novice de la police allemande du nom de Hans : " Sauer schwein ! C'est bien toi qui à recueilli les aveux de ce salopard de Fransman ! Qu'est-ce qu'il t'a dit, bougre d'âne !?
_ À la fin il délirait ! Il a dit que Burensteinas possédait le secret de la matière ; il mélangeait tout : Burensteinas et les souvenirs d'un voyage à Berlin où il avait visité un musée près de l'université ; c'était un tel salmigondi que j'ai cru que tout était lié. Vous nous aviez parlé des américains qui cherchaient à développer une arme surpuissante dont le principe se trouvait dans le secret de la matière. J'ai fait le rapprochement et j'ai pensé que les terroristes détenaient un grand scientifique du nom de Burensteinas originaire de Berlin...
_ Sauer idiot ! Sale con ! Tu pars dés demain pour le front de l'est ! "
Barbie réinterroge Jules Burrensteinas et apprend qu'il connaissait le résistant mort sous la torture. Ce martyre victime du nazisme, Gilles Chavret, était en fait un disciple de l'alchimiste et ce dernier n'a rien à voir avec la résistance ; même quelqu'un d'aussi suspicieux que ce tortionnaire doit en convenir. Burensteinas va-t-il être relâché ? C'est mal connaître la police allemande ; elle ne libère pas comme ça quelqu'un qui a été un temps suspect à leurs yeux : suspect un jour ; suspect toujours ! Barbie se remet sur le dos de l'alchimiste, il se fait plus insinuant : " Alors, comme ça, tu connais le secret de la matière ? Huum...
_ Ce ne dois pas être un secret, pour moi il doit être révélé : les autres alchimistes veulent le garder jalousement ; pas moi.
_ Je ne comprends pas un traître mot de ce que tu me dis ! Tu te fous de ma gueule !?
_ Vous me demandez de vous révéler le secret de la matière et moi je suis prêt à le faire. Pour cela il vous faudra vingt ans de pratique et, peut-être qu'au bout de vingt ans, vous pourrez confectionner la pierre philosophale qui vous permettra entre-autre de changer le plomb en or.
_ Tu pars ce soir pour Auschwitz. " Que peut faire la pure intelligence en face de la bestialité nazie ?
Jules Burensteinas est déporté à Auschwitz. Où il meurt.
Soixante-dix ans plus tard à Aix-les-Bains, au bord du lac du Bourget sur le port de plaisance. Le temps est maussade, le plafond bas et cache le sommet des montagnes, une bise glaciale rend encore plus désagréable cette journée de novembre. Un temps typiquement savoyard pense Pascal Chenal. Pascal est perdu dans ses souvenirs : sa grand-mère, Mélanie Chenal qu'il n'a jamais connu mais dont son oncle Albert Chenal a tant raconté l'histoire : une héroïne de la résistance torturée et assassinée par les Nazis. La fierté de la famille. Pascal est né à Lyon à la libération. Tout petit déjà il s'était fait le serment de venger sa grand-mère. Quelle drôle d'idée, se dit-il, il n'allait tout de même pas exterminer le peuple allemand en entier, les Nazis certe mais pas ceux qui n'y étaient pour rien. Or les anciens Nazis criminels contre l'humanité ; il n'avait rien fait pour les pourchasser ; pour ça il aurait dû intégrer les services secrets israéliens. Certe il avait milité au sein du Parti Communiste pour combattre le fascisme mais il n'avait jamais eu, par exemple, Klaus Barbie à sa merci avec un flingue à la main pour lui faire la peau. Il avait souvent fantasmé ce moment où il aurait demandé des compte à cette ordure qui avait assassiné sa grand-mère. Il avait suivi de près le procès de Barbie à Lyon dans les années 70 mais c'est tout. Ce que c'est tout de même que les serments que l'on se fait dans la petite enfance, se dit-il, on se fait un point d'honneur à les honorer puis la vie en décide autrement.
Venons en aux faits lui dit une petite voix intérieur qu'il semble entendre pour la première fois. Il est un peu surpris mais pas tant que ça finalement : il perçoit une certaine familiarité dans ce phénomène ; simplement les autres fois il ne faisait pas attention. Il y a longtemps que nous t'avons délié de ce serment car il y a plus important que la vengeance : la Justice ; reprends la voix. Pascal Chenal soupire ; encore un cliché, un truisme : la vengeance n'est pas la justice ; toute cette morale à deux balles que les bonnes âmes nous rabâchent à longueur de journée, j'en ai ma claque, se dit-il. Cette voix n'est jamais que celle de la sagesse des nations, il n'y a rien de surnaturel là dedans ! Mais la voix se fait plus insistante : écoutes-nous, ce n'est pas ce que tu crois ; il ne s'agit pas de la justice bêtasse et hypocrite exhalée par cette société fondamentalement injuste. Ce qui est juste c'est ce qui est vrai, alors maintenant il est temps de rendre justice à l'Esprit et d'affirmer sa prééminence. La vengeance implique la violence et le vengeur se ravale au niveau du supposé offenseur, la violence que certains voudraient légitimer parce qu'il n'y a apparemment pas d'autres solutions est tyrannie et coercition : méfie toi de ceux qui ambitionnent de libérer les peuples par la violence ; ce sont toujours des dictateurs en puissance et l'histoire tant récente qu'ancienne a toujours validé ce fait. La voix poursuit : ce que nous te disons n'a rien d'un cliché rabâché puisque l'idée de non-violence est si peu répandue et constamment dénigrée et raillée : c'est s'inscrire à contre-courant des idées reçues que de tout faire pour l'imposer avec force. Si nous avons instillé en toi ce désir de vengeance c'est dans un tout autre but que d'exercer la violence ; en te penchant avec passion sur la mémoire de ta grand-mère tu as étudié à fond cette époque troublée où le darwinisme issu du matérialisme a pu s'exprimer de façon extrème et cynique ; de nos jour il le fait d'une manière plus hypocrite et feutrée et on appelle ça le libéralisme ; avec le même résultat. Si nous reprenons contact avec toi aujourd'hui c'est à propos de l'emblème du parti national-socialiste allemand : la croix gammée de Hitler. Tu t'es rendu compte au cours de cette étude que les causes de la barbarie nazie n'étaient pas à chercher dans le génie infernal d'un seul homme, en l'occurence Hitler, mais dans tout un système qui s'est mis en place afin de contrecarrer l'aspiration de tout les peuples de la terre vers plus de justice sociale et de bonheur ; ce que les classes dirigeantes et possédantes leur ont toujours refusés dans le but égoïste de garder tout le pouvoir pour eux. T'es tu jamais posé la question de l'apparition de ce symbole et dans quel but il avait été suscité ? Hitler n'a pas été un génial créateur de symbole : si la croix gammée de Hitler lui a été inspiré c'est de manière purement fortuite. Le Kimberley, le plus gros diamant du monde, a été découvert par un pedzouille quelconque : ce quidam n'avait rien d'un génie ; il n'a pas accompli une recherche fièvreuse une vie durant dans le but de découvrir le plus gros diamant du monde : ça lui est tombé dessus de manière fortuite. C'est la même chose pour Hitler : son but était de prendre le pouvoir non de créer un symbole ; un jour en se promenant il a vu une croix gammée combinée avec un yin-yang ; il s'est dit : tiens un nouveau symbole et si j'en faisais l'emblème de mon parti ? Cela accrochera bien l'attention des foules. Et c'est tout. Aucun historien qui a écrit l'histoire du nazisme ne s'est rendu compte de ce que la découverte de ce symbole avait d'extraordinaire. L'octroyer à Hitler c'était jeter les perles aux cochons : la croix gammée toute simple eut largement suffit où même le yin-yang... N'est-ce pas du gaspillage ? Des millions de vies ont été gaspillées à cause du nazisme ; alors que la providence ait commis un gaspillage en octroyant ce symbole à Hitler quelle importance ? Se dit Pascal Chenal ; ce n'est jamais qu'un dessin. La voix reprit : personne n'a pris conscience parmis l'intelligentsia occidentale de ce que ce fait avait non seulement d'extraordinaire mais pour ainsi dire de surnaturel. La rencontre de ce fou sanguinaire avec une entité se faisant appeler Germania n'a été pris au sérieux que par ses fanatiques mais les historiens n'y ont vu que délire... En cela ils avaient bien tort ; non que cette Germania existât mais qu'elle fût une entité c'est une chose qu'il convenait de ne pas négliger. Hitler n'était qu'un fétu de paille qui s'est fait entraîner par le courant des forces du MAL ; un égrégore des pulsions mauvaises d'une grande partie de l'humanité. Le but de l'apparition de ce que l'on appelle de nos jours la croix gammée de Hitler aurait été de surprendre, d'étonner l'humanité toute entière de ce fait : l'émergence d'un tout nouveau symbole qui venait renforcer et compléter le yin-yang avec pour signification fondamentale : l'unité de l'ETRE. Mais obnubilé par tout ces événements tragiques qui secouèrent le monde entier personne ne s'est penché sur ce fait. Ah, la providence s'est donc plantée, se dit, Pascal. Oui, reprit la voix, pour une fois nous te donnons raison : la providence s'est trompée. Et c'est pour ça que cette réalité n'a pas lieu d'être. Il se passe quelque chose d'incroyable dans l'esprit de Pascal Chenal : il a le vague sentiment qu'une partie de sa mémoire est en train de s'effacer pour être remplacée par d'autres souvenirs. Bientôt même le souvenir de ce phénomène psychique s'estompe pour disparaître complètement. Au bout d'un moment Pascal reprend sa promenade puis regagne sa maison. Ils se fait un café puis s'assoit dans le canapé du salon pour le boire, il prends le livre qu'il a écrit pour honorer la mémoire de Mélanie Chenal sa grand-mère. Sur la couverture figure le drapeau nazi : la croix gammée noire sur un disque blanc le tout sur fond rouge :
. Ce drapeau n'est que la première version : une version plus récente montre la croix gammée inclinée à 45°. Pascal ouvre au hasard son livre et tombe sur ce chapitre :
CHAPITRE 10
l'HISTOIRE DE BURENSTEINAS
Ceux qui voudrait flétrir la mémoire de la grande résistante que fut Mélanie Chenal et qui pour se moquer d'elle disent que le film que l'on pourrait tourner à son propos pourrait s'intituler Mamie fait de la résistance sache une chose : les accusations de trahison que l'on a proférées à son endroit sont infondées. Elle n'a pas livré Jules Burensteinas à la gestapo ; elle a certe donné son nom à Klaus Barbie mais elle l'a fait tout à fait innocemment sachant bien que celui que l'on appelait l'Alchimiste n'avait rien à voir avec la résistance ; ce que le boucher de Lyon finit par reconnaître mais qui ne l'empêcha pas de le déporter à Auschwitz. Barbie n'a expédié que des innocents vers une mort certaine mais on peut dire que ce qu'il fit là n'avait aucune justification car Jules Burensteinas ne constituait en aucune manière un danger pour les Nazis. Juste avant d'envoyer l'Alchimiste dans ce camp de la mort on rapporte que lors du dernier interrogatoire Barbie lui aurait demandé s'il possédait le secret de la matière ; la réponse hermétique de Jules Burensteinas aurait décidé le monstre à le condamner.
Le compte rendu de cet interrogatoire fut rapporté en haut lieu par un certain Hans qui trouva la mort en décembre 1943 sur le front de l'est.
Jules Burensteinas se retrouva à Auschwitz et son sort était apparemment scellé puiqu'il aurait dû aller directement du wagon à bestiaux à la chambre à gaz comme des centaines de ses compagnons d'infortune. Mais il fut repéré et intercepté par un haut gradé SS qui se trouva spécialement missionné au camp de concentration pour identifier l'infortuné alchimiste. Dans l'entourage du führer on eut vent qu'un déporté pouvait connaître le secret de la matière ; ce même secret qu'était sur le point de découvrir les alliés pour réaliser une arme secrète surpuissante : en l'occurence la bombe atomique. Donc Mr Burensteinas se retrouva dans les griffes du QG de la SS et Himmler lui-même s'intéressa à son cas. Voilà ce qu'il lui demanda : " Alors Mr Burensteinas il paraît que vous connaissez le secret de la matière ? " Sachant que sa précédente réponse lui avait valu sa déportation l'Alchimiste fit une autre réponse qui quoique tout aussi juste serait mieux comprise et plus en adéquation avec la science officielle de son temps : " Certe, Monsieur l'Officier ; la matière est constituée d'atomes qui eux même sont constitués de noyaux autour desquels gravitent des électrons.
_ Oui, mais tout ça nous le savons déjà n'avez-vous pas mieux à nous offrir ?
_ Les noyaux sont divisés à leur tour en particules appelées proton et neutron. " Un physicien qui participait à l'interrogatoire hocha la tête d'une manière affirmative. Le chef suprème des SS reprit : " Herr Professor ici présent me fait signe qu'il sait déjà ça ; pouvez-vous nous en dire plus ?
_ Les protons et les neutrons sont à leur tour divisés en particules plus petites appelées quarks. Il y a deux sortes de quarks : le quark up et le quark down ; le proton est constitué de deux quarks up et un quark down et le neutron d'un quark up et de deux quarks down. "; Cette fois le grand scientifique fut très impressionné et intervint dans l'interrogatoire : " D'où tenez vous ce genre de connaissances ? Il existe en effet des hypothèses comme quoi la matière à son niveau fondamental pourrait se présenter sous cette forme mais elles ne sont en rien aussi précises et formulés que votre discours et surtout d'où sortez-vous toute cette terminologie ? De plus ce ne sont que des théories et il n'y a encore aucune preuve expérimentale. " Jules fut lui-même très étonné : d'où lui venait ce savoir ? Pour sauver sa vie son psychisme avait puisé, on ne sait où, des savoirs qui ne seraient accessibles que bien des années plus tard. De plus l'Alchimiste était versé dans les savoirs traditionnels mais pas dans la science d'avant-garde notamment la mécanique quantique. Il put quand même répondre : " Herr Professor, c'est là un savoir alchimique très anciens que bien peu d'alchimistes sont à même de connaître ; je vous ai ouvert le sanctus sanctorum de l'initiation alchimique suprème ; la pierre philosophale à côté ne représente qu'un accessit. Quand à la terminologie elle est encore plus hermétique mais ne doit pas empêcher cependant une application pratique... " L'habile alchimiste qu'était Jules Burensteinas avait su faire miroiter que le rêve de puissance et de maîtrise sur la matière était à portée de mains des Nazis grâce à ses futures révélations. Et tel la Shéhérazade des Contes des Mille et Une Nuits il sut tenir en haleine ses sauvages interlocuteurs afin de survivre le plus longtemps possible. On a affirmé sans preuve que Mr Burensteinas était mort finalement à Auschwitz. Mais il se pourrait bien qu'il ait survécu et qu'il se trouvait à Berlin en avril 1945 quand les soviétiques eurent pris la ville d'assaut. En fait l'Alchimiste était bien encore prisonnier des SS qui croyaient toujours qu'il détenait de grands pouvoirs. Cette captivité n'avait rien à voir avec celle des déportés de Dachau, Birkenau ou Auschwitz ; Il était infiniment mieux traité. Burensteinas ne dut son salut, quand les soldats russes firent irruption dans ce bunker qui était aussi sa prison dorée, qu'au fait qu'il connaissait le russe car avant la guerre il avait été en contact avec des alchimistes russes qui avait fui la révolution et Staline. Il avait appris le russe à leur contact car il avait estimé que pour leur soustraire certaines connaissances secrètes il valait mieux être dans leur intimité linguistique. Alors que ses geôliers furent abattus sans pitié il leva les bras en l'air en criant en russe : " Camarades, camarades ! " S'en était suivi un long et beau poème dans la langue de Tolstoï. Il n'y avait pas que des moujiks dans l'armée rouges mais aussi des commissaires politiques d'une grande culture or il s'en trouva un en tête de la troupe d'assaut du bunker, et, impressionné par ce français qui semblait surgi de nulle part, ne le fit que seulement prisonnier. Burensteinas se retrouva dans un camp de prisonniers en URSS. Mais plus pour longtemps car il fut interrogé par les Soviétiques et l'Alchimiste dut leur révéler la cause de sa déportation : le secret de la matière. Voilà quelque chose qui pourrait intéresser Staline lui-même car qui disait secret de la matière disait bombe atomique : c'est ce que se dit un haut gradé du KGB. Alors Burensteinas retrouva une autre prison dorée et obligé malgré lui de participer aux recherches sur la bombe. Mais il ne fut évidemment d'aucun secours à ce progamme de recherche car tout alchimiste qu'il fût il ne connaissait rien à la science officielle et conventionnelle. Et de toute manière l'espionnage fit le reste et les Soviétiques purent mettre au point leur propre bombe nucléaire. Oui, mais tant dans le bloc soviétique qu'en occident le secret de la matière restait à découvrir et Burensteinas fut là encore mis à contribution. Que pouvait-il répondre à ceux qui l'interrogeaient et qui continuaient à le prendre au sérieux car passé par les geôles de Hitler ? Avoir été au plus près de la puissance infernale du nazisme semblait avoir conféré à l'Alchimiste une aura de crédibilité plus ou moins méritée. Cependant la question fut à nouveau posée par le chef du KGB : " Burensteinas possédez-vous le secret de la matière ? " Et Burensteinas fit la même réponse qu'à Klaus Barbie vingt ans auparavant : " Pour connaître le secret de la matière il vous faudra vingt ans de pratique et, peut-être qu'au bout de vingt ans, vous pourrez confectionner la pierre philosophale qui vous permettra entre-autre de changer le plomb en or. " En contradiction avec le dogme matérialiste dialectique la recherche en parapsychologie était très développée en URSS à cette époque aussi cette réponse ne choqua personne et l'Alchimiste ne se retrouva pas au goulag. Très bien, seulement tout cela était difficilement applicable car qui peut disposer d'un laps de temps de vingt ans ? Et qui peut avoir suffisamment d'abnégation et de patience pour mener pareille recherche ? Pourtant changer le vil plomb en or : voilà qui était séduisant. Puis Jules Burensteinas en 1966 atteint les 80 ans et songea à mourir.
Pascal Chenal a fini la lecture du chapitre et repose le livre sur la table basse. Que penser de toute cette histoire ? Il lui revient en tête le roman de Rudyard Kipling : L'Homme qui Voulait Etre Roi : n'y a-t-il pas une troublante analogie entre cette histoire et celle de Burensteinas ? L'histoire d'une imposture ?
Soudain une autre histoire d'imposture lui revient en tête : un scandale littéraire ; un auteur en état de faiblesse dépossédé de son livre. Mais rien ne réfère à ce fait dans l'actualité récente ou plus ancienne... D'où lui vient cette idée ? De l'avenir, lui dit une petite voix, dans sa tête, qui lui semble familière. Une histoire de symbole. Quel peut être ce symbole ? Pascal se souvient de sa promenade de tout à l'heure sur le port : un malaise indéfinissable le saisit ; comme s'il avait un mot sur le bout de la langue, une idée, un concept, toute une histoire sur laquelle il n'arrive pas à remettre la main. Nous sommes en novembre 2013, reprend la petite voix, et voilà trois ans qu'un artiste a créé un grand symbole de l'humanité dans l'indifférence générale. Cherche homonyme, dit la voix. Qu'est-ce que c'est cette histoire ? Et quelle homonymie. Machinalement Pascal Chenal ouvre son ordinateur et tape son prénom et son nom sans y penser, par jeu, par désoeuvrement, et lance une recherche. Bien sûr il tombe sur sa propre personne et aussi un autre Pascal Chenal qu'il connait d'ailleurs, restaurateur dans la vallée de Chamonix ; un savoyard comme lui étant donné que Chenal est un nom typiquement savoyard mais aussi, plus inattendu, dans une orthographe proche : Pascal Schenal. Il ouvre un des sites dédiés à ce personnage : qu'est-ce que c'est cette histoire de symbole Schenal ? Quel est ce mégalomane qui prétends donner son nom à un symbole ? Il repère une sorte de catalogue avec toutes sortes de bijoux d'inspiration celtiques parmis eux ce pendentif :
. Pascal Chenal est très intrigué par ce symbole : il lui semble l'avoir déja vu quelque part alors que c'est en fait la première fois qu'il en prend connaissance. Le malaise qu'il avait eu il y a quelques instant le reprend ; machinalement il griffonne sur un bout de papier, à partir de ce symbole sans doute abusivement nommé Schenal, ce vague croquis :
; on dirait la combinaison de la croix gammée et du yin-yang, se dit-il. Et, soudain, tout lui revient en mémoire, toute une histoire : l'Histoire ; une autre Histoire où ce drapeau :
, est l'emblème du régime nazi. Il ne comprend plus rien ; il a un moment de flottement ; il réexamine la couverture du livre dont il vient de lire un chapitre : pas d'erreur ; il s'agit bien du drapeau nazi avec la croix gammée conventionnelle dessus :
; mais pourtant cette vision que la découverte du symbole prétendument nommé Schenal a rétabli dans sa mémoire d'où provient-elle ? D'un rêve nocturne ? Non, ce n'est pas le cas. Tu as droit à un autre joker, reprend la petite voix, cette vision est aussi réelle que la perception de la réalité ci-présente seulement elle provient d'un univers parallèle où l'emblème nazi est représenté par un symbole appelé la croix gammée de Hitler : combinaison du swastika avec le yin-yang que tu viens de griffoner sur ce bout de papier ; dans cet univers un autre toi-même y évolue mais ça ne change pas fondamentalement ton histoire : dans cet autre monde ta grand-mère reste, entre autres, une héroïne de la résistance. Pascal Chenal réfléchit à ce que vient de lui dire la voix : est-ce bien vrai ? Cela semble un détail infime, cette question de symbole, mais qui sait si ça n'eut pas changé du tout au tout l'Histoire ?
Un symbole a-t-il un pouvoir magique ? Et doit-on s'empêcher d'imaginer que la croix gammée de Hitler eut permis aux nazis de conquêrir le monde entier ? Soutenu en ça par la providence du MAL qui aurait octroyé à Hitler ce tout nouveau symbole ? Si ça avait été le cas à quoi aurait ressemblé le monde ? Des peuples entiers eurent-ils disparus de la surface de la Terre ? Hitler avait juré d'exterminer le peuple juif dans sa totalité ; eut-il accompli ce monstrueux dessein ? Aurait-il fait de même avec les Africains, les Asiatiques et les Océaniens ? Puis s'en serait-il pris au peuples de l'Europe pas assez aryens à ses yeux : les Espagnols, les Italiens, les Slaves et même les Français ? Ne seraient-ils restés sur terre que les populations d'origine germanique, les purs Aryens ; les grands hyperboréens blonds aux yeux bleus parlant allemand ? Il aurait fallu alors qu'il extermine 90% du genre humain. Mais un autre problème se serait posé : où trouver l'effectif pour accomplir une telle besogne ? Les savants et les ingénieurs nazis eurent-ils fabriqué une armée de 500 millions de robots, de machines à tuer, pour le faire ? Et une fois tout ce travail accompli qu'auraient fait les 200 millions d'Aryens à rester seuls sur Terre ? Eurent-ils proliférés ? Et en peu de temps aurait-on vu la terre peuplée de milliards de blonds aux yeux bleus? Pascal Chenal se demande si tout cela : cette projection d'une Histoire alternative, à grand sens. Des fariboles tout ça, se dit-il, à quoi ça rime ? Il juge que le projet raciste de Hitler était une absurdité et ne pouvait perdurer : symbole porte bonheur ou pas cela n'eut rien changé et le régime nazi eut quand même été abbatu ; Hitler était d'ailleurs son propre ennemi ; projets politiques délirants, stratégies militaires vouées à l'échec et révolte interne au sein même de son état-major ; tout le vouait à l'échec. Alors à quoi ça rime tout ça ? Ce tout nouveau symbole ; cette croix gammée de Hitler ? Donc en effet, c'est un détail infime que ce symbole et ça n'eut pas changé le cours de l'Hitoire. CQFD.
La petite voix reprend : c'est pourquoi l'univers parallèle où ce symbole existe a si peu de consistance : c'est à peine un rêve et encore est-il si évanescent... Ce n'est qu'une projection ; une hypothèse de travail du Grand Esprit. Mais ça n'inhibe pas le pouvoir magique de ce tout nouveau symbole issu par déduction, grâce à toi, du symbole Schenal. Le monde est sur une mauvaise pente et il a besoin d'un miracle pour éviter l'Apocalypse : voilà à quoi doit servir ce symbole.
Puis Pascal Chenal en a marre ; il prend le bout de papier où il vient de griffonner ce grigri et le jette au feu qui brûle dans la cheminée. Il passe à autre chose et oublie toute l'affaire.
Le lendemain-même la Troisième Guerre Mondiale est déclenchée et une superbombe nucléaire est lâchée sur Lyon ; les effets de la déflagration ravagent les deux Savoies et Pascal Chenal est tué. Et quelques mois plus tard il n'y a plus âme qui vive sur terre.
Mais c'est quoi cette connerie de pouvoir magique d'un symbole, en l'occurence de ce nouveau symbole ? C'est de la superstition. À l'évidence l'émergence de ce symbole n'aura pas pu empêcher la Troisième Guerre Mondiale et la disparition de l'Humanité. Tout ça à cause du geste sacrilège de Pascal Chenal qui a jeté au feu le signe qu'il venait de dessiner ? C'est de la superstition. Et puis d'abord l'inventeur du symbole qui porte son nom : ce fameux Pascal Schenal, que n'a-t-il pas découvert de son côté cette version anguleuse ? Si ça avait été le cas la magie dudit symbole eut agi et on eut évité la fin du monde ; or ce n'est pas le cas, alors ; n'est-ce pas de la superstition tout ça ? En 2013 Schenal ne disposait que de la version curvilinéaire de son symbole ; même si la version angulaire était implicite dans son esprit une sorte d'auto-censure, une concession de plus faite aux légions d'imbéciles qui peuplent ce monde, l'empêchait de l'exprimer et surtout de la dessiner. Voilà pourquoi la fin du monde est arrivée même si la Providence a fait une tentative auprès de Pascal Chenal pour faire émerger cette version du nouveau symbole ; tentative étouffée dans l'oeuf comme on l'a vu.
Cependant, pourrait se dire le lecteur, la Troisième Guerre Mondiale, n'a pas éradiqué jusqu'au dernier des humains puisqu'il se trouve un chroniqueur pour rapporter cette histoire et même un lecteur pour la lire, en l'occurence moi, se dit le lecteur. Alors, cette histoire de fin du monde est-elle bien réelle ? Elle est réelle dans l'univers parallèle où Pascal Chenal a jeté au feu le nouveau symbole. Dans cet univers-ci où cette histoire est en train de s'écrire nous sommes en 2020 et Schenal s'est résolu depuis 2017 à dessiner la version angulaire et essayer de la diffuser et de l'imposer. Sans succès.
Cette histoire est tellement ancrée dans la réalité qu'elle ne peut s'écrire qu'au jour le jour et en cela elle est une véritable chronique et ne peut outrepasser l'instant présent en anticipant l'avenir sinon nous serions là en présence d'une fiction. Il est impossible au chroniqueur de connaître l'avenir de Pascal Schenal.
Passons à autre chose.
Pascal Chenal a présenté sa grand-mère Mélanie Chenal comme une grande résistante mais est-ce bien la vérité ? Car si elle est bien morte victime du boucher de Lyon elle ne semble pas avoir fait partie de la résistance et seule la pieté filiale de son petit-fils a exagéré son rôle. Car qu'aurait pu faire une vielle femme de 93 ans dans l'armée de l'ombre ? Que l'on se souvienne du moment de son arrestation dans le parc de la villa Chambovet : elle fouillait les buissons à la recherche de son chat mais est-on bien sûr qu'il s'agissait de son chat ? Or il ne s'agissait pas de son chat ; la nonagénaire recherchait tout autre chose. Elle avait parfaitement repéré l'arrivée de Barbie et de ses sbires et était bien sûr au courant de l'évacuation de la planque de la villa puisque c'est elle-même qui l'avait organisée. Elle n'aurait pas dû se trouver à ce moment là au su et au vu des policiers allemands : il s'agissait là en fait d'une diversion. Mélanie cherchait un indice compromettant qui aurait pu diriger la gestapo vers les résistants en fuite et voyant qu'elle n'y arriverait pas car le temps pressait elle s'est délibérément faite repérer. Mais quel était donc cet indice compromettant ? Une douille de balle. D'une balle qui ne pouvait-être utilisée que sur une arme très particulière : un pistolet d'officier de la waffen SS qui n'était attribué qu'à ce groupe et pas un autre. Mais qui dit douille dit balle et donc tir de balle. Qui avait tiré dans le parc Chambovet et pourquoi ? C'était une femme qui avait tiré et elle avait abattu un des résistants planqués dans la villa : elle avait profité que celui-ci soit sorti nuitamment dans le parc pour fumer une cigarette pour le tuer alors qu'elle était caché dans un buisson. Les compagnons de la victime ont découvert son corps au petit matin se demandant ce qui avait bien pu lui arriver. Cette femme était la fille que Mélanie Chenal avait eu tardivement à l'âge de 45 ans : Odette Chenal la mère adoptive de Pascal Chenal. Pourquoi Odette avait-elle tué Jean-Pierre ? Nous ne donnerons que son prénom par égard pour sa famille. Parce que c'était un traître et qu'Odette était la seule à le savoir. Mais d'où le savait-elle ? Elle l'avait vu sortant du bureau du chef de la waffen SS à la commandantur. Odette connaissait Jean-Pierre mais ce dernier ne la connaissait pas. Odette était la secrètaire de l'officier SS ; elle était parfaitement germanophone car elle avait été élevée en allemagne par son père qui était allemand. Sa mère avait épousé en 187O un soldat prussien qui faisait partie des troupes d'occupation, elle l'avait suivit en allemagne et c'est là qu'elle avait eu tout ses enfants, sept en tout, après son veuvage en 1920 elle était rentrée en france accompagnée de sa dernière fille qui avait décroché un emploi à Lyon. Mélanie avait pu récupérer son nom de jeune fille et Odette avait fait changer son nom de naissance Wolf en celui de Chenal. Cela peut paraître invraisemblable car on ne modifie pas ainsi l'état civil de deux personnes qui, plus est, étroitement apparentées aussi facilement ; mais ça c'est fait comme ça. Odette savait que Jean-Pierre était un agent double car elle avait eu accès à son dossier avec sa photo, à l'insu de l'officier SS. Ce que ne savait ni le SS, ni Jean-Pierre c'est que Odette était un agent infiltré de la résistance ; une proche de Jean Moulin et lui seul la connaissait. Quand Odette eut compris que Jean-Pierre était un traître elle organisa un traquenard pour l'éliminer : elle lui donna secrètement rendez-vous, par l'intermédiaire d'un camarade, à la villa Chambovet. Jean-Pierre ignorait que la villa était une planque de la résistance ; il devenait d'autant plus impérieux de l'éliminer. Mais Odette n'avait pas d'arme ; ses chefs avaient jugé trop risquée la détention d'un pistolet par l'agent infiltré car elle-même et son domicile aurait pu être fouillés à tout moment. Aussi Odette n'eut d'autre choix que d'emprunter l'arme de son employeur. C'était risqué mais c'était un risque calculé : ce ne serait l'affaire que d'une nuit ; elle piquerait le soir l'arme dans un tiroir du bureau de l'officier et la remettrait le lendemain matin ni vu ni connu. Ainsi fut fait et elle abattit Jean-Pierre, l'avant veille de la descente de la gestapo. Odette remplaça la balle manquante dans le chargeur du pistolet ; le SS ne s'apercevrait pas de l'absence d'une balle dans son stock de munitions. Quand Odette sut d'une manière impromptue que Barbie allait faire une descente à la villa Chambovet elle comprit quel danger cela constituait pour elle : la douille était restée sur place et c'était celle d'un munition très rare ; à tout les coups les sbires de Barbie remonteraient jusqu'à elle. Elle ne pouvait quitter son poste mais fit prévenir sa mère afin que celle-ci puisse récupérer la douille avant que les policiers allemands, coutumiers de fouilles minutieuses, ne la découvrent. Voilà pourquoi Mélanie Chenal est une héroïne de la résistance et sa fille également. Odette à la libération a adopté un tout petit bébé dont les parents venaient de mourir dans un bombardement : on avait retrouvé le nourrisson aux milieu des ruines, vivant, comme par miracle ; ses parents en le protégeant entre eux-deux lui avaient sauvé la vie. Odette passait par là quand on découvrit ce tout petit enfant ; elle le prit sous son aile et finit par l'adopter et le prénomma Pascal. Quelle belle histoire n'est-ce pas ? Oui, mais tout à fait fictive puisque Pascal Chenal se situe dans un univers parallèle où toute l'humanité a été exterminé à cause de la Troisième Guerre Mondiale. Dans ce cas là ce n'est qu'une fiction et n'en parlons plus. Certe mais il reste un point à éclaircir. Pourquoi Mélanie a donné Burensteinas avec autant de facilité ? Burensteinas était-il totalement étranger et à la résistance et aux forces d'occupation ? Certainement. Mais pourquoi le résistant Gilles Chavret était-il son disciple ? Il faut chercher cette réponse dans le fait que Gilles était franc-maçon ; un franc-maçon d'une obédience très particulière qui avait un lien étroit avec le néo-druidisme. Particulièrement avec cette mouvence du néo-druidisme grandement attachée aux symboles graphiques celtiques traditionnels : le triskel, le quadriskel, et la croix celtique. Une branche de l'alchimie s'occupe des symboles ; Gilles était versé dans cette recherche sur les symboles et il recherchait un nouveau symbole bien particulier comme étant une pierre philosophale graphique. Pourquoi Gilles Chavret est entré dans la résistance ? La motivation de tout résistant à cette époque de la guerre n'était-elle pas évidente ? Le combat contre la barbarie et l'oppression ainsi que, pour ceux qui étaient les mieux informés, contre le massacre de millions de personnes dans les camp de la mort. Gilles avait eu évidemment ce genre de motivation. Mais ce n'était pas suffisant : il y avait autre chose ; mais quoi ? Quelque chose en rapport avec sa quête personnelle : l'usurpation par les nazis du swastika ; il savait que désormais ce symbole serait à jamais maudit et il voulait savoir pourquoi Hitler avait fait le choix de la croix gammée comme emblème de son parti. Pour cela il aurait mieux fait d'intégrer la division Charlemagne avec ces français qui avaient choisi de trahir leur pays : il aurait obtenu plus de renseignements en approchant au plus près le sanctus sanctorum nazi ; les SS. Justement ; Gilles ne pouvait pas s'allier avec les forces du MAL. Alors quelles informations aurait pu obtenir Gilles en combattant l'ennemi ? Pour cela il aurait fallu qu'il fasse prisonnier un haut gradé SS qui aurait connu l'initiation suprème et surtout qu'il le fasse parler. Mission impossible. Que faisait Gilles Chavret dans la vie ? Il était infirmier dans un grand hôpital lyonnais. À un moment donné il y eut dans son service un haut gradé SS gravement malade ; en phase terminale d'un cancer de l'oesophage. Gilles assista à ses derniers instant. Le SS délirait ; sa conscience le tourmentait à cause des crimes horribles qu'il avait perpétrés. À un moment donné, dans une phase de lucidité, le nazi s'adressa à l'infirmier dans un français d'une grande correction, presque dépourvu d'accent : " Monsieur l'infirmier, si je parle si bien français c'est que j'ai un ancêtre Huguenot et que dans ma communauté, dans un petit village d'Allemagne peuplé entièrement de descendants de Français exhilés à cause de la révocation de l'Edit de Nante, on ne parlait que français. Le dimanche, au temple, à l'office, notre pasteur nous parlait souvent des persécutions dont les Huguenots au XVIIème siècle avaient été victimes : il nous a mis constamment en garde contre l'intolérance et moi, Absalon Puget, je ne l'ai pas écouté préférant me tourner vers ce fou vociférant de Hitler... J'ai un secret à vous confier car vous êtes la seule personne qui se trouve auprès de moi au moment où je m'apprête à faire le grand saut... Il y a trois mois j'ai visité la région d'où sont originaires mes ancêtres : le midi toulousain... Mais ce voyage avait un tout autre but... Lors de mon initiation à un grade élevé chez les SS, on nous a révélé que les cathares avaient en grande partie inspiré le führer et que dans les ruines des sites cathares se trouvait un secret lié à un certain symbole... J'ai exploré ces ruines et je n'y ai rien trouvé à part ça... " Le mourant prit une petite boîte de carton sur sa table de nuit et l'ouvrit : dedans se trouvait une petite médaille en étain plomb ; ce genre d'objet de piété, figurant saintes vierges et saints, étaient très répandus au Moyen-Âge seulement là c'était tout autre chose qui était représenté sur la médaille, ça :
les contours de la médaille étaient très érodés mais on pouvait discerner malgré tout ce qui pouvait s'apparenter à un labyrinthe. L'agonisant reprit : " Je suis persuadé que ce symbole a une importance cruciale ; j'aurais pu le livrer à mes supérieurs mais je ne veux pas que le nazisme puisse s'étendre sur le monde entier car je ne doute pas de son pouvoir magique : j'ai vu l'horreur des crimes des nazis ; crimes auxquels j'ai participé et ma conscience me tourmente ; je vous confie cet objet, prenez en soin et faites qu'il ne tombe pas aux mains de mes anciens camarades que je renie... " Et Absalon Puget mourut. Gilles Chavret comprit l'importance de cet objet sur lequel figurait le symbole qu'il recherchait depuis tant d'année. Il cacha la médaille dans un endroit connu de lui seul et tomba peu de temps après aux mains de la gestapo et vécut le destin que l'on sait. Tout ça se fit très rapidement et Gilles n'eut pas le temps de s'appesantir sur ce que la Providence lui avait octroyé : rien moins que le passage dans un autre univers parallèle.
Gilles Chavret a tellement bien caché la médaille que personne n'est vraiment prêt à la trouver. Gilles Chavret, en compagnie de l'obersturmfürer Puget, avait emporté le secret du nouveau symbole dans la tombe et personne ne le saurait peut-être jamais.
On peut en étant un peu réaliste faire un peu de prospective sur le destin de Pascal Schenal. Ceci est un peu permis et on ne tombera pas dans les travers de la fiction en faisant quelques projections. Pascal Schenal finira-t-il par faire publier son livre et son symbole finira-t-il par être connu ? Ce n'est pas gagné. Cependant à la manière de Perette et le pot au lait on peut fantasmer que ce sera le cas et que ledit symbole finira par se répandre sur la face du monde entier. Formidable. L'humanité sera-t-elle sauvée grâce à ce symbole ? Là nous outrepassons les limites de la prospective raisonnable et il vaut mieux avouer son ignorance. Donc tenons nous en à l'hypothèse basse : le symbole est connu de tous et le monde continue son petit train train ; peu importe les menaces qui pèsent sur l'humanité et ceci pourrait se poursuivre ainsi pendant longtemps. Mais au bout d'un laps de temps indéterminé on découvre la médaille cathare que le grand résistant Gilles Chavret avait si bien caché. Il l'a dissimulé à l'intérieur de la cathédrale Saint-Jean à Lyon, dans une minuscule anfractuosité dans la sculpture d'un chapiteau d'une des colonnes d'une chapelle latérale. Le toit de la cathédrale prend feu ; un gigantesque incendie. Dégats considérables ; il faut restaurer la cathédrale ; il y en a pour des décennies. Au bout de plusieurs années la chapelle est restaurée et avec elle toutes les sculptures attenantes. Ce chapiteau est vraiment dans un sale état : il faut le déposer et le remplacer par un autre que l'on façonnera à l'identique. Et là un ouvrier découvre la médaille qui est aussitôt remise au chef du chantier qui la remet à son tour à un archéologue qui étudie la cathédrale. Etonnement du scientifique qui découvre là un tout nouveau symbole. Ceci fait la une des média. Ahah, le symbole soit-disant créé par Pascal Schenal n'est donc pas une nouveauté ! Mais alors Serge Castor avait raison : il n'y a rien de nouveau sous le soleil et ce symbole préexistait déjà à la découverte de Schenal. Le sculpteur Serge Castor avait proposé dés la fin du XXème que l'on finisse les sculptures de la basilique Fourvière qui n'avaient d'existences que virtuelles dans les tables d'attente des chapiteaux de colonne garnissant les emplacements les moins en vue de l'église. Serge Castor avait affiché son scepticisme quand son ami Pascal Schenal lui avait fait part, en 2011, de sa découverte bafouant ainsi une revendication légitime de primo-créateur de grand symbole de l'humanité. N'est-ce pas une extraordinaire synchronicité que Serge Castor se soit occupé de chapiteaux et que précisément on retrouve le symbole, dont il doutait que son ami en fût le primo-créateur, dans un chapiteau ? Les archéologues se penchent sur l'origine de la médaille ; l'alliage est analysé et l'on découvre que celui-ci était utilisé dans la fonte de médailles pieuses au XIIIème siècle dans le midi toulousain. Des historiens font le rapprochement avec le swastika que les cathares gravaient sur les murs des endroits où ils se réunissaient. On propose alors une origine cathare au symbole en forme de labyrinthe. Une question se pose néanmoins : l'unicité de cette découverte ; ce symbole aurait dû dés le moyen âge se répandre partout or il n'y a rien eu de tel ; pourquoi ? Un gros malin intervient : un sceptique professionnel ; voilà ce que suggère Henri Blaireau : " Toute vos spéculations sont basées sur la composition d'un alliage mais pas sur l'objet lui-même : sa forme, son style, sur ce qui s'est éventuellement déposé sur sa surface : les oxydes, les dépots minéraux, les pollens ect... Les faussaires en peinture savent très bien employer des matériaux de l'époque considérée pour faire leur faux ; des toiles, des pigments, des vernis. Donc quelqu'un a très bien pu fondre des médailles pieuses du XIIIème siècle pour couler votre sacré symbole et ce au XXème siècle par exemple ; il faut plus d'éléments avant de dire qu'il s'agit bien là d'une médaille cathare. " Alors des analyses plus poussées sont effectuées : il n'en ressort rien de concluant ; la médaille a très bien pu être coulée au XXème siècle. Voilà les contempteurs de la primo-création du symbole par Pascal Schenal gros Jean comme devant. Et de toute manière des symbologues soulignent qu'une découverte isolée d'un si grand symbole à une époque aussi lointaine n'est tout simplement pas crédible car de toute façon il se serait répandu partout dans le monde ; ce qui n'est pas le cas. Alors le plus probable c'est qu'il y a eu fraude : quelqu'un aura façonné cette médaille d'après le symbole de Schenal créé en 2017 et l'aura déposé dans la cathédrale Saint-Jean à une date postérieure à cette date. Or nous savons que cela a été fait à une date bien antérieure, en 1943, par Gilles Chavret qui avait obtenu la médaille de l'obersturmfürer Puget qui lui-même l'a trouvé dans les circonstances que nous connaissons. Oui, mais qui le sait à part nous et ces deux protagonistes historiques ? Personne. Aucune trace écrite et historiographique n'atteste ce fait. Bien sur cette histoire va se répandre par le présent livre mais en l'absence de preuve personne ne sera obligé d'y croire. On peut raconter une toute autre histoire à partir de cette médaille ; bien plus crédible celle là. En 2021 le triomphe de Pascal Schenal après tant d'années de galère suscite bien des jalousies notamment de la part d'un certain Jean S. qui a très mal digéré d'avoir été ridiculisé en étant rangé dans le camps des le paysan breton est tellement idiot qu'il croit que la lune a une influence sur les marées. C'est lui qui a confectionné la médaille à partir de médailles du Moyen-Âge. C'est lui qui l'a déposé dans le chapiteau mais il ne s'est pas aperçu qu'il a laissé un de ses cheveux dans l'anfractuosité réceptacle de la présumée antiquité. Le chapiteau a seulement été déposé et fait l'objet d'aucune intervention. Après la découverte de la médaille l'archéologue qui étudie la cathédrale fait les prélévements nécessaires sur la sculpture. Il prélève poussières, pollens, éléments chimiques et organiques ; il trouve des poils d'animaux et d'humains ; deux ou trois cheveux notamment ; dont un se trouve très précisément à l'endroit où se trouvait la médaille. Recherche d'ADN comme pour la police scientifique. On s'attarde plus particulièrement sur celui du cheveu car la controverse enfle et on réclame à cor et à cri une explication. Nous sommes en 2051 et à cette époque tout le monde depuis 25 ans a son ADN versé dans un grand fichier informatique mondial, il n'y a plus seulement que les délinquants ; le tout sécuritaire a triomphé. Alors l'ADN du cheveu est comparé avec des milliards d'autres et l'ADN le plus proche, quasi identique, est celui... du fils de Jean S.. On mène l'enquête et on remonte à cette année 2021 où un certain Jean S. que l'on a oublié depuis longtemps est entré en conflit avec Pascal Schenal. La boucle est bouclé et la fraude ne fait plus aucun doute : c'est cet illustre inconnu de Jean S. le coupable.
Alors quelle est l'histoire la plus crédible : celle de Gilles Chavret ou celle de Jean S. ? Sans doute celle de Jean S. car nous disposons d'une preuve matérielle ; son ADN. Pourtant plus haut l'hypothèse Chavret semblait la mieux fondée ; pourquoi ce revirement ? À cause d'un fait extraordinaire : une découverte totalement isolée ; encore bien plus extraordinaire que la création de Pascal Schenal. Absalon Puget trouvant dans les ruines d'un château cathare un médaille avec un symbole jamais vu jusqu'alors : c'est proprement miraculeux. Des religions entières se sont établies pour moins que ça. Et si on doit choisir entre un miracle et un fait plausible et attesté on choisit ce dernier.
Je me retrouve dans la posture de Shéhérazade : je dois raconter une histoire supplémentaire sinon... Sinon quoi ?
Retour à la case départ : à Auschwitz. C'est ce que se dit Jules Burensteinas alors qu'il est dans les mains du haut commandement nazi. Qu'est-ce qu'il va encore leur dégoiser à propos du secret de la matière ; comment faire pour être encore crédible ? Il faut recourir à l'alchimie sans pour autant proposer la pratique traditionnelle qui demande toute une vie d'homme et surtout un ascèse totalement incompatible avec une vie voluptueuse de domination sur plus faible que soi : la vie des tortionnaires nazis qui jouissent de la souffrance des autres. La psychokinésie : le pouvoir de l'esprit sur la matière ; voilà le secret qu'il pourrait leur dévoiler. Il s'agit bien du secret ultime de la matière mais c'est incompatible avec le matérialisme et notamment avec le darwinisme dont se réclame l'idéologie nazie. Les nazis en ce début 1945 sont en train de perdre la guerre ; peut-être qu'ils sauront se montrer plus pragmatiques et se moquer de l'idéologie. Après tout ils veulent mettre au point une arme secrète alors que ce soit une bombe ou autre chose... Burensteinas dans sa geôle dorée a le privilège de disposer auprès de lui d'un certain nombre d'objets personnels qu'il a le droit de garder à condition que ceux-ci ne puissent servir à son suicide ou à attenter à la sécurité de ses gardiens. Parmis ces objets se trouve un pendule ; un pendule tout ce qu'il y a de plus classique. Bien avant sa captivité l'alchimiste avait procédé à un certain nombre d'expériences avec le pendule notamment avec un pendule dont le poids faisait une masse de 20 kg ; pour lui il ne fait pas de doute que le bilan énergétique entre le travail fourni par le poids en rotation et l'énergie que doit dispenser le corps pour le faire est très nettement en faveur de l'hypothèse télékinésique : il y a bien plus d'énergie dépensée par la rotation du poids qu'il y a d'énergie fourni par le corps. Très bien mais que faire avec ça. Il a aussi remarqué que quand la main qui tenait le pendule était pratiquement immobilisée le pendule ne tournait pratiquement plus mais cependant toute rotation n'était pas inhibée : un très faible mouvement rotatif demeurait. Pris par toutes ses recherches dans d'autres domaines de l'alchimie il ne s'était jamais appesanti sur le sujet. Voilà l'occasion de remettre celui-ci à l'honneur, se dit-il. Mais comment faire ? La boucle rétro-active, lui dit une petite voix intérieure, le terme est totalement inconnu en cette fin de guerre ; plus tard il sera anglicisé en feed-back. Burensteinas a le clair concept de cette idée de boucle rétro-active : la perception d'un petit effet doit servir à alimenter le mécanime destiné à produire un plus gros effet et ainsi de suite pour finir par un très gros effet. Oui, mais comment faire ? Se servir d'amplificateur à lampes tel que ceux utilisés, entres autres, dans la TSF. Oui, mais il faut un capteur de mouvement : quel sera-t-il ? Le poids sera un aimant et autour de lui sera disposées en cercle toute une série de bobine à induction : à chaque fois que l'aimant sera au plus près d'une de ces bobines un courant électrique sera induit dans la bobine et ce courant sera amplifié, puis ce courant amplifié éclairera un voyant lumineux. Un cercle de voyants lumineux permettra de visualiser le moindre mouvement du poids du pendule. Le penduleur verra l'action de son esprit sur le pendule et constatant l'efficacité de cette action amplifiera le mouvement du poids. Ainsi une main totalement immobilisée tenant un pendule sera à même de le faire tourner avec une grande amplitude ; ou du moins avec une amplitude suffisante pour prouver l'action de l'esprit sur la matière. Il y a mieux : un tétraplégique pourra par ce dispositif, qui lui permettra d'actionnner un pendule en ayant une main totalement immobilisée, de commander un moteur qui fera rouler le fauteuil roulant dans lequel il se trouve car si ce dispositif permet d'éclairer un témoin lumineux il sera tout autant capable d'alimenter un moteur et même un moteur puissant à condition que l'amplificateur à lampe soit tout aussi puissant. Oui, mais les nazis se moquent d'améliorer la vie des handicapés : une balle dans la tête et c'est réglé, se dit-il. Il faudrait trouver une autre application à la psychokinésie. Il faudrait qu'à force d'entraînement l'usage du pendule dans le dispositif soit court-circuité et que l'esprit actionne directement l'éclairage d'une ampoule ou le démarrage d'un moteur. La force de l'esprit de l'expérimentateur pourrait se développer à ce point qu'au bout d'un temps plus ou moins long d'entraînement l'expérimentateur serait à même de soulever des objets plus ou moins lourds. Alors le rêve de toute puissance sur la matière par l'esprit pourrait se réaliser. Il y 300 ans l'électricité était un tout petit phénomène anecdotique, poursuit-il pour lui même, or on a vu à quel point elle s'est développée, à un point tel que de nos jour elle permet d'actionner des machines surpuissantes et d'éclairer ad giorno des continents entiers ; il en sera de même pour la psychokinésie dans quelques temps. Burensteinas fait part de son idée au haut commandement nazi en la faisant passer pour le volet ultime de son secret de la matière. Les nazis sont convaincus : il faut immédiatement mettre en oeuvre le dispositif et commencer les expériences. Nous sommes déjà en février/mars 1945 et le régime nazi connaît ses derniers soubressauts d'agonie. Si expériences il y a elles ne vont pas loin, faute de moyens : guère plus que ce que l'alchimiste avait tenté de son côté avant sa captivité. Burensteinas a gagné son pari : Shéhérazade peut respirer ; le palais est en feu et le prince, qui voulait la condamner à mort, en fuite. La suite nous la connaissons.
L'alchimiste a-t-il fait part de ses brillantes intuitions à ses nouveaux maîtres ? Non, car si ça avait été le cas l'URSS aurait conquis le monde grâce aux super pouvoirs promis par Burensteinas aux Nazis. Mais en est-on si sûr ?
Service du travail obligatoire : STO. Que l'on se souvienne du grand-père de Darius Chamechaude l'officier de police dont nous avons raconté l'histoire plus haut : Alphonse Chamechaude, cheminot chauffeur de locomotives à vapeur. Il fut soumis en 1943 au STO et envoyé en Allemagne. Au début de l'année 1944 il fut détaché de l'usine d'armement où il travaillait à une section très spéciale des laboratoires de recherches secrètes du haut commandement nazi. Or Burensteinas fut affecté à cette section dans le but de lui soustraire le secret de la matière. Alphonse se retrouva en contact avec l'alchimiste. Ce fut un contact extrèmement ponctuel car Burensteinas était soumis au secret stricte et seuls les hauts responsables pouvaient l'approcher. Alphonse travaillait à la construction d'une machine dont l'alchimiste avait dessiné les plans. À un moment donné les ingénieurs qui avaient en charge de concrétiser les conceptions du prisonnier se trouvèrent fort embarrassés car ils butèrent devant une impasse technique. Le mieux avait été de faire venir le captif pour lui demander des éclaircissements. Et là devant la machine en construction Burensteinas tenta de se faire comprendre, dans un mauvais allemand, d'un ouvrier qui oeuvrait au projet. Alphonse, car c'était lui, sut immédiatement, que son interlocuteur était français et il purent échanger en français. Soulagement de l'ingénieur qui trouva là, enfin, une facilitation à une tâche des plus ardues. L'ingénieur ne comprenait pas un mot de français aussi les deux prisonniers purent converser librement. Jules chargea Alphonse d'un message pour son épouse qui devait se faire un sang d'encre ignorant sans doute ce que son mari était devenu : " Alphonse, quand tu seras libéré va voir ma femme au 73 rue de la Balme à Lyon et dis lui que je me porte bien et que je vais tout faire pour m'en sortir. " Burensteinas se tut un moment et se dit que c'était un peu court et qu'il fallait profiter de la présence de ce messager que la Providence lui envoyait pour faire passer une information essentielle. Oui, mais laquelle ? C'était l'évidence même : les Nazis allaient bientôt mettre au point la bombe atomique ; il fallait que les Alliés le sachent avant qu'il ne soit trop tard. Burensteinas l'avait compris quand il s'était retrouvé au contact de ces grands physiciens allemands qui préparaient ce funeste projet. Eux et lui avaient longuement discuté à propos du secret de la matière et Jules avait finit par comprendre de quoi il retournait. Ces scientifiques avaient imprudemment évoqué, sans s'en rendre compte, la radioactivité et la fission des atomes qui pourrait dégager une énergie sans commune mesure avec celle prodiguée par le charbon et le pétrole. La bombe atomique était à l'oeuvre : Burensteinas finit par en avoir la conviction. Et il ne fallait pas que les Nazis parviennent à leur fin. L'alchimiste fit part à Alphonse de cette information lourde de menace. Il lui dit : " Quand tu rentreras en France mets toi en rapport avec la résistance et délivre leur le message que je viens de te donner ; il en va de l'avenir du monde entier, le temps presse.
_ Oui, mais tu oublies une chose : je suis aussi prisonnier que toi et ne sais quand je serai libéré, si jamais je suis libéré.
_ Alors évade toi. Ce sera plus facile pour toi que pour moi car on est toujours sur mon dos nuit et jour, sept jours sur sept.
_ C'est plus facile à dire qu'à faire et je risque gros...
_ Fais ton possible... "
Et finalement Alphonse Chamechaude a pu s'évader et remplir la mission dont l'avait fait porteur l'alchimiste. La résistance fut prévenue et les Alliés informés. Mais c'était là un secret de Polichinelle car ces derniers étaient au courant depuis longtemps. Tout ceci aura obligé Alphonse Chamechaude à s'évader et à rejoindre le Maquis.
Voilà une histoire héroïque mais, somme toute assez banale, car durant la Deuxième Guerre Mondiale des histoires de ce genre il y en eut de centaines pour ne pas dire des milliers. Alors pourquoi l'avoir racontée ? N'est-ce pas encore une manoeuvre pour faire du remplissage car l'essentiel se trouve en tête de l'ouvrage et que tout le reste n'est que superfétatoire ? Si encore la partie romancée pouvait délivrer une information complémentaire sur le tout nouveau symbole il n'y aurait là qu'un moindre mal mais est-ce le cas ? La réponse est oui. Car tout est lié et l'histoire d'Alphonse Chamechaude est à relier à celle de son petit-fils Darius. Dans ce cas pourquoi cet intermède ? Si toutes les histoires de ce livre sont reliées entre-elles et composent une mosaïque pleine de sens destinée à expliquer encore plus le Nouveau Symbole cette remise en cause n'a pas lieu d'être. N'est-elle pas l'expression de la lassitude du narrateur qui juge superflue toute explication supplémentaire ? Le narrateur ne connait pas mieux l'histoire qui se déroule au fil de son écriture que son futur lecteur. Si tant est qu'il n'y ait jamais quelque lecteur que ce soit. Le découragement le gagne. Bien sûr il se demande en quoi l'ancien maquisard, grand-père de Darius, pourrait interférer avec l'histoire de François Lesneven. En 2020, date où son petit-fils commence son enquête sur le mort de Mélanie Schenal, Alphonse est évidemment décédé. Dirigeons-nous vers sa tombe au Nouveau Cimetière de la Guillotière à Lyon. Il y a dans ce cimetière un carré consacré aux soldats italiens morts pendant la Première Guerre Mondiale en France. Plusieurs tombes se rassemblent autour d'une grande statue personnifiant la patrie italienne. À un coin de ce carré se trouve une tombe dont la stèle est une croix celtique. Sans doute la seule croix celtique de tout le cimetière. En face de cette tombe, de l'autre côté de l'allée, celle d'Alphonse Chamechaude.
" Puisque tu vas encore à Lyon rencontrer pour la deuxième fois ton fameux Schenal profite en pour aller voir dans quel état est la tombe de ton grand-père : ça fait des années et des années que nous n'y sommes pas allés, ta mère et moi, et il faut bien que quelqu'un s'en occupe... " Et allez-y donc : encore une corvée pour moi, se dit Darius. Il vient d'avoir une longue conversation au téléphone avec son père où toutes sortes de propos ont été échangées et c'est comme ça qu'il a su qu'il devait aller à Lyon... Il ne compte passer qu'une journée à Lyon et il devra se lever tôt pour partir de Mende ; arrivé à Lyon il devra aller voir Pascal Schenal à cause de cette histoire de pendentif et ensuite il ne lui restera pas beaucoup de temps pour passer au cimetière. Rendu au cimetière Darius retrouve sans dificultés la sépulture d'Alphonse : un banal monument en granit qui a bien résisté au temps. Mission accomplie : dés ce soir il téléphonera à son père pour lui dire que tout va bien. Darius se retourne et remarque la croix celtique comme s'il la voyait pour la première fois alors qu'il est souvent venu avec sa famille devant la tombe de son grand-père. Il s'approche de la tombe surmontée de cette croix si particulière. Elle est délabrée et semble avoir plus d'un siècle, aucune inscription visible ; Darius se penche vers la base de la croix ; il lui semble qu'il y a une inscription. Il gratte un peu la pierre et parvient à déchiffrer le nom irlandais d'un officier britannique mort au sein d'un régiment italien dont il devait faire partie. C'est du moins ce qu'il suppose et cela ne le concerne pas vraiment. C'est la croix qui l'intéresse : depuis qu'il fréquente Pascal Schenal et Florentin Simplot il est sensibilisé à l'art celtique. Oh, tant pis, je l'appelle, se dit-il. Il se saisit de son portable et entre un numéro et appelle : " Oui, Pascal, c'est encore Darius.
_ Ah, vous venez encore m'engueuler ?
_ Je ne vais tout de même pas passer ma vie à vous engueuler. Je vous appelle pour un tout autre sujet. Je suis au Nouveau Cimetière de la Guillotière là, est-ce vous savez que dans ce cimetière il y a une croix celtique ? La seule de tout le cimetière je suppose.
_ Non, je ne fréquente guère les cimetières... Mais qu'est-ce que vous faites à cet endroit Darius ? Vous aimez vous promener dans les cimetières ? " Darius sent une certaine ironie poindre dans la voix de son interlocuteur. Il reprends : " Mais non, je suis devant la tombe de mon grand-père que mon père, hier, m'a demandé d'inspecter.
_ Vous avez craint que votre grand-père ait pris la clé des champs ? " Darius chancelle devant l'incongruité de cette plaisanterie : ils ne se connaissent que très peu, Pascal et lui, et ça ne justifie pas ce genre de lazzi acceptables seulement entre intimes. Un ange passe. Pascal reprend la parole : " Je vous ai choqué, j'espère, n'attendez de moi aucune excuse.
_ Vous avez picolé, Pascal, mais pas de soucis ; vous faites bien ce que vous voulez de votre vie et je n'attends pas de vous la moindre excuse. C'est moi qui devrait m'excuser de vous avoir dérangé pour un motif aussi futile. Au revoir...
_ Attendez ! Non, c'est pas vrai, je ne suis pas bourré mais ce matin vous m'avez fait beaucoup de chagrin et je viens d'exprimer ma colère par ces quelques mots... " Chagrin, pense Darius, il est troublé ; plus qu'il ne le faudrait par ce que vient de lui avouer Pascal. Qu'est-ce que cela veut dire ? Pascal reprend : " Mais je suis très content que vous m'appeliez, au revoir. " Il raccroche. Darius se retrouve devant la croix celtique. Quel mouche l'a piqué de passer cet appel ? Pour un motif aussi futile : cette simple croix fût-elle celtique. Il se sent confus ; il sent en lui un vague malaise... Que va-t-il se passer maintenant ? Darius et Pascal se parleront encore une dernière fois au téléphone et il ne se reverront plus jamais... Darius repensera encore quelques fois à ce coup de téléphone passé d'un cimetière en se demandant ce qui avait bien pu chagriner à ce point Pascal Schenal quand ils avaient passé une partie de la matinée aux Puces du Canal en compagnie de Florentin Simplot. Sans doute le fait qu'il lui ai dénié quelqu'aptitude que ce soit à être un artiste. Il n'était pas l'auteur de ce pendentif puisque c'était Florentin Simplot qui l'avait fait :
, il ne pouvait donc revendiquer le fait d'être un créateur. Mais était-ce la bonne raison ? Il aurait tant voulu avoir ton estime, lui dit une petite voix : une petite voix qui le connait si bien ; jusqu'au tréfond de son intimité psychique. Alors le malaise indéfinissable le reprend... Il lui vient une pensée qu'il refoule aussitôt. Il ne reste que quelque mois à vivre à Darius et ce petit bout de vie restant sera empoisonné par ce vague regret, cette nostalgie qui ne veut pas dire son nom...
Alphonse Chamechaude s'est évadé. Il est allé à Lyon et a rencontré l'épouse de Burensteinas afin d'accomplir le premier volet de sa mission : donner des nouvelles de son mari. Ensuite il a pris contact avec la résistance pour donner les informations sur la bombe atomique. Et c'est là qu'il a rencontré une jeune et jolie résistante qui deviendra à la libération sa femme. Ensuite il a rejoint le maquis pour seulement quelques mois. Puis la guerre s'est terminée, il s'est marié et s'est installé à Lyon où il est devenu cheminot. Le couple a eu un fils qui a migré à Paris et de ce fils est issu Darius. Remontons la chaînes des causalités en commençant par Mélanie Chenal puis Jules Burensteinas, puis Alphonse Chamechaude, puis la tombe de ce même Alphonse Chamechaude, puis son petit-fils Darius, puis la croix celtique, puis l'appel vers Pascal Schenal. Si Alphonse eut été enterré dans un autre cimetière Darius n'aurait pas vu la croix celtique et n'aurait pas songé à téléphoner à Pascal. Et si Burensteinas n'avait pas incité Alphonse à s'évader celui-ci aurait fait son temps et serait revenu dans sa Charente natale. Si Mélanie Chenal n'avait pas donné Burensteinas à Barbie celui-ci ne l'aurait pas expédié à Auschwitz. Si Burensteinas n'avait pas été alchimiste il n'aurait pas survécu et n'aurait pas pu rencontrer Alphonse Chamechaude, et celui-ci ne se serait pas installé à Lyon où il a vécu le reste de son âge, est mort et a été enterré dans ce cimetière lyonnais en face de la croix celtique et ainsi de suite et ainsi de suite... Et Darius ne se serait jamais rendu compte qu'il était amoureux de Pascal. À quoi tient le destin. C'est spécieux : ce raisonnement est bourré de sophimes. Car tout peut être relié à tout : d'innombrables autres chaînes de causalités auraient pu aboutir au même résultat. Et quel rapport avec le Nouveau Symbole ? Les chaînes de causalités sont-elles sensées apporter plus de signification au Nouveau Symbole ? Quelle était la principale revendication de Lesneven en ce qui concerne sa création ? Le fait d'en être le découvreur exclusif au motif que s'il avait préexisté on le verrait partout.
Cette croix celtique dans un cimetière si loin de l'Irlande ou de l'Ecosse, n'est-ce pas un clin d'oeil du destin : une synchronicité. Pour dire à Darius que son destin est lié à un celtisant et que la tombe de son grand-père le relie à de lointains ancêtres ? La lecture des synchronicités s'apparente à l'interprétation des rêves nocturnes. Darius ne s'est jamais intéressé à ses lointains ancêtres et, d'ailleurs, qui sont-ils ? Les Gaulois. On tombe dans la caricature. Mais qui fait les caricatures ? La pensée dominante qui refuse l'idée que les Français aient comme ancêtres des barbares même pas civilisés : il est plus flatteur de descendre des Romains qui ont fondé une si brillante civilisation. Même si cela est faux et archifaux. La science basée sur la génétique des populations est en train de dire que la grande masse des Français descend de peuples qui étaient déjà implantés dans ce recoin d'Europe, que l'on appelle la France, depuis très longtemps, depuis au moins le néolithique, et qu'il y a eu acculturation et non pas remplacement. Les Latins n'ont pas remplacé les peuples qui étaient déjà installés dans ce territoire ; quelque soient leurs noms ou leurs origines ethniques. Gaulois ou Celtes, c'est la même chose, Aquitains, Basques, Ibères, Ligures ou même Germains peu importe. Diverses langues, diverses cultures, divers aspect pour un seul peuple fondamental qui s'est installé dans ce coin le plus occidental de l'Europe. Alors pourquoi pas les Celtes ? À condition de ne pas prendre au sérieux leur supposée origine indo-européenne. Les Celtes comptaient par vingt ; comme les Basques et commes les Scandinaves : c'est quelque chose qui a marqué ces langues qu'elles soient euskariennes, celtiques ou scandinaves. Il se peut que bientôt la génétique des populations déterminera que tout ces peuples si divers avaient pour ancêtre commun un très vieux peuple : ce peuple qui aurait érigé les monuments mégalithiques qui couvrent les rivages atlantiques. Alors Darius va-t-il s'intéresser aux celtes à l'instar de Pascal ? Et si ce pincement au coeur qu'il a ressenti face à la croix celtique alors qu'il téléphonait à Pascal Schenal n'était que l'appel de ces lointains ancêtres et cette nostalgie celle d'un monde perdu ? Ce sentiment amoureux refoulé n'est-il pas le refus de s'identifier à celui que l'on aurait aimé être ?
Revenons au Nouveau Symbole. Il doit bien être possible de tirer quelque analogie de ce qui vient de s'écrire notamment en ce qui concerne les synchronicités. En face de la tombe d'Alphonse Chamechaude aurait pu se trouver une vielle tombe délabrée surmontée d'une stèle discoïdale basque sur laquelle une variante de la croix basque traditionnelle aurait été sculptée ; cette version par exemple :
. Darius l'aurait remarqué et aurait eu un puissant motif pour appeler Pascal Schenal cette fois ci : " Oui, Pascal, c'est encore Darius.
_ Ah, vous venez encore m'engueuler ?
_ Je ne vais tout de même pas passer ma vie à vous engueuler. Je vous appelle pour un tout autre sujet. Je suis au Nouveau Cimetière de la Guillotière là, est-ce vous savez que dans ce cimetière il y a une stèle basque discoïdale sur laquelle est sculptée à l'identique le Nouveau Symbole dans sa forme curvilinéaire : la version du pendentif que vous avez acheté à Simplot ?
_ Pas possible ! J'aimerais bien voir ça.
_ Venez, je vous attends. " Pascal Schenal n'aurait pu que constater ce fait. Darius et Pascal aurait pu avoir ce genre de dicussion en face de la stèle : " Pascal, vous n'êtes peut-être pas le seul à avoir acheté ce modèle de pendentif ; Simplot aura fabriqué et vendu d'autres exemplaires...
_ Le mieux pour être sûr serait de l'appeler. Voilà je m'y mets : allo, Mr Simplot, c'est Pascal Schenal ; je vous appelle pour savoir si vous avez vendu d'autres exemplaires du grand pendentif que je vous ai acheté ? Ah, bon c'est l'unique exemplaire ? Merci, au revoir. Vous avez entendu ?
_ Oui, et la tombe est très ancienne ; plus de cent ans. J'ai vérifié la date même si l'inscription est à moitié effacée. Voyez comme la pierre de la stèle est érodée...
_ Mais alors qu'est-ce que ça signifie ?
_ Eh bien que le Symbole a bel et bien préexisté avant la trouvaille de Lesneven.
_ Oui, mais si c'était le cas on le verrait partout.
_ Le supposé symbole Lesneven a sans doute eu une diffusion ultra confidentielle par le passé. Avez-vous fait les recherches nécessaires ?
_ Oui, bien entendu, et il est introuvable.
_ Aucune recherche n'est exhaustive.
_ Eh bien moi, je persiste à dire qu'un symbole de cette importance aurait dû avoir une bien plus grande diffusion. Et que cette stèle constitue un énigme. Mais comment se fait-il que vous soyez dans ce cimetière et non sur la route en direction de Mende ?
_ Regardez cette tombe de l'autre côté de l'allée : c'est celle de mon grand-père. Mon père m'a demandé hier par téléphone de vérifier si la sépulture était en bon état.
_ Je suppose que ce n'est pas la première fois que vous venez ici ; comment se fait-il que vous vous aperceviez que maintenant de la présence de la stèle basque ?
_ Parce que je n'y avais jamais fait attention auparavant. Votre pendentif m'a sensibilisé à ce qui jusque là m'était indifférent.
_ Je vous ferais remarquer que cela constittue une extraordinaire synchronicité : cela tient, pour moi, du surnaturel, car je ne dévie pas de ma position : le symbole Lesneven s'il avait préexisté, on le verrait partout. " L'argument du miracle ! Qu'en faire ? Une synchronicité n'a de valeur que si elle est porteuse de signification et où aurait été cette signification ? Une analogie peut être faite par rapport au cas précédent.
La tombe : les ancêtres ; le symbole : emblème d'un peuple, l'identité ethnique. Mais à quelle ethnie fait référence le symbole Lesneven ? Aucune. La croix celtique et le triskel font référence aux Celtes ; le quadriskel à la fois aux Celtes et aux Basques ; notamment pour les Basques : la version croix basque du quadriskel. On pourrait penser d'ailleurs que le quadriskel en étant l'emblème commun des Celtes et des Basques pourrait référer au très ancien peuple qui vivait au néolithique en Extrème-Occident : hypothèse déjà évoquée plus haut. L'ethnie lié au symbole Lesneven n'existe pas. Du moins pas encore. Elle existe en puissance dans l'avenir et on ne sait même pas si elle émergera. Nous avons évoqué plus haut l'histoire de cette ethnie future où le symbole Lesneven se nomme dans sa version curvilinéaire le symbole Simplot. Nous avons émis l'hypothèse que le socle de cette ethnie était une religion naturiste de même que le très ancien peuple qui a érigé les monuments mégalithiques de l'Europe de l'ouest avait, peut-être, une spiritualité vouée à la nature. Ainsi la boucle serait bouclée et la très ancienne spiritualité naturiste restaurée.
Pour l'heure Darius et Pascal se trouve devant la stèle basque et si on leur disait qu'ils sont les premiers représentants d'une ethnie en devenir cela ne leur ferait ni chaud ni froid. Pour l'heure ils considèrent, incrédules, la sculpture de la stèle : la pierre calcaire friable est tellement érodée que l'on a quand même du mal à distinguer le motif ; mais pour eux il s'agit bien de la version curvilinéaire du symbole Lesneven, leur scepticisme, surtout pour ce qui regarde Pascal, concerne le fait qu'ils ont devant eux un des rarissimes exemplaires dudit symbole qui aurait préexisté à la création de Lesneven. Tout à leur sidération il n'ont pas vu approcher un viel homme à barbiche blanche et petites lunettes rondes ; un vestige sociologique du siècle dernier. Les voyant interdits depuis un moment devant la tombe décrépite, il s'approche d'eux et leur adresse la parole : " Ah, vous vous étonnez ; vous vous demandez ce qu'une tombe basque vient faire à Lyon ? Mais qu'il y a-t-il d'étonnant à ça ? Des basques il y en a partout... " Le vieux monsieur est un érudit qui est en train de rédiger une monographie sur les cimetières de la Guillotière, l'ancien et le nouveau, il raconte par le menu l'histoire de la sépulture basque ; de celui qui y est enterré et de sa famille. Rien de passionnant ; les deux hommes commencent à se fatiguer du long monologue de ce vieux raseur quand tout à coup un mot, un seul mot attire leur attention : lauburu... Darius intervient : " Pardon, Monsieur, qu'avez-vous dit ? Lobourou ?
_ Oui, lauburu c'est le nom de la croix basque en langue euskarienne.
_ Croix basque ? Vous voyez une croix basque sur cette stèle vous ? Nous, nous y voyons surtout un symbole tout à fait inhabituel qui a certe un rapport avec votre lauburu mais un rapport éloigné.
_ Ah, je vous demande pardon ; certe on ne voit pas grand chose parce que la sculpture est à moitié effacée mais si vous voulez bien vous approcher d'un peu plus près et la considérer sous un certain angle... d'autant plus que la lumière du jour déclinant renforce les ombres... et là vous verrez bien qu'il s'agit du lauburu. "
Darius et Pascal s'approchent du monument, regardent la sculpture et vont même jusqu'à la tâter. Stupeur : le viel érudit a raison ; il s'agit bien de la croix basque !
Après le départ du viel érudit Pascal prend la parole : " Nous avons été abusé : une véritable hallucination !
_ Je suis la cause de cette illusion : j'étais tellement obnubilé par le motif de votre grand pendentif que j'aurais pu le voir partout. Le fait d'avoir fait attention à cette stèle, qui jusqu'alors n'avait été l'objet que de mon indifférence, a provoqué la vision du symbole Lesneven et je vous ai fait partager cette illusion d'autant plus que vous étiez particulièrement réceptif.
_ Ainsi donc voilà résolue cette enigme et confortée l'hypothèse selon laquelle...
_ Si le symbole Lesneven préexistait on le verrait partout, je sais... " Bien entendu, certains se demanderont où est le surnaturel dans cette histoire puisqu'une explication tout à fait normale et naturelle a été fournie. Que l'on se souvienne : Darius a très nettement identifié le symbole Simplot, nom que l'on donnera désormais à la version curvilinéaire du symbole Lesneven, sur la stèle discoïdale. Si on remontait le temps jusqu'à ce moment fatidique on constaterait que la sculpture quoique vétuste était bien nette et bien dessinée : sans conteste il s'agissait bien du symbole Simplot. Voilà la présence du surnaturel : la réalité s'est modifiée du tout au tout avec l'intervention du viel érudit et les protagonistes ne se sont aperçus de rien.
Darius et Pascal tardent à quitter le cimetière. Qui dit cimetière dit enterrement. Or il est train de s'en dérouler un non loin d'où il se trouve. Sans savoir trop pourquoi les deux hommes se dirigent vers le lieu de la cérémonie. Ils en sont au moment où un curé, un pasteur, un rabbin, un imam ou un proche, peu importe après tout, fait l'éloge du défunt. Les morts sont tous des braves types après tout, c'est ce que chantait George Brassens en son temps. Et le défunt avait toutes les qualitées : bon père de famille, attentif au bien être de parents viellisants, bon époux, bon collègue, bon patron, s'étant impliqué à fond dans la vie associative, généreux, affable, serviable vis à vis de ses amis et membres de sa famille ect... ect... On vient de descendre le cercueil dans la fosse. Les gens commencent à s'éloigner petits groupes par petits groupes et les langues commencent à se délier. Darius et Pascal surprennent cette conversation : " Quel fils de pute on vient d'enterrer ; je suis venu parce que ça se fait sinon je serais bien resté à la maison.
_ Tu n'est pas le seul à penser ça et l'enculade de rat qu'il m'a faite il y a quatre ans : une véritable trahison et dire qu'il battait sa femme. On n'a jamais rencontré quelqu'un d'aussi radin... " Cela n'en finit plus.. Une série de contre-éloges funèbres. L'hypocrisie sociale. Cependant quelqu'un émet ce voeu : " Je ne veux pas d'enterrement pour moi ; je ne veux pas qu'un ramassis d'hypocrites viennent verser des larmes de crocodile sur mon cercueil, que l'on brûle de l'encens et que l'on chante mes louanges alors que de mon vivant tout le monde m'a tourné le dos. Les éloges c'est maintenant que j'en ai besoin pas quand je serais dans la boîte. " Personne ne fait attention à l'intervenant. Ô surprise ! Darius et Pascal viennent de reconnaître Florentin Simplot dans ce quasi soliloqueur. Après les salutations d'usage, Pascal fait part de son étonnement : " Vous ici, Mr Simplot, dire que je vous ai appelé il y a moins d'une heure, quelle coïncidence !
_ Etonnant, en effet, et vous même que faites vous ici ?
_ Darius m'a demandé de venir voir une stèle discoïdale basque.
_ Et moi je suis venu pour m'occuper de la tombe de mon grand-père.
_ En voilà des histoires ! Et on peut la voir cette stèle discoïdale ? " On guide Florentin vers le monument. Il fait ce commentaire après avoir examiné de près la sculpture : " Oui, il s'agit bien là du lauburu : la taille est restée bien nette et bien claire malgrè les ans. " Parole d'expert ! Il ne faut pas oublier que Simplot est sculpteur et a déjà taillé le bois, la pierre et le marbre. Darius et Pascal s'étonnent : au moment de l'intervention du viel érudit la stèle était quasiment une ruine et l'on ne pouvait qu'à grand peine discerner la croix basque. Ils font part de leur stupéfaction à Florentin et lui racontent toute l'histoire ; celui-ci fait ce commentaire : " Vous avez fait une incursion dans un univers bien particulier du multivers ; vous auriez pu ne pas vous en apercevoir et c'est ce que nous faisons tous ordinairement mais, là, le fait que je sois intervenu vous a fait prendre conscience de ce voyage de courte durée. Le Livre de Seth, de Janes Robert, fait état de ce genre de phénomènes... " Puis la journée se termine et tout le monde rentre chez-soi.
Mais qui enterrait-on en cette fin d'après-midi ? Qui était-il par rapport à Florentin Simplot ? Son beau-frère. Florentin n'avait pas voulu laisser sa jeune soeur toute seule, à l'enterrement de cet époux tyrannique et violent, face à une assistance indifférente qui ne venait là que pour obéir aux convenances sociales. Cet homme qui l'avait méprisé toute sa vie durant était enfin mort. Cet orgueilleux si fière de ses acquisitions matérielles et de son pouvoir n'était plus rien. Il était mort relativement jeune, un banal accident de la route l'avait fauché en pleine gloire. Enfin : ce qu'il considérait comme une gloire. Comme si avoir trompé, ruiné de petits épargnants, avoir insulté, humilié constamment tout ceux qu'il approchait constituait une gloire... Maintenant dans sa tombe il n'était plus rien. Et il ne pouvait même pas prendre conscience du néant puisque sa conscience avait disparu. Florentin Simplot quand il mourrait, longtemps, très longtemps après cette journée, connaîtrait la gloire de la Vie Eternelle. Car tout a un prix et tout se paye : l'amour trouve sa récompense et l'indifférence aux autres son châtiment.
Et si tout s'écroulait ? Patatras ! Se dit Lesneven ; il venait de relire son texte, avait enfilé sa veste et s'apprêtait à sortir prendre l'air. Il ne savait pas que dans une minute une voiture le tuerait en bas de chez-lui. Et si tout ça ce n'était qu'une mauvaise farce ? Continua-t-il. Si ça se trouve ce putain de symbole existe déjà dans un coin du monde et je vais bientôt m'en apercevoir. Quelle sera ma réaction alors ? Quelle différence est-ce que ça fera ? Tout le monde s'en fou de mon symbole, alors qu'il ait préexisté à ma découverte ou pas, quelle différence ? Qu'est-ce que je ressentirais ? Est-ce que je serais déçu ? Je suis au-delà de la déception : je suis dans le désespoir. Si j'avais le billet gagnant du loto et l'avais perdu ou détruit par accident ; alors là, oui, là je serais déçu puissance dix ! Mais là, dans le cas présent, je m'en foutrais ; le symbole existe déjà ? Tant pis passons à autre chose ; oui, mais alors dix ans de perdu à être tendu vers un but qui ne s'avére être qu'un mirage...
Il venait de sortir et fermait la porte de sa misérable chambre. Ses pensées continuèrent à tourner en boucle. Il ne pouvait s'imaginer ce que serait son état d'esprit si tout ça s'écroulait. Puis il eut un coq à l'âne : Salman Rushdie... Que venait faire Salman Rushdie dans le flot de ses pensées ? Cet écrivain victime d'une fatwa. Heureusement que je n'ai pas fait allusion à l'Islam dans mon explication car si on l'avait publiée j'aurais été en danger et des fanatiques auraient fini par m'égorger. Existait-il des fatwas laïques ? Oui, bien sûr, le terrorisme intellectuel de gauche tue tout autant que le terrorisme islamiste. Il ne tue pas à coup de bombe ou de kalachnikov mais par la critique injustifiée qui condamne au placard, à l'oubli, à l'indifférence qui tue tout autant qu'une arme à feu... Il en résulte la misère et le désespoir...
François était maintenant sur le trottoir et il s'apprêtait à traverser la chaussée. Une petite voix dans sa tête lui dit : " C'est absurde de croire que ton symbole existe quelque part dans le vaste monde ; on te le répète s'il préexistait on le verrait partout : ne t'occupe pas de l'opinion des imbéciles... "
Son attention totalement accaparée par ce cruel dilemme François n'a pas vu la voiture arriver...
Sa dernière pensée sera : " Les cons ont fini par avoir ma peau... "
Cinquante ans plus tard on en reste au même point : le symbole Lesneven reste inconnu du monde entier.
À moins que... l'Histoire se soit calquée sur cette fiction et que la Première Grande Mortalité ait eu lieu et que la Nouvelle Celtie soit née des décombres de ce vieux monde... mais il ne s'agit là que d'une fiction. Qui peut prédire l'avenir ? Une tête d'oeuf de futurologue serait peut-être capable d'établir une prospective sur le symbole Lesneven. À condition qu'il le connaisse ; ce qui est loin d'être gagné. Lesneven aurait dû envoyer son symbole à un de ces brillants futurologues si intelligents, si propres sur eux, qui se rengorgent de leur flopée de diplômes, de ces bêtes à concours : voilà ce que lui aurait répondu le mandarin : " Ne perdez pas votre temps et ne faites pas perdre le temps des autres avec des trucs idiots. "
Insulte ne vaut pas réfutation.
La plupart des futurologues sont des ânes bâtés : leurs prédictions se sont systématiquement jamais avérées ; personne ne pense à rappeler à ces brillants intellectuels qui plastronnent dans les média leurs lourdes bévues.
" Cependant... " Certe François Lesneven venait de passer de vie à trépas mais sa conscience n'avait pas été anihilée et était malgré tout très alerte et même bien plus que de son vivant ; ce cependant était comme une pensée de regret : il contemplait sa création, ce symbole qui avait empoisonné les neuf dernières années de sa vie, et quelque chose le choqua profondément mais pas de la même manière que ses contempteurs hypocrites. Ces derniers jouaient les vertus outragées assimilant ce symbole à l'emblème nazi ; ils avaient raison en étant critiques mais ils l'étaient pour un bien mauvais motif, pensa la conscience désincarnée de François. Ce qui le choquaient c'était l'association qu'il jugea profondément inesthétique du swastika avec le yin-yang ; ce dernier ne devait pas être le faire valoir du swastika car il s'agissait de tout autre chose : l'émergence d'un tout nouveau symbole jamais vu auparavant et qui ne devait se réclamer ni du swastika et encore moins du yin-yang. Ce qui le frappait c'était ces angles droits qui essayaient tant bien que mal de s'insérer dans ces demi-cercles : il y avait là une disharmonie intolérable. Tant qu'avoir créé un symbole autant faire qu'il soit beau ! Jugea l'âme du défunt. Et il se souvint que la première version, celle curvilinéaire, remplissait cette condition : les yeux de son esprit firent immédiatement apparaître cet objet :
Ah, se dit-il, je reconnais le symbole mais pas l'objet ; d'où sort-il? Alors son âme explora cette grande bibliothèque que certains nomment pompeusement les annales akashiques où non seulement sont enregistrés tout les événements qui se sont produits dans l'Univers mais aussi ceux qui auraient pu se produire et qui ne sont là qu'en puissance, qu'en probabilité, et c'est ainsi qu'il découvrit l'histoire de Conaire Môr qui était prolongée par celle de son avatar au XXème siècle : Ruairî Môr haut roi d'Irlande.
C'est comme ça que François découvrit le bân-is-dubh, l'exacte réplique de sa création, et son rôle magique dans le sauvetage de l'Humanité, qui ne méritait pas cette faveur. Une histoire à la bisounours se dit l'âme qui avait du mal à se remettre des blessures de l'existence qu'elle venait d'achever.
Cherchons quelque chose de plus crédible de plus réaliste...
Sitôt pensé sitôt fait : là c'était une toute autre chanson. L'Allemagne nazie vaincue entraînant dans sa chute l'Irlande gaélique avec pour conséquence la perte de l'indépendance et la réanglicisation de l'Île Verte c'est à dire la disparition définitive de l'Irlande. La croix gammée devenant un symbole maudit, certe, mais également le bân-is-dubh devenant tout aussi maudit.
" Mais le principe, lui, reste là plus que jamais vivant " Une entité désincarné venait d'intervenir dans l'exploration des annales akashiques de François ; elle poursuivit : " La version angulaire a servi à expliquer ton immense découverte mais c'est ta version curvilinéaire, celle qui a servi à décorer la phalère du haut roi Conaire Môr, qui triomphera et cette fois les imbéciles n'y trouveront rien à redire car c'est loin d'être un symbole maudit.
_ Pff ! Il est certe anodin mais il l'est tellement que ça n'intéresse personne ; j'en ai fait la cruelle expérience !
_ Tu as choisi une version historique calamiteuse pour cette malheureuse Irlande mais il est toujours possible de rattraper le coup : ne pourrais-tu essayer autre chose ? Reprends l'histoire au moment où Ruairî Mac Giolla Phâdraig finit son entrevue avec le Colonel Rouvière. Qu'est-ce qui se passe après ?
_ Ruairî est capturé le 9 mai 1945 par les alliés ; il est jugé et condamné à la pendaison.
_ Est-il effectivement pendu ?
_ Non, il est finalement gracié et finira sa vie en prison.
_ Qu'advient-il de l'Irlande ?
_ Rien ; le régime d'Ô Grianna perdure mais à sa mort en 1960 un processus démocratique se met en place à l'instar de l'Espagne après la mort de Franco.
_ Et, qu'en est-il de l'emblème du Fine-Gael : le bân-is-dubh ?
_ Il est peu à peu oublié et reste un symbole maudit.
_ Et c'est tout ? Ton histoire manque singulièrement de mouvement ; ne peux-tu introduire un élément qui l'animerait un peu plus ? Pourquoi avoir épargné Ruairî si c'est pour qu'il finisse sa vie en prison ? Il aurait tout aussi bien pu être pendu, tu crois pas ? Ne pourrais-tu lui faire reprendre un rôle plus en accord avec sa personnalité ; avec son destin ? N'oublies pas que sa vie a basculé au moment où une voix dans un rêve lui dit : " C'est le drapeau de la honte que tu salues. " Alors ?
_ En prison il pourrait étudier : s'intéresser à l'histoire ancienne de son pays et notamment à son archéologie.
_ En prison on ne peut guère participer à des fouilles archéologiques...
_ Il passe un diplôme d'archéologie ce qui lui donne les compétences pour écrire un livre sur l'archéologie en se faisant aider pour celà par des archéologues irlandais qui sont sur le terrain et qui sont tout contents de trouver quelqu'un capable de réaliser une synthèse de leurs travaux... "
À partir de là des images apparaissent à François : la vitrine où est exposé le phalère de Conaire Môr dans le Musée National de Baile Âtha Cliath, anciennement Dublin, le rapport de fouille de Conaire Ô Conchobhar datant de 1901. Puis la publication du livre de Ruairî Mac Giolla Phâdraig intitulé : Le phalère d'or de Conaire Môr : une énigme insoluble.
Il voit que dans les années 2010 un jeune Français du nom de Florentin Simplot se met à lire cet ouvrage... Bien plus tard, en 2030, il voit Florentin, devenu orfèvre et créateur de bijoux, réaliser une copie en bronze du phalère de Conaire Môr...
Et puis... il voit aussi tout un pan de l'histoire antérieure s'effacer et Florentin Simplot se retrouver avec le phalère sans se douter de son origine qui a désormais disparu et s'imaginant que ce bijoux et le symbole qui le porte sont sa propre création et non pas une copie. En fait c'est comme si à partir d'un point temporel une autre histoire antérieure était venue s'embrancher sur l'histoire de l'Univers : une Histoire où l'Irlande serait devenue indépendante tout en laissant six comtés de l'Ulster au Royaume Uni ; un tout petit pays famélique resté neutre pendant la Deuxième Guerre Mondiale, innocent, certe, mais sans grand éclat et ayant complètement raté sa renaissance linguistique et culturelle ; un univers où l'histoire de Conaire Môr n'est qu'un épisode mythologique sans qu'il y ait le moindre vestige archéologique pour attester de l'existence probable du roi légendaire. Et puis un monde où le bân-is-dubh n'a jamais existé.
Maintenant il voit Florentin Simplot se démener avec une trouvaille qui le dépasse. François voit les galères pas possibles subies par l'artiste et son coeur se serre car ce destin est si semblable à sa propre existence qu'il vient d'achever. Il voudrait mettre en garde le malheureux et lui dire d'abandonner pendant qu'il en est encore temps mais c'est au tour de l'entité d'intervenir : " N'en fais rien ; si tu interviens c'est tout cet univers qui s'écroule car il a besoin de ce symbole pour survivre... N'aie crainte car les choses vont évoluer et Florentin finira par triompher. "
L'âme du défunt voit le destin de Florentin se poursuivre jusqu'au 1er août 2031 et là... Que se passe-t-il alors ?
Il ne peut aller plus loin.
Et Florentin se retrouve bien en peine avec sa supposée création qui n'intéresse personne car ce symbole a beau n'avoir jamais préexisté et avoir une haute valeur significative personne ne le comprend et personne n'y croit. Pour qu'un symbole ait du succès il faut autre chose : si un quidam avait créé le symbole peace and love bien avant le mouvement hippie sa création n'aurait attiré l'attention de personne ; on se serait moqué de ce zigouigoui puéril. L'auteur du peace and love, lui, n'a pas mis la charrue avant les boeufs : il a compris que le mouvement pacifiste naissant avait besoin d'un signe de ralliement et c'est pour cet usage qu'il l'a créé ; c'est l'idée de la paix et de l'amour qui l'a propulsé sur le devant de la scène.
La version curvilinéaire du bân-is-dubh n'étant l'emblème d'aucun mouvement, d'aucun parti, d'aucune organisation ne suscite aucun intérêt de la part de la foule.
Que faire alors ? Se dit la conscience désincarnée de François Lesneven. Faire naître au monde un mouvement dont ce tout nouveau symbole serait l'emblème ?
L'esprit de François fait aussitôt apparaître une image curieuse : celle d'un druide aux longs cheveux poivre et sel et à la barbe blanche, revêtu de ce qui ressemble à une saie d'une blancheur immaculée et portant en sautoir le pendentif de Florentin Simplot. François comprend que sous l'apparence d'un druide des Temps Modernes se cache, en fait, un professeur de médecine qui se targue d'avoir trouvé la panacée à une pandémie dévastatrice provoqué par un virus jusque là inconnu... Voilà une belle occasion de promotion pour le tout nouveau symbole, se dit-il, mais il est peu probable que le chef de service d'une unité hospitalière puisse porter avec autant d'ostentation sur sa blouse de médecin la copie du phalère de Conaire Môr : ce n'est pas très sérieux ; mais si ce Louis Pasteur du XXIème siècle a trouvé le remède absolu à une maladie mortelle on saura passer outre à cette extravagance. Si c'est le cas tout le monde portera bientôt ce pendentif et Florentin connaîtra enfin le succès et la reconnaissance. Mais évidemment cela ne peut se passer comme ça. " Pourquoi donc ? " Interroge doucement l'entité. François répond : " Parce que Florentin doit triompher par lui-même et ne doit être redevable de quiconque : ça me fait penser à l'histoire de ce pauvre sculpteur que le designer Philippe Stark avait pris sous son aile et qui avait toute l'apparence d'une chétive créature phagocitée par un gros et fat poussah : c'était pitoyable...
_ Que préconise-tu alors ?
_ Il faut faire intervenir le bân-is-dubh : l'emblème du Fine-Gael si semblable à la croix gammée nazie mais ce sont là deux symboles maudits.
_ À ce point maudit que Florentin sera la cible de tout les imbéciles que l'amalgameront aux nazis sans pour autant connaître le succès espéré.
_ On peut triompher par le scandale.
_ En effet, mais à terme cela ne mènera à rien car le swastika ne se défera jamais de sa signification maudite, du moins en occident, et le bân-is-dubh tombera dans l'escarcelle des organisations nazies et des sectes diaboliques. Le mème de la croix gammée nazie est devenu trop puissant et le yin-yang associé à cette dernière dans le bân-is-dubh n'est pas là pour en atténuer le sens ; bien au contraire... Si Florentin triomphe ce sera une amère victoire qui le remplira plus de chagrin que de satisfaction.
_ Quand je vivais sur le plan terrestre je sentais déjà à quel point ma création et ma créature si semblable au Golem me remplissais de malaise : je ne pouvais m'empêcher de penser qu'au fond les imbéciles avaient raison.
_ Oui, mais avec tant de mauvaise foi et d'hypocrisie : en se coulant dans le moule du conformisme et du politiquement correcte. Ces brillants intellectuels auraient pu avancer un autre argument pour contester la validité de ta création : l'antinomie des formes ; ce qui est anguleux ne peut se marier avec ce qui est tout en rondeur...
_ Oui, mais là nous ne sommes plus dans les idées mais dans l'art et les intellectuels de gauche se désintéressent de l'art même s'ils feignent se prosterner devant la bêtise de l'art contemporain.
_ Ils sont en effet bien incapables de comprendre la signification profonde de l'art et notamment en ce qui concerne les symboles. Les pensées peuvent prendre des formes et même prendre forme : c'est ce que l'on appelle les formes-pensées et les symboles sont de puissantes pensées, des idées au sens platonicien du terme. Les idées, les pensées peuvent évoluer au cours des âges et prendre un tout autre sens et c'est ce qui est arrivé au swastika : de bénéfique et propriatoire au départ il est devenu maléfique et destructeur depuis que Hitler se l'est approprié ; le mème du Mal l'a si bien imprégné que l'on ne peut plus revenir au sens initial.
_ Il existe cependant de part le monde des mouvements qui visent à réhabiliter le swastika...
_ Tu as vu les photos de ces militants et tu as compris à quel point tu ne voulais pas leur ressembler : des crypto-nazis et des suprématistes de la race blanche qui ne veulent pas dire leur nom, certe, il y a parmis eux des Indiens, des Japonais, des Tibétains ect... qui oeuvrent avec sincérité pour cette réhabilitation car dans leur tradition le swastika a toujours gardé ce sens bénéfique mais ces occidentaux nostalgiques de l'Ordre Noir il est facile de les démasquer avec leur suffisance et leur arrogance de représentants de la race supérieure ; quelle bande d'hypocrites ! Pour en revenir à la signification actuelle de la croix gammée en occident il ne faut pas oublier qu'elle est fondamentalement la version angulaire du quadriskel..." Francois voit alors apparaître cette figure sur l'écran de sa conscience :
le quadriskel en question. L'entité continue : " et cette version est le symbole fondamental : le swastika n'étant qu'un dérivé. Ses branches en angle droit le prédestinait à son funeste destin : en comparaison avec le quadriskel tout en rondeur le swastika parait sévère et même rébarbatif. Pendant des millénaires il a conservé la signification du quadriskel mais au XXème siècle sa prédestination maléfique s'est révélée quand il a servi d'emblème au parti national-socialiste. C'est ainsi que la forme-pensée du Mal est apparue et est destinée à perdurer, du moins en occident. Las ! Puisqu'il se retrouve dans le bân-is-dubh associé au yin-yang il est craindre que le bân-is-dubh demeure un symbole maudit pour toujours. Ce que tu pressentais au niveau esthétique n'est que l'émergence de cette signification négative.
_ Mais alors, que faire ?
_ Il faut que Florentin Simplot écrive un livre où sur la couverture figurera le bân-is-dubh de cette manière on l'achètera pour sa couverture et à l'intérieur du livre il révèlera le véritable symbole qui figure sur le phalère d'or de Conaire Môr et son sens intrinsèquement bénéfique, et c'est cette version, qui est en fait la version première, qui se diffusera."
C'est tout, tout est dit, se dit l'âme de François Lesneven. Il retrouva toute la sérénité qui lui permit d'accéder à un plan supérieur de l'outre-monde et il finit par être heureux.
Il se souvint de ces quelques vers d'un chant gaélique : " Beidh soilse ar na dubhchanaî is nî bheidh uaigneas orm ann. " ; il y aura de la lumière sur les coups durs et je ne serai pas malheureux ici.
Alors que François s'enfonçait peu à peu dans la béatitude l'entité intervint perfidement, comme l'aurait fait un ange déchu, pour troubler la quiétude du bienheureux : " Ah ! ah ! ah ! nous t'avons bien eu, n'est-ce pas ? Est-ce que tu te satisfais de ce revirement ; d'un dénouement aussi naïf qui ne fera plaisir qu'aux imbéciles qui ont honni une fois pour toute le swastika mais qui se foute comme d'une guigne qu'un grand artiste comme Florentin Simplot continue à macérer dans l'anonymat et la plus abjecte misère ?
_ Vade retro...
_ " Il faut que Florentin Simplot écrive un livre où sur la couverture figurera le bân-is-dubh de cette manière on l'achètera pour sa couverture et à l'intérieur du livre il révèlera le véritable symbole qui figure sur le phalère d'or de Conaire Môr et son sens intrinsèquement bénéfique, et c'est cette version, qui est en fait la version première, qui se diffusera." Comment quelqu'un d'aussi intelligent que toi a pu gober pareille insanité ? Tu voulais vivre toute ton éternité avec ce gravier dans ta sandale ? Ton paradis se serait vite transformé en enfer. Ce qui précède aurait pu figurer dans un médiocre roman initiatique tel que L'Alchimiste de Paulo Coelho : tu ne supportes pas tout ce qui est gentillet, bisounours, consensuel à la con. Ce qu'il te faut c'est te colleter aux imbéciles que l'on voit partout dans les média, ceux qui ont toujours raison même quand on leur trempe le museau dans leur pipi nauséabond ; ces crétins qui sont en train de mener l'Humanité à sa destruction.
_ Pourtant je persiste et je signe : l'amalgame du swastika et du yin-yang est profondément inesthétique.
_ Et pourquoi ? À cause de l'opposition de ce qui est carré face à ce qui est rond ? De tout temps de grands artistes ont su tirer parti de l'opposition des contraires car cet affrontement rompt la monotonie qui engendre l'ennui et la fadeur : même si ton jugement négatif semble sincère il n'obéit pas à un impératif esthétique mais à un conditionnement culturel induit dés l'enfance face à l'emblème nazi.
_ Admettons... Dans ce cas que doit-on faire pour aider Florentin ? Toi qui es si malin.
_ Ah ! ah ! ah ! J'espère qu'en employant le mot malin tu ne fais pas référence à nos collègues les anges déchus qui ont déserté le Paradis.
_ Durant mon existence terrestre je me suis souvent demandé si mon ange gardien, justement, n'était pas un auxilliaire de Satan dans son acharnement à ne pas me protéger des coups durs. Mais tu ne réponds pas à ma question : que faire ?
_ Le bân-is-dubh n'a pas besoin d'être l'emblème, pour ainsi dire le logo, d'un mouvement ou d'une organisation quelconque car sa force est intrinsèque et c'est par cette force qu'il triomphera.
_ Tu en parles comme d'un être vivant qui aurait sa propre autonomie : n'est-ce pas un peu exagéré ?
_ Contemple cette version du quadriskel, Âme de François Lesneven... " Et aussitôt apparut à l'esprit du bienheureux cette figure :
une autre version du quadriskel. Celui que l'on ne pourra plus dissimuler comme étant l'Ange reprit : " Ce quadriskel si particulier pourrait bien être lui-même inédit à l'instar du bân-is-dubh et Florentin qui l'a créé en fait bien peu de cas car il ne peut éclipser sa principale découverte.
_ Le phalère de Conaire Môr.
_ Ne fait pas l'imbécile ; il ne peut s'agir que du bân-is-dubh. Ce quadriskel, qui est en effet bien une création originale de notre artiste, n'intéressera de toute façon pas grand monde ; pourtant il ne scandalisera personne. Si un designer bien en vu, comme ce Philippe Stark par exemple, pouvait en réclamer la paternité il en tirerait gloire et fortune mais comme ce n'est qu'un obscur petit artisan qui l'a créé personne ne soupçonnera même son existence.
_ Ceci est à fortiori encore plus valable pour le bân-is-dubh.
_ Je ne te le fais pas dire.
_ Dans ce cas pourquoi faire intervenir ce quadriskel ? Ceci est superfétatoire.
_ Pas tant que ça. Réflèchis : Florentin est bien mal positionné pour se faire connaître ; sans relation, sans fortune personnelle, n'ayant pas un caractère de courtisan _ pour éviter d'employer un mot plus infamant _ il lui est impossible d'émerger de son obscurité. Tout ceci est bien désespérant mais le bân-is-dubh est son seul atout : les imbéciles le trouveront scandaleux et c'est comme ça qu'il a des chance de se diffuser. Je te disais tout à l'heure qu'il avait une existence propre car c'est une forme-pensée très puissante : cette puissance lui a justement été conférée par le destin maudit du swastika qui représente la forme-pensée du Mal absolu.
_ Encore ce discours New-Age que j'ai en horreur : tout ça ne veut rien dire...
_ Détrompe-toi : compare ce quadriskel particulier au bân-is-dubh ; le premier n'a que sa beauté, son élégance et son originalité basée sur une simplicité et un dépouillement extrème dû au fait qu'il n'a besoin que de quelques coups de compas pour être dessiné mais il n'a que ça alors que le second porte un sens fondamentale qui est l'unité de l'être. Mais tout ça tu l'as exprimé en long, en large et en travers dans tes écrits ; l'as-tu oublié ?
_ Non, bien sûr... Mais crois-tu qu'un livre est la meilleur solution pour diffuser et expliquer ce symbole ? Des livres il s'en publie des centaines de milliers par ans comment faire pour que cet ouvrage finisse par être distingué du public ?
_ Tu es dans le doute mais tout à l'heure quand il s'agissait d'utiliser le bân-is-dubh pour mettre en avant sa version curvilinéaire dite du Phalère de Conaire Môr tu ne doutais pas du tout et cela pour une raison : c'est qu'au fond de toi tu n'y croyais pas ; tu préferais en finir avec une solution qui n'en était pas une pour obtenir une certaine sérénité de mauvais aloi et c'est pour ça que nous sommes intervenus pour te recadrer. Il faut laisser faire les choses et s'accomplir le destin de Florentin Simplot. Tu verras bien ce qui va se passer. " Voilà un remise au point bien peu satisfaisante, se dit l'âme de François. " Pourquoi ? " Demanda l'Ange. " Cela ne me dit pas comment ça va se passer et si Florentin finira par triompher : tes paroles lénifiantes telles que tout va bien se passer je les ai entendues seriner des centaines de fois au cours de ma vie ; ça ne me convainc pas du tout. Pour dire le vrai ; je ne crois pas qu'un bouquin pourra diffuser le symbole : il faut trouver autre chose.
_ Florentin Simplot devra s'auto-éditer.
_ Cela ne fait que déplacer le problème : il devra lui-même assurer la promotion ; le seul avantage est qu'il ne se fera pas exploiter par un éditeur à compte d'auteur qui se moquera éperdument de ce qu'il a écrit tout en captant son propre argent. Et on est loin d'être sûr du résultat ; une déception supplémentaire en vue !
_ Tu as raison Florentin a reçu trop de coups et n'est pas disposé à essuyer une déception de plus.
_ Il faut faire appel à Uoretouir ! " Uoretouir qui était le nom d'un personnage historique signifie, en celtique ancien, le Sauveur. L'Ange reprit: " Ne te moque pas car en fait c'est la seule solution.
_ Au cours de ma chienne de vie aucun homme providentiel n'est jamais intervenu mais je sais ce que tu vas me répondre : ce ne sera pas la même chose pour Florentin Simplot ; en effet, si ça se trouve, il est plus chanceux que moi.
_ On tourne en rond : nous pourrions prédire un avenir radieux pour Florentin mais le problème c'est que tu ne nous crois pas.
_ Après tant de mensonges...
_ Qui t'a menti ? Pas nous, en tout les cas, puisque c'est la première fois que nous nous parlons... "
La communication entre l'âme de François Lesneven et l'Ange s'enlisait. Cette âme, même aux porte du Paradis était malheureuse, et elle préféra se tourner vers le néant...
François sentit son être se dissiper comme la brume dans le vent mais à la dernière minute une voix courroucée et grondante lui cria : " Ne fais pas ça ! Malheureux ! Tu es la dernière personne dans l'Univers à mériter le néant qui n'est réservé qu'aux méchants et aux indifférents face à la promesse de la Vie Eternelle ! Tu as le devoir d'exister ! " L'Ange a raison, se dit François, il comprit qu'il devait exister vaille que vaille car s'il disposait de l'Eternité il verrait forcément triompher le Symbole. Cette pensée le rasséréna et son être se gonfla au point d'atteindre la taille de l'Univers et il se mit à chanter en utilisant les vibrations des ondes lumineuses qui créent la réalité...
Ainsi pourrait se terminer cette histoire et on pourrait se dire que le Monde se dirige vers plus de lumière et d'intelligence et que grâce à ça le malheur et la misère seront abolis... Voire... Que l'on se souvienne du cimetière de la Guillotière où se trouve cette certaine croix celtique dont il a été fait état plus haut (on avait sous-entendu qu'elle se situait dans un univers parallèle mais, en fait, elle fait bien partie de notre monde ; vous pouvez aller vérifier ; tant qu'il en est encore temps...) ; la tombe qu'elle surmonte va bientôt être profanée, dans les jours qui suivent... Elle sera renversée et brisée en deux morceaux ; les profanateurs bomberont : ANTIFA sur un des tronçons ; souillant ainsi la mémoire du combattant étranger qui a versé son sang pour défendre notre pays. Que feront ces courageux redresseurs de tort quand notre patrie sera en danger ? Mais aussi a-t-on forcément besoin de fusils, de kalashnikovs, de bombes pour défendre son pays ? Le combat ne commence-t-il pas par la défense de sa langue, de sa culture, de son identité ? Quelle horreur !!! Sale fasciste ! Pouah ! L'identité !!!? À mort le fasciste ! Tiens ; j'entends la voix de ces antifa. Ils ont pris la France en grippe : ils sont en train de s'acculturer à la pseudo civilisation nord-américaine ; on ne les entend plus qu'en train de jargonner en globish à longueur de journée. La France peut bien compter sur eux... pour disparaître... Mort aux cons ! Ce pourrait être un de leurs cris de guerre. Très bien : qu'ils accomplissent ce vaste programme en commençant par eux-mêmes ; qu'ils se suicident en masse : les gens normaux pousseront un ouf de soulagement.
Une précision : la croix celtique est en effet un des emblèmes du fascisme, surtout en France, cependant ceux qui arborent ce symbole ne sont pas forcément tous des partisans de cette idéologie : en Irlande les cimetières sont couverts de croix celtiques or je ne crois pas que ceux qui sont enterrés au pied de ces stèles si propres à la tradition religieuse irlandaise aient été tous d'abominables fascistes. Va-t-on faire de l'innocente croix celtique un symbole maudit au même titre que le swastika ?
Alors si la croix celtique est un symbole maudit c'est tout le celtisme et la Celtie qui sont maudits. Les nostalgiques de l'ancienne et de la moderne Celtie ne sont-ils pas d'immondes salauds, fascistes, réactionnaires et passéistes ? Ce mode de penser si propre à la bien pensance de gauche dans les années 70/80 est-il en train de ressurgir ? Pourquoi pas. Pour les nouveaux maîtres à penser de notre époque finissante et décadente il existe des circonstances aggravantes dues à l'adjonction d'autres emblèmes celtique ; en premier lieu le triskel. Dans ce même cimetière de la Guillotière se trouve, juste devant le crématorium, une tombe à urne cinéraire dont la stèle de granit gris, poli, est gravée d'une croix celtique toute simple et c'est ce dépouillement dans la forme qui la rend impressionnante ; d'autant plus que sur la dalle, devant la stèle, est posée, en chevalet, une simple plaque de marbre où figure un triskel accompagné de ces quelques mots : Tu nous manques beaucoup. Le défunt dont les cendres reposent sous cette plaque ne portait pas un patronyme d'origine celtique et il est impossible de savoir s'il était breton. Peu importe. Ses proches ont cru devoir, pour honorer sa mémoire, faire graver cet emblème par excellence de la Celtie : on se doute qu'il devait se sentir, de son vivant, l'héritier de cette très ancienne civilisation et que c'est une chose qui le définissait à ce point que ceux qui l'aimaient ont senti le besoin de manifester cette identité par ce symbole au même titre que la croix, l'étoile de David ou le croissant de lune ; autant de signes religieux. On pourrait penser, alors, que le triskel est un signe religieux. Que l'on n'attende pas de moi que je donne un nom à cette religion supposée ; bien sûr, la facilité et le goût du sensationnel et du mystère de pacotille voudrait que l'on fasse appel au druidisme mais je ne tomberais pas dans ce travers. Je respecte trop la mémoire de ce défunt pour supposer, à priori, qu'il était affilié au néo-druidisme... La croix celtique constitue un syncrétisme entre l'ancienne religion des Celtes et l'adhésion à la preuve de la résurrection donnée par le Christ : les deux courants spirituels semblent s'être rejoints sur cette simple tombe pour mêler leurs eaux vivifiantes et c'est pourquoi on éprouve cette extraordinaire impression... Qu'en eut-il été si la plaque avait été gravée d'un quadriskel, autre emblème celtique bien moins connu que le triskel ? On n'eut pas manqué d'assimiler ce symbole à la croix gammée étant donné qu'un emblème fasciste était déjà présent sur la sépulture : donc circonstance aggravante. Qu'en eut-il été si la plaque avait été gravée du symbole Simplot, la version curvilinéaire du symbole Lesneven? Mais, d'abord, le symbole Simplot est-il bien un emblème celtique ? C'est avant tout l'emblème de la Nouvelle Celtie qui ne peut être qu'en devenir, en potentialité, donc cela ne peut concerner le présent. Malgré tout, imaginons que les proches du défunt aient eu connaissance de l'existence de ce symbole et qu'ils l'aient fait graver sur la plaque que serait-il advenu ? Et bien rien. Car le symbole Simplot ne réfère à rien et cette extraordinaire alchimie spirituelle décrite plus haut n'aurait pu se produire. Ce nouvel emblème eut-il révélé l'affiliation du défunt à une nouvelle religion ? N'oublions pas, cependant, qu'il est l'alliance de deux triskels pour former un quadriskel et que triskel et quadriskel sont emblèmes celtiques : ainsi n'est-on pas en droit de penser que le symbole Simplot est un authentique emblème celtique ? Dans ce cas là n'aurait-on pu penser que sur cette sépulture auraient été représentés, réunis, les trois emblèmes de la Celtie : le triskel, le quadriskel et la croix celtique ? Qu'aurait ressenti le visiteur à la vue de ce bien modeste monument funéraire mais cependant grandiose de part l'irruption de ce tout nouveau symbole ? Encore eut-il fallu que ce visiteur sortît du lot mais ceci est une autre histoire... N'eut-il pas pensé qu'il venait d'entrer dans une autre réalité ? Sans doute eut-il eu la chair de poule ; ressenti les vibrations provoquées par l'interférence de notre monde trivial avec un univers inconnu tout en potentialité, en probabilité. N'est-ce pas ça le sentiment religieux décrit plus haut ? N'est-ce pas là ce que tout les grands mystiques de tout les temps et du monde entier ont ressenti ?
Cet humble monument funéraire va-t-il être victime, à son tour, de la vindicte des antifa ? Pourquoi pas. Les cimetières juifs sont souvent profanés mais il en est de même des tombes musulmanes. La haine et la bêtise sont dans chaque camps. D'où viennent ces plaies du genre humain ? Ne sont-elles pas inhérentes, justement, au genre humain ? Nous nous gargarisons à longueur de journée de notre prétendue intelligence mais celle-ci est-elle bien réelle ? Tout ceci n'est pas nouveau et n'est guère intéressant. Que pourrait-on tirer d'intéressant de la profanation d'une tombe néo-celtique ? Les antifa prétendent s'en prendre au fascisme et pour eux les celtistes, ceux qui vouent un culte à la civilisation et la culture celtique, ne sauraient-être que des fascistes, voire des nazis. Pourquoi ? Bien entendu à cause des théories racistes de Hitler. Les celtistes ont-ils les mêmes hypothèses quand au fait que les Celtes seraient d'une race supérieure ? Rien ne le fait apparaître et ne le prouve : les celtistes sont souvent curieux des autres cultures et ethnies qui peuplent la Terre ; beaucoup sont souvent polyglottes or il n'en est pas de même de nos brillants intellectuels parisiens qui ne s'abîment que dans la contemplation de leur nombril. Ceux qui affirment avec force leur identité ne souhaitent rien de moins que les autres aient leur propre identité car pour être particulier il faut que autrui soit différent ; on est loin de la tentative d'uniformisation prônée par l'économie libérale et les brillants intellectuels cités plus haut.
Mais c'est quoi cette histoire de tombe néo-celtique ? Les Néo-Celtes n'existent pas ; du moins pas encore. Les antifa vont-ils profaner quelque chose qui n'existe pas encore ? Je vois la tombe néo-celtique idéale semblable à la sépulture basque à stèle discoïdale mais à la place du lauburu, la croix basque, je vois le symbole Simplot. Supposons, malgré tout, que pareil monument se trouve dans un cimetière quelconque, les antifa vont-ils se ruer sur lui pour le profaner ? Oui, car le symbole Simplot sera assimilé à la version combinant le swastika au yin-yang. De même que le quadriskel est déjà assimilé à la croix gammée. Dans ce cas il faut supposer que les antifa auront connaissance du symbole Lesneven, autre nom du bân-is-dubh. Mais d'où leur viendra cette connaissance ? Ah, que les artistes de la trempe de Florentin Simplot n'eussent vécu au Siècle d'Or dans les Pays-Bas en compagnie des Rembrant, Frans Halls, Jan Steen, Vermeer et autres durant cette époque bénie où un simple boucher, boulanger, menuisier pouvait s'offrir plusieurs tableaux de si belle facture que l'on les voit exposés dans les plus prestigieux musées du monde entier de nos jour ! Mais aussi pourquoi ce coq à l'âne ? On aurait pu souhaiter que ce début de XXIème siècle eût favorisé le bon sens et que les artistes dignes de ce nom, bénéficiant de la prospérité économique du monde entier, eussent pu vivre dignement de leur art à l'instar des grands maîtres cités plus haut mais, évidemment, rien de tel puisque ce sont les imposteurs et les escrocs de l'art contemporain qui ont tiré toute la couverture à eux. Pourquoi cet état de fait ? La décadence de la civilisation occidentale n'explique pas tout : il se peut que tout ait été dit et ce dans tout les domaines ; que ce soit les arts plastiques, la littérature, la musique, ect... et que l'on se rabatte sur ce qui paraît vraiment nouveau quitte à ce que se soit à ce point original que ça en devient absurde. Revenons aux antifa, dans un proche avenir ils connaîtront le bân-is-dubh et en feront leur bête noire à cause de la croix gammée alliée au yin-yang mais cette aversion sera-t-elle partagée par toute la société ? Dans tout les domaines civilisationnels la nouveauté est attendue et espérée avec ardeur et le bân-is-dubh pourrait bien combler cette attente car jamais vu auparavant. Tout les membres de cette société ne seront pas obligés de s'aligner sur les antifa car même la bêtise a ses limites et finit par fatiguer ; aussi ce nouveau symbole finira par avoir les faveurs du grand public.
Quelque chose se dégonfle : on s'aperçoit que ce qui semblait être un obstacle insurmontable, l'opprobre jeté sur un tout nouveau symbole, n'est en fait qu'un mirage dû aux préjugés, à la frilosité de quelques uns dont l'opinion ne reflète peut être pas le jugement du plus grand nombre.
Reste un mystère. D'où vient ce symbole ? Question lancinante à laquelle il est impossible de répondre pour l'instant.
Les Néo-Celtes sont-ils déjà parmis nous ? Mais qui seraient les Néo-Celtes ? Les habitants de la Nouvelle Celtie. Et c'est quoi cette Nouvelle Celtie ? N'ai-je pas répondu en grande partie à cette question en relatant cette vision de l'avenir où le tout nouveau symbole est devenu l'emblème d'un monde nouveau peuplé par des humains aspirant à l'immortalité ? Ce rêve d'immortalité est-il si fou que ça ? Le Christ ne nous a-t-il pas déjà apporté la preuve de la résurrection ? Il y a-t-il une preuve matérielle de cette résurrection ? Le linceul de Turin ne constituerait-il pas cette preuve ? Il y a une incertitude quand à sa datation pour en faire une preuve absolue mais quand la science, dans un futur prochain, aura, peut-être, levé tout doute pour dire que l'homme qui était enveloppé dans ce linge est bien mort et ressuscité en l'an 30 de notre ère qu'adviendra-t-il ? L'incroyable sera crédible au même titre que la présence du bân-is-dubh est incroyable mais cependant bien réelle. Si cela se produit, si l'incroyable, l'inesperé arrive que feront les gens en face de cette preuve de l'immortalité ? Ils feront ce que le découvreur du bân-is-dubh a fait quand il a été obligé d'admettre qu'il ne préexistait pas avant qu'il ne le créât : ils passeront par des phases infernales de doutes suivies d'exaltations et l'acceptation de ce fait réel prendra beaucoup de temps... peut être dix ans... Le linceul de Turin est un frêle esquif balloté par les vagues de l'océan de l'incroyance : tout ne tient qu'à un cheveux et si cette preuve unique et essentielle disparaît _ détruite par un fanatique, entre autre _ alors adieu l'espoir... On imagine les affres des croyants... Il n'en est pas de même du nouveau symbole car personne ne peut en nier l'évidence et il ne peut être détruit puisqu'il s'agit plus d'une idée, au sens platonicien du terme, que d'un objet.
Après sa destruction l'existence-même du linceul de Turin sera niée mais pourra-t-on nier le bân-is-dubh après que l'on en aura aboli toutes représentations ? Son créateur, s'il n'a pas été assassiné entre temps, pourra toujours proclamer son existence même si on l'en empêche. Mais si il n'est plus là qui prendra le relais ? Si sa création connait tant d'opposition au point que l'on censure le créateur allant même jusqu'à l'éliminer physiquement (qui pourrait bien en vouloir à un humble artiste qui ne fait de mal à personne sinon, peut-être, les champions hypocrites de l'anti-fascisme) alors cela voudra dire qu'il aura fait des émules et personne ne pourra les empêcher de la représenter dans leur sphère privée car c'est ça une idée : un concept indépendant de toute matérialité.
Au Japon il y a un certain temple. Vieux de plusieurs siècles. Chaque année il est déconstruit et reconstruit à l'identique : dans ce cas là les béotiens auront beau jeu de dire que chaque année c'est un tout nouveau temple qui apparaît mais pourtant il s'agit bien là du même temple : les matériaux auront pu être renouvelés mais c'est l'idée même du temple initial qui demeure. À y bien réfléchir il en est de même de nos cathédrales construites au Moyen-Âge : la pollution moderne a désagrégé les pierres à l'extérieur qu'il a fallu remplacer à l'identique sans parler des aléas historiques, incendies, destructions partielles, bombardements, qui ont nécessité des restaurations également à l'identique. Que reste-t-il des pièces d'origines dans nos vénérables cathédrales ? Pas grand-chose : il y a bien là de quoi choquer un esprit occidental pour qui la matière et la matérialité sont tout ; pas pour un esprit extrême-oriental qui a une claire vision du concept de l'IDEE. Pour un bouddhiste l'idée met en forme le flux de matière qui traverse, justement, la forme.
Détruire en démolissant, en incendiant, en dynamitant, en censurant et en tuant est une chose mais il existe une forme bien plus pernicieuse de destruction : le dédain, l'ignorance et l'oubli.
Il y a un parallèle à faire entre le linceul de Turin et le bân-is-dubh. Qui connaît le linceul de Turin ? Pas grand monde. Ce n'est pas dans les média que l'on risque, entre deux pages de pub pour la bagnole ou un smart-phone, d'en parler et il en est de même des réseaux sociaux ; ces machines à abrutir. Pourtant, dans les catacombes, il est connu et suscite de grands espoirs. Ce n'est pas parce que la Vie Eternelle n'est pas présente sur le devant de la scène qu'elle n'intéresse personne. On pourrait même dire qu'il y a de plus en plus de gens qu'elle interpelle. Par contre personne, absolument personne, ne connaît le bân-is-dubh car c'est quelque chose de résolument nouveau et s'il préexistait on le verrait partout puisqu'il devrait-être connu au moins par ceux qui sont versés dans la spiritualité étant donné qu'il met en avant l'IDEE, l'ESPRIT, à l'encontre de la matière : la voilà la preuve absolue de l'absence d'existence préalable de ce symbole. Après tout, le yin-yang est connu de tous mais il n'est jamais que le précurseur du bân-is-dubh. De même que la preuve absolue de la résurrection du Christ existe apportée par le linceul de Turin car il se trouve suffisamment de faits qui corroborent cette évidence et ce n'est pas une controverse sur la datation qui pourra la réfuter.
Liesse ! Liesse ! Noël ! Noël ! La résurrection existe ! Tout les chrétiens du Monde entier devraient descendre dans la rue et exprimer leur allégresse mais il n'en est rien, pourquoi ?
Parce que c'est trop beau pour être vrai. On veut bien y croire, et ça fait deux milles ans que l'on y croit de cette manière, mais ne nous emballons pas et de toute façon les prêtres, les docteurs de l'Eglise, le dogme, les vérités canoniques sont là pour nous recadrer et éviter que l'on mette à bas l'organisation sociale. Imaginez un peu ce que serait la société, la civilisation, si tout un chacun était à la recherche du mode d'emploi de la résurrection. Tout s'écroulerait. Toutes les valeurs seraient chamboulées et le monde ingouvernable : on tournerait le dos aux exploiteurs et aux dominateurs, les préoccupations matérielles seraient abandonnées et les pouvoirs de l'Esprit seraient cultivés avec pour conséquences des faits qui ne peuvent même pas être conçus...
Alors même si la preuve absolue est là il faut bien continuer sa petite vie pépère et préparer sa retraite. De temps en temps, à la veillée ou lors de dîners entre amis, on pourra toujours évoquer ce fait : " Vous savez... ne le répétez à personne... Christ est ressuscité : on en a maintenant la preuve... " et l'assistance hochera la tête, mi-étonnée, mi-dubitative et on passera à un autre sujet de conversation ; la réelection de Trump, par exemple, où le dernier SUV et la soirée se terminera et tout le monde ira se coucher et le lendemain la routine reprendra jusqu'à la mort que l'on aura eu soin de préparer en se faisant bâtir un beau monument au cimetière ; manière de dire que comme on a vécu on passe sa mort en faisant étalage de son niveau de vie, mais il serait, peut-être, plus juste de dire : son niveau de mort...
Preuve absolue ou pas, quelle importance ? Les gens ordinaires ont-ils vraiment envie de vivre éternellement ? Oh oui, bien sûr ; mais ne sont-ils pas comme le comptable de Monty Python qui détestait son job et n'avait qu'une envie : vivre une vie exaltante d'aventurier, un rêve tant de fois caressé, mais au moment où lui était offerte la possibilité effective et immédiate d'exaucer ce souhait se dégonflait lamentablement en prétextant toutes sortes d'excuses minables ; commentaire : voilà les ravages provoqués par trente ans de comptabilité... Cruel, n'est-ce pas ? Alors partant pour la Vie Eternelle ? Oui... mais avant... il faut... j'ai des choses à régler... Le soi-disant aspirant à l'Eternité se tord les mains et gigote sur sa chaise en rentrant ses pieds en dedans et son visage révèle son trouble intérieur : décidément celui-là n'est pas fait pour l'Eternité...
Mais enfin, qui serait digne de la Vie Eternelle selon toi, toi qui te crois si fort ?
Job, les gueux, les humiliés, les désespérés, ceux qui n'ont plus rien à perdre et n'ayant plus rien à perdre savent la valeur de la Vie. C'est à dire la Vie Eternelle. L'expression Vie Eternelle étant entendue comme un pléonasme.
Que vient faire le bân-is-dubh dans toute cette histoire de Vie Eternelle ?
L'existence de ce symbole est l'évidence même qui ne saurait être niée ; nul ne pourra la contester : pareillement, peut-on contester l'évidence de la Vie ? Qui dit Vie ; dit Vie Eternelle.
La signification de ce tout nouveau symbole n'est-elle pas celle-ci ? Evidence. Comme la Vie est évidence et ce n'est pas les derniers sophismes des philosophes à la mode, en concertation avec certains mathématiciens faiseurs d'embrouilles, qui pourront apporter la preuve du contraire.
Pourquoi la Vie ne peut être qu'éternelle ?
Et d'abord qu'est-ce que la résurrection ? Résurrection dans le corps de chair car le Christ après sa mort est bien réapparu dans son corps de chair. Si son esprit est immortel et accomplit des miracles, comme il l'avait fait de son vivant sur le plan terrestre, manifester son corps physique va de soi. Car l'Esprit peut tout.
Qu'est-ce que la Vie ? Il y a-t-il ce qui est vivant en face de ce qui est mort ? Définir la Vie ne revient-il pas à définir la mort ? Alors qu'est-ce que la mort ? Peut-on donner une définition claire de la mort ? D'après ce qui est communément admis pour être mort il a déjà fallu que cela ait été vivant. Donc est exclu le règne minéral : nul ne peut dire si le caillou est mort mais bien sûr il sera admis qu'il ne peut-être vivant. Pourquoi ? Parce que le caillou ne bouge pas de lui-même ? Ni ne pousse, ne croît ni n'évolue de lui-même ? Bien sûr une force extérieure peut faire bouger le caillou et des facteurs tout aussi extérieurs peuvent l'altérer mais pour être vivant il faut qu'il ait une autonomie ontologique. La plus infime des bactéries est considérée comme vivante mais qu'en est-il du virus ? Un virus est-il vivant ? Les scientifiques peuvent-ils apporter une réponse claire à cette question ? Tout ce que l'on sait c'est que le virus sans le vivant ne peut agir ; sans le vivant il n'est rien. Donc ne serait-on pas en droit de considérer le virus comme étant dépourvu d'autonomie ontologique ? Alors, si c'est le cas, le virus n'est pas vivant, à l'instar du caillou. Mais le caillou et le virus sont-ils vraiment mort puisqu'ils n'ont jamais été vivant ? Il semble exister un zone intermédiaire entre la vie et la mort. Ne butte-t-on pas sur la définition même de la mort ? Ne pourrait-on définir la mort comme ce qui est inerte ? La plus infime des bactéries ne semble en faire qu'à sa tête : ce n'est pas une mécanique ; elle fait preuve d'intention même à une échelle aussi réduite. Si on arrive à prouver qu'un virus a une intention on ne pourra faire autrement que de le déclarer vivant. Qu'en est-il du minéral ? Le minéral a-t-il une intention ? On ne peut considérer la Nature comme une collection d'objets séparés mais comme constituant un tout. Le minéral provient des poussières d'étoiles et celles-ci s'inscrivent dans une vaste cosmogonie qui s'est déroulée durant des milliards de milliards d'années et beaucoup d'astro-physiciens pensent que le cosmos évolue suivant une intention et que la vie dans l'Univers ne saurait-être séparée de cette cosmogonie. La Vie c'est l'intention. Voulez-vous que je vous donne une définition de l'intention ? Il y a des évidences qui ne peuvent être définies. Je n'ai pas à apporter la preuve de ma propre existence et si un brillant sophiste m'annonçait que je n'existe pas je le prendrais pour un fou. Question de bon sens. La Vie est comme ma propre existence et on ne saurait également en apporter la preuve mais elle est EVIDENTE. Si l'Univers à une intention c'est qu'il est vivant et éternel donc la Vie ne saurait-être qu'éternelle. De plus l'ESPRIT ne saurait être séparé en de multiples entités mais comme formant un tout UNIQUE. L'ESPRIT est en chacun de nous et forme la réalité : la mort individuelle est une illusion car il n'y a que la VIE.
Pour en revenir au linceul de Turin ; la foi ne semble tenir qu'à un minuscule et fragile fil : ne pourrait-on pas s'appuyer sur d'autres preuves plus sûres et surtout plus abondantes ?
Ce qui fait la grandeur et la magnificence du linceul de Turin c'est son unicité : celle-ci constitue en elle-même déjà un miracle car avoir traversé les siècles et évité bien des menaces de destruction est déjà, en soi, un prodige.
Il en est de même de ce tout nouveau symbole car il aurait dû être créé bien avant ; à l'aube de l'humanité ; comme tout les autres symboles. Son apparition récente a-t-elle une signification particulière ?
Je laisse chacun juge. Réfléchissez, cependant, au fait qu'il représente l'IDEE donc l'ESPRIT et qu'il arrive à un point crucial de l'Humanité car l'Apocalypse vient de débuter. Le mot apocalypse signifie révélation et cette révélation ne pourrait-elle pas être celle de l'immortalité physique dont, justement, le linceul de Turin apporte la preuve ?
Les partisans du progrès contestent l'idée même d'apocalypse car ils nous promettent depuis si longtemps que la science, relayée par la technique, va apporter des remèdes à tout nos maux. Mais ont-ils vraiment raison ? Nous sommes à la croisée des chemins et la direction qu'ils nous demandent de suivre est tout simplement aberrante car elle réclame une expansion infinie dans un monde fini : c'est un défi à la logique. Bien sûr, ils parlent de conquêtes spatiales pour résoudre cette aporie. On veut aller chercher au loin ce que l'on avait déjà chez soi et que l'on s'est acharné à détruire mais ce que ces rapaces à apparence humaine ont fait à la TERRE ils le feront aux autres planètes de l'Univers.
Croire à l'immortalité physique implique de croire aux pouvoirs de l'ESPRIT. Si l'en est ainsi je ne me vois pas enfermé dans une petite vie étriquée axée sur le matérialisme tant philosophique que bassement pratique _ quand bien même je serais milliardaire et disposerais de tout le nécessaire pour satisfaire le moindre de mes caprices _ au contraire, je me vois, libéré de toutes contraintes et possessions matérielles, planant au dessus de magnifiques paysages terrestres et même, pourquoi pas, à travers les galaxies de l'espace infini... C'est la poésie même que de s'imaginer comme un pur esprit voyageant dans l'Univers entier mais l'immortalité physique implique bel et bien la possession d'un corps ; alors ? Le problème n'est pas celui du corps car il n'est jamais qu'une manifestation de l'esprit ; le problème est celui de la mort physique : l'immortalité implique l'abolition de la mort. Du passage dans l'au-delà sans la transition de la destruction du corps. Et aussi la fin des maladies et de la viéllesse. Si l'ESPRIT a tout pouvoir et modèle la réalité à sa guise il est encore bien plus à même de réaliser ces prodiges. Les miracles existent déjà et sont bien la preuve de ce que peut faire l'ESPRIT.
La lettre suivante provient de Mr. Venceslas Kruta, qui fut un grand archéologue de renommée mondiale, en réponse au courrier que je lui avais adressé, au mois de janvier 2011, pour lui soumettre ma création. Cet esprit éclairé a su reconnaître l'intérêt que représentait mon symbole et aussi le fait qu'il ne préexistait pas avant que je ne le découvre.
Noisy-le Roi, le 15 janvier2011
Monsieur,
J'ai bien reçu votre lettre et le dessin qui l'accompagnait. je ne connais pas un tel traitement du triscèle, mais il pourrait tout à fait avoir été réalisé par un artiste celte du IIIéme siècle avant J.-C., dans la mesure où il représente la fusion idéale entre un rythme giratoire ternaire et quaternaire. Je suis presque étonné qu'il n'en soit pas ainsi, car il correspond tout à fait, par son ordonnance et les significations sous jacentes, à ce qu'il aurait pu faire. C'était d'ailleurs un but recherché et obtenu par différentes formules fondées toutefois sur des justapositions.
Je vous félicite donc vivement de cette belle réussite.
Venceslas Kruta
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